- Le Nouveau Décaméron
- 4 likes
- 937 views
Bout de papier, pense-bête, post-it, aide-mémoire ou estafilade, la poésie s’insinue dans toutes les failles qui fragmentent nos existences en petits éclats brillants.
Estafilades
Animal au destin de dessin
Rien de plus. Rien de moins
Un chien de fusain engendré par une main
Qu'un regard s'y pose
Et le réel s'y ose
2/
Les créatures borgnes possèdent l'indispensable vigilance d'ouvrir l’œil, et le bon
Centaure-Cyclope au bord du gouffre
Comme tout un chacun, ne surtout pas tomber, pas sombrer dans le doute
Même si, trop souvent, s'en faut de peu que la peur l'emporte
3/
La gestuelle cultuelle d’un démiurge aux outils liturgiques tridimensionnels
Son langage corporel confère aux mortels un message gage de vie éternelle :
"Au commencement fut le mouvement.
Et cet élan était vérité.
Le futur des jours suivants devint un apprêt de sincérité."
Ô divin devin
Quel était le but au départ ?
Dieu des lumières et des nuits
Mû dès l’initial d'une envie de vie
Est-ce la promesse d'une existence d'art ?
Et où comment
Pouvons-nous apprendre ce qu'il adviendra de nous
Lorsque l'ennui aura détruit cet enthousiasme fantasque ?
4/
Qu'implorent ensemble l'animal-ailes et l'animal-mains ?
Ni plaintes, ni pleurs
Ô pessimiste ami, rengaine tes anciennes rengaines, ces diluviennes antiennes
Chaque matin ils duotent l'hymne d’union des natures
La fusion plume-peau des animaux ailes-mains
5/
Danseur aux bras élastiques. Danseuse aux doigts tantriques
L'astre ouvre sur le delà une nouvelle scène pour une chorégraphie inédite
Une plastique corporelle quêtant le mouvement idéal
L'écriture d'un ballet s'exprime via les corps
Au même titre qu'un poème rime ses accords
Chimie de l'alchimie des membres combinés
Chaque corps est un mot. Chaque mot un corps. Verbe-chair
Venez, mon cher, nous avons assez dansé pour aujourd'hui
J'ai fini de lisser mes cheveux
Maintenant me vient l’envie d'une folle nuit
Mes mains ont faim de tes aveux
6/
La forme du Monde c'est une femme ronde
7/
Sous la peau les os
Être squelette
Carcasse sac d'os
Être carpe et métacarpe, tarse et métatarse
Tas d'ossements
Être tronc torse
Ça passe en force ou ça casse
8/
La marche silencieuse d'une Ève dégingandée
La marche dégingandée d'une Ève licencieuse
La marche silengandée d'une Ève dégincieuse
La marche déginsilen d'une Ève cieusegandée
D'ici peu un Adam qui s'ignore tombera sous le charme de lèvres prometteuses
Attention à la marche !
9/
Ni épanchement de synovie
Ni ruissellement d'à verse
Les hanches matriochkées de vie
Un flux que femme déverse
Un flot d'inventivité pour libérer
La flamme liquide de la Nativité
10/
Aline et l'animal
Alain et ses comparses sont partis voir ailleurs s’ils n'y étaient pas
Aline, abandonnée, a mal
Un animal de compagnie pour seule compagnie
Aline, son Alain de mari l'a quitté
Sans un mot, sans équité
Honni mâle du mal
Il a fui l'animal. Quel con !
Aline boira
L'animal aboiera
Aline oubliera
Un jour, c'est ainsi, l'animal mourra
Aline pleurera beaucoup
Peut-être même plus que lorsque Alain s'alla
Les chagrins vieillissent
11/
Phallus minus. Chapeau pointu
Pantin humain. Clown sous chapiteau
Clou du spectacle
On montre le monstre
On l'exhibe pour six sous
Pour exciter la curiosité des supposés normaux
Pourtant, au chapitre des pitres
Se bousculer pour voir le nabot vous catalogue de facto anormaux pitoyables
Qui leur dira que cet être difforme, pauvre diable
Est, qu'eux tous, à l'intérieur, mille fois plus beau
12/
Les yeux dans les yeux
Poète et portraits s'échangent des confidences de papier
Par l'entremise du trait naît une complicité d'outre-nature
Camaraderie de l'hors temps
Amitié scellée d'un secret de crayon à l'inépuisable source de délice
Plus sûre qu’or factice du serment des dupes
Ce serpent de la tentation
Fraternité de la représentation
Peintre et poète
Main dans la main
Dessins de desseins
Fratrie d'anachorètes
13/
Je préfère être nu
Le simple appareil me rend plus simple
14/
Cachez-moi ce sang que je ne saurais boire !
15/
Madame à son fauteuil dans la lente attente d'une visite au salon d'hiver
Un siège, une plante verte et une solitude pour dame de compagnie
Pour seule confidente et amie sincère, la lassitude de l’habitude
16/
Le clébard apeuré queue entre pattes arrière
Les loups noirs l'échine courbée d'effroi
Les freux s'enfuyant à tire-d'aile
Les nuages tourbillonnés d'un orage de terreur
L'horizon effaré s'efface
La mimique sadique du salaud terrorise les entours
La pauvresse saisie aux cheveux hurle la plainte des outragées
Les êtres marqués au fer rouge du mal ne s'interrogent pas sur sa nature mystérieuse
Ils connaissent le regard brûlant de la bête
[à suivre...]
Avis aux lecteurs
Un texte vous a plu, il a suscité chez vous de la joie, de l'empathie, de l'intérêt, de la curiosité et vous désirez le dire à l'auteur.e ?
Entamez un dialogue : écrivez-lui à notre adresse nouveaudecameron@albiana.fr , nous lui transmettrons votre message !