- Le Nouveau Décaméron
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Cette liste recèle, dans la célébration sympathique de très nombreux musiciens corses, un peu de poésie...
La guitare, instrument roi de la basse vallée du Taravu
D’hier à aujourd’hui
Eté 1960. Il est 18 heures. Les cars Ollandini et Cesari, qui font la ligne Ajaccio-Porto Vecchio et l’autre Ajaccio -Moca-Croce déversent devant le Bar de La Poste à Bicchisano, leur lot de passagers qui viennent de supporter les 50 kilomètres de virages et de nids de poule en pleine chaleur.
Le temps des mousquetaires
Les immenses platanes qui bordent la traversée du village dispensent une fraîcheur inespérée qui rend l’étape absolument indispensable à tous les voyageurs qui se dirigent vers l’extrême sud, encore 3 heures de route !
Vite on se précipite au comptoir siroter une canette de limonade rafraîchie par l’eau de la fontaine de la place en face (à défaut de frigo), où, de l’autre côté de la rue, à la Taverne De La Victoire tenue où Jeanne et Francis Mettem, aujourd’hui disparus, proposent boissons, casse-croûtes, cartes postales, souvenirs….et surtout, comble de modernité et rare pour l’époque, un WC ! Vite pris d’assaut.
À la terrasse du Bar De La Poste, tenu par le regretté Jacques Colonna d’Istria, lui-même mandoliniste averti, un cercle compact s’est formé autour de Xavier Olivieri et son complice Séverin Colonna d’Istria qui ont décroché les deux guitares qui pendent en permanence de chaque côté de la cheminée, dont une authentique Carbonnel !
Xavier, qui fut avec bien d’autres musiciens corses, animateur du célèbre cabaret rue de Grenelle à Paris, le Chants et Guitares, et créateur du duo « Les Guitares de l’Empire » qui a enregistré maints 33 tours.
Nos deux vacanciers, virtuoses émérites, enchaînent Espoirs Perdus, Indifférence, Brise Napolitaine… Le pastis coule à flots offert par les voyageurs subjugués.
Plus rarement, on a vu l’immense et talentueux guitariste classique Jacques Istria, en vacances dans son village, jouer avec eux Mélonguita, célèbre tango de sa composition.
Mais soudain retenti un klaxon ! Le chauffeur n’attend pas, il faut partir, la route est encore longue !
« S’il-vous-plaît monsieur le chauffeur, encore un petit morceau, juste un petit tango… »
Las ! Les autocars ont repris la route, mais Xavier et Séverin jouent encore et quelques gamins sont restés là, les yeux émerveillés. Ils sont là tous les soirs, Les Paul Vinciguerra, Paul Polverelli, les frères Marini, Dominique Bighelli… descendus en courant de Petreto par la Stretta di u Pignotulu, pour écouter leurs idoles.
« Voilà les mousquetaires ! », s’écrit en riant le patron Jacques Colonna d’Istria.
À ceux-là se joindrons bientôt d’autres gamins en vacances tels qu’Antoine Vellutini, Paul Vinciguerra , Pierrot Dieghi (qui en a fait un métier), Jackie Nicolaï, notre Maire actuel….
Tous se promettant de devenir guitaristes.
Le temps de l’apprentissage
La guitare, c’est donc de 5 à 7 au Bar de la Poste de Bicchisano. Mais après ? Après, il faut enchanter le rêve, le concrétiser, ne plus se contenter d’écouter les virtuoses mais s’y mettre !
Le virus pris, alors nos « Mousquetaires » chers à Jacques Colonna d’istria se tournent vers la taverne de Petreto, le Bar de Joachim et Colombe Innocenti, troquet familial et accueillant, où trône une guitare de foire très médiocre, revêche comme une pimbêche et qui ne demande qu’à se laisser apprivoiser. Groupés autour de la cheminée, les voilà qui s’escriment sur des imitations hasardeuses et dissonantes des chefs-d’œuvre de Django Reinhardt.
Les Paul Léandri, François Matra, Auguste Dieghi, adeptes de guitares et mandolines, Aimé et Julien Santoni et leurs accordéons, ne manquaient pas de leur rappeler avec fierté que là près de cette cheminée, le grand Vincent Scotto en personne s’était un jour exprimé.
Le temps des récompenses
Le temps a passé. Nos mousquetaires sont eux-aussi devenus guitaristes non sans talent à force de travail et de passion.
L’été on les retrouve aux côtés de Xavier Olivieri et Severin Colonna d’Istria, mais cette fois une guitare à la main, ou en groupe, le soir venus, sur les murs de Petreto, le long de la traverse où promènent les jeunes filles, auxquelles ils donnent l’aubade.
Son épouse Arlette et Paul Polverelli (en bon guitariste) ont ouvert le restaurant La Lanterne, qui devient vite le soir venu le rendez-vous de tous les guitaristes et chanteurs amateurs de la région.
Les murs résonnent encore des extraordinaires sérénades des frères Marini à la guitare, et au chant, Nonce Maccioni, Donat Beretti, Michel Polverelli ou du regretté Paul Foata, chanteur à la voix de velours et animateur de cabarets corses parisiens, pour le plus grand plaisir des convives. À la guitare et au chant, son neveu Sebastien Breton-Foata n’a pas manqué aujourd’hui de prendre la relève et participe à des groupes de cantu nustrali.
Et demain ?
La relève est certainement là, cela ne fait aucun doute. Les enfants des Mousquetaires à qui ils ont communiqué le virus, souvent aussi leurs petits-enfants. De plus, des cours de guitare sont dispensés au collège du village, qui révéleront certainement des nouveaux talents.
Les mousquetaires, que sont-ils devenus ?
Beaucoup de ceux dont les noms sont cité ici nous ont malheureusement quitté.
Nul doute qu’ils parcourent « quassù in paradisu , i prati fiuriti duve cantani l’angnuli ».
Les autres ont pour la plupart atteint l’âge de la retraite, et ils n’ont jamais cessé, à des degrés divers, de pratiquer leur instrument préféré. Le virus a été transmis et ils en sont ravis.
Certains d’entre eux participent à l’animation des restaurants à la mode du canton comme U Cantu, de la famille Martino à Olivesi, et au-delà.
Aujourd’hui la vallée du Taravu regorge de musiciens de qualité, chanteurs et poètes dont certains ont acquis une renommée internationale. Ils marchent sur les pas de leurs anciens qui ont fait les beaux jours de nombreux cabarets corse de l’île comme le Pavillon Bleu, Le Son des Guitares, et au-delà, Paris, Marseille, Abidjan, Alger, Dakar…
Après Xavier Olivieri, la famille Colonna D’Istria, les frères Bozzi, de nouveau talents de grande classe se sont révélés.
Tels Arnaud Giacomoni, d’Albitreccia, son complice Fanou Torracinta, Balaninu untu è finu et taravais d’adoption, créateurs du groupe Corsican Trio, qui jouent dans la cour européenne des grands guitaristes de style manouche.
Quand ils n’animent pas des soirées dans les cabarets ajacciens ou parisiens, on peut les trouver chez Armelle et Philippe dans leur restaurant Chez Marie à Bicchisano, au Jokey bar de Paul-André Bungelmi à Ajaccio, ou bien à cet autre rendez-vous des guitaristes qu’était au village de Campo U Carabonu, où Michel Antona et son fils Nicolas caressent la guitare, quand sa fille Léa à la voix d’or s’accompagne au violon ! On y a même vu, de passage à Campo, y jouer pour quelques amis le célèbre guitariste gitan Tchavolo Schmith, considéré en Europe, de même que notre éminent Jean-Jacques Gristi, comme de dignes héritiers de Django Reinhart.
Sans oublier de rappeler les nombreux talentueux voisins et amis, des cousins presque, qui nous ont honoré régulièrement de leur amicale présence, tels pour la région d’Ajaccio, le précité Jean-Jacques Gristi, ses complices Dumè Caratenuto et Paul Aiuti, François Giordani, Julien Santoni et son accordéon, Nono Dupest…
Et pour Propriano ou Olmeto, José Canazzi, François Quilichini, Francis Léandri, François Codaccioni, Jacques de Peretti, Jerôme Valinco, Jean Leandri. Ce dernier nom évoquant immanquablement la regrettée Maria Leandri, à l’immense et éclectique talent.
(Ceux dont les noms auront été ici oublié voudront bien nous pardonner.)
La saga de Moca-Croce
Un petit village et pourtant une véritable brochette de talents, un nombre étonnamment élevé de musiciens. Jugez plutôt :
Severin Luciani, Jules Susini, Laurent Ettori, Tony Istria, Lucas Nunzi, Bruno Piller, Pierre -Louis Biondi,….
Dans la famille Istria, je demande
- Le père Napoléon
- Les fils Patrice (Patou), Paul
- Les oncles Charles, Antoine, Simon
- Les cousins Philippe, Julien, Paul
- Les petits-fils Christophe, Jean François, Pierre, Catherine…
Tous talentueux guitaristes !
(Article paru le 17 mai 2015 dans Corse-Matin,
republié ici parce que guitare et souvenirs vont si bien ensemble…)
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