- LND 2021 - Mars
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Le poète observe tout à travers les carreaux… dedans quand il va, dehors quand il demeure. Tout ce qui vit, tout ce qui le devrait, l’émeut : « Souffle ! », ordonne-t-il.
35/
Exultons ! Exultons !
La débauche est notre art de vivre.
Avec style, un raffinement de duc.
Elle est notre joie, notre part de paradis.
Hourra ! Hourra !
Cigare, nectar, caviar, denrées rares...
Gavons de paillardises joyeuses notre beau lupanar.
Jouissons ! Jouissons !
Ne gâchons pas nos corps par l'ennui des nuits mornes.
Célébrons ! Célébrons !
Rassasions-nous !
36/
Je lévite
Tu m'évites
Le lit du destin prépare ma noyade
Trois nuages réfractaires veillent au grain
Quel délit d'être me vaut pareille aliénation ?
Serai-je initié par l'empereur des yogins ?
37/
Les barbelés de l'âme me séquestrent en moi-même
Impossible libération. Exploration interdite
Je suis condamné à l'immobilité
L'introspection pour seule activité
Je sasse le courant de mes idées
En grande majorité vers le bief des affres
Ou vers, plus rarement, le sas étroit des joies
Je ressasse la journée durant
Tandis que le temps trépasse
Des projets de voyages, des velléités de pèlerinages
Pour consolation, puis-je espérer compter sur la complicité des nuits nettoyées de cauchemars ?
Vade retro blanches hantées !
C'est mon lot, sans repos, cette obscurité de barbarie
Je suis mon geôlier aux grilles sans clef
Un viatique me sera-t-il accordé à la faveur d'une grâce collective ou d’un pardon sanscrit ?
Je dois, minus, demeurer ceint de cette herse de fer
Avant le terminus, la station de l'enfer
Alors, me demanda le vent libre
La vie, dans ces oubliettes,
Encore envie ?
Interdit, je ne sus que répondre.
39/
L'eau lit les formes de son regard liquide
C'est se raccorder au monde d'y tremper les doigts
Des informations remontent et relient entre eux l’écho juvénile de la première fois
L'eau c'est le lit de la jeunesse
Le berceau
L'eau vive avide de vie
C'est calme et tumulte
Tempête et mer d'huile
Les doigts le long de l'onde
Au fil de l'eau
Reçoivent d'un morse fluide le message primitif du monde un secret d'extralucide
L'eau guide les mots messagers vers les frayères des poètes
40/
L'être enraciné. L'arbre déraciné. Compagnons terraqués
Un terrible ouragan. L'arbre arraché. L'être décroché
L'être et l'arbre. Le cœur en cible d'une inflexible arbalète
L'arbre et l'être. Un parcours du sensible vers une matière commune
Du bois et de l'os. De la sève, des chairs
La vie se niche dans les fibres
C'est la condition du pacte
Ni chantage ni compromissions
Au bout de la chaîne le chêne offre au corps un coffre nid
Et tous deux s'en retournent à la terre
41/
Le jaune ébahi s'épand traînée de poudre après la foudre
Il ressource le jardin par la délicatesse de sa couleur d'or
42/
Entre ses mains une île
Gâteau de terre aux trois bougies érables
C'est aujourd'hui l'anniversaire des arbres vénérables
Le cadeau c'est ce transport d’idylle
Il regarde son île
Elle est si belle qu’il la montre au ciel
Tel un jeune papa
Son premier-né aux bras
Un peu emprunté
Un brin inquiet
Surtout, subjugué
Dans ses mains l'île
Terre du destin
Là il vivra
Et elle l'absorbera
L'île-origine
43/
La fourche à quatre dents est l'outil à fumier par excellence pour remuer la décomposition
L'oiseau tourne la tête pour détourner les yeux
Il ne chante plus
Ce labeur échoit à l'androgyne désigné par le mauvais œil d'un sort malveillant
Il s'apprête à brasser l'infertile tas puant où se défont les matières impures
Pêle-mêle des pelletées d'orgueil, des charrettes de vices, des brouettées d'avarice, des tombereaux de brimades et des remorquées de scandales
Amoncellement acide dans cette décharge d'un ciel béant
La fourche à quatre dents
L'instrument pour fouailler l'humus du mal humain
Sur quel enfer de néant l'épandre ?
L'oiseau ne siffle plus
44/
La gesticule véhémente d'un scaphandrier touché par l'ivresse des profondeurs
Il affirme avoir vu – dans d'insondables abysses – des créatures dotées de trois yeux avec une branche de gui fichée sur le sommet du crâne
Qui peut le croire ?
Les Thomas triomphent
Qui des siens verra derrière lui la preuve de sa vision ?
L’humanité en apnée manquera l’apparition ?
Le plongeur ne tardera pas à être interpellé, menotté, camisolé, médicamenté, asilé, décérébré.
L'histoire se termine toujours sans surprise : par une chute.
45/
Une maison ça a un côté rassurant
Une maison ou une maman
Un côté apaisant
Un pignon vers l'est
La cheminée
La tasse de café ou de thé à l'heure du goûter
La chaleur du feu
La douceur des lieux
Maman chantonne une berceuse
La maison de son enfance
Endroit d'idéal souvenance
Des odeurs, des couleurs, le lit
Maison Ithaque
Arche aux souvenirs sauvés des eaux d'oubli
Une maison posée dans la mémoire
L'esprit s'y calfeutre les soirs noirs d’affliction
Le chat ronronne
Maman chantonne
46/
Le brasier du diable
Autodafé des âmes condamnées
La Bête les grille aux cendres entassées des crassiers jalonnant l'envers du Ciel
Les vents mauvais soulèvent d'âcres nuages poussiéreux
Le brasero du diable
Autodafé des âmes damnées
La Bête les consume en cendres amassées en terrils accidentant l'enfer du Ciel
Les vents mauvais soulèvent d'âcres nuages de poussière
Le bras du diable sur mon épaule lasse.
47/
L'image est sa propre énergie aux flux migrants
Elle est un monde à soi en soi
Un regard y migre étranger d'une autre langue
Les mots vont viennent à la traduction du vibrant
L'image est sa définition, son influx et son temps
Une vision d’un à-jamais-inactuel-présent
Est-ce parfois un cadeau empoisonné ?
Une mauvaise influence sous laquelle nous pourrions couver de mauvaises intentions ?
L'esprit y pénètre monte-en-l'air au coffre
Quelles richesses nous apprendront la pauvreté ?
L'image est sa surface et sa profondeur
Un volume multi-dimensionnel
Les mots y quémandent une révélation, une réverbération
L'image est sa vision, son ciel
Comme toi sans doute aussi se ment-elle parfois se mordillant les lèvres la mort dans l'âme
L'image est sa valeur
Et c'est bien là le drame du voleur de mots
48/
La femme à l'enfant
La femme et l'enfant
La vie
La poursuite de la vie
L'encore des corps
La flamme maintenue
La femme enfante d'un ventre tabernacle
L'encore de la vie
La poursuite des corps
Le feu sacré entretenu
La femme, l'enfant
Constant miracle
49/
Le sculpteur sculpte
L'harangueur harangue
Le feu flamme
La pierre empierre
Le peintre peint
Au poète quand quel verbe ?
Le passé est passé. N'y revenons pas, c'est du passé.
Le présent l'est. Mais pour si peu de temps.
Le futur augure. Et qui vivra verra.
Au poète le camp du qu'en-dira-t-on.
50/
Ô l'oiseau
Leitmotiv du beau livre
La démangeaison des ailes
Le symbole du vol libre
Le chant de l'enchantement
Ô l'oiseau
L'homme aussi
Sa scie aiguisée
L'arbre pour cible
Où iras-tu nicher ?
Ô l'oiseau
Motif de l'artiste
Les pieds sur Terre
La plume en l'air
Sauras-tu que j'en pleure ?
Oiseau, oiseau, oiseau
Ma jalousie
51/
Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir !
Ah, le vilain mensonge ! Phrase de poète !
J'ai connu des êtres enfoncés au plus profond d'eux dans la pénombre du désespoir.
C'est tant qu'il y a du souffle qu'il y a de la vie !
Souffle ! Fort ! À joues rompre !
Souffle encore dans ton bel olifant, Roland, mon beau vivant !
Souffle à plus soif, à l'épuisement !
Les poumons brûlent d’un délice d’essoufflement !
Le temps n'est qu'un cadran moqueur !
Il s'en prend, félon, à nos mots, à nos cœurs !
Souffle tant que tu veux, talentueux musicien !
Souffle autant que peux, prodigieux magicien !
J'ai connu des êtres défoncés par la plus profonde pénombre du désespoir et qui toisaient encore la mort comme une putain sans cœur !
Souffle ma vie !
52/
Le bloc orbe là-bas au bord du reflet
Cet autre équipé de deux meurtrières
Sont-ils frères ?
Le choc de la collision deux murs épais
La mer s'est retirée sur la pointe des vagues
Ses écumes flottent en oiseaux de flanelle
Deux blockhaus
L'un de face
L'autre de dos
Sont-ils complices ?
Pour quel blocus des forces ?
Qu'un archéologue s'y aventure :
Deux trois inscriptions salaces
Des bocks de bière brisés
Un vieux pot de peinture rouillé
Des condoms sales, des mégots
Des rebuts, des déchets...
Était-ce un temple ?
Un lieu de sacrifice ?
Maîtrisaient-ils le feu ?
Travaillaient-ils le fer ?
Aux premiers relevés il semble que oui.
Le feu, le fer, étaient leur élément.
Au bas mot...
Retrouver les premières Estafilades ici.
Et les deuxièmes ici
Avis aux lecteurs
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