Yves Goulm - Estafilades (suites)

  

Scénettes ? Poésies ? Abstraites, surréelles ou sensuelles… univers personnel mais universel… Yves Goulm poursuit avec nous son chemin de mots.

   

   

Estafilades (suites)

  

17/

 

Fakir et fakiresse sur le tapis volant

 

Sublimation

Au-dessus

Par-delà

 

Plus loin que les limites l'horizon s’illégitime

 

Illumination

Nation lumen

L'or de la lumière les porte

 

Fakir et fakiresse sur le toboggan du beau

Lors la clarté les emporte

 

  

18/

 

Des graffitis dans la tête

Une boule d'angoisse au menton

Je prie pour m'extraire

Pour me sortir de l'ornière

De l'invraisemblable désir

D'une création à quatre mains

Mais de qui se moque-t-on ?

 

Une œuvre bicéphale

N'est pas sans danger

S'imbriquent deux esprits

Qu'implique n'ignorer

Que les confluences chiches

Coûtent des efforts hors de prix

Tant à moi qu’à mon double

 

 

19/

 

Le roi des Zulls

À la fois sorcier, sourcier et maître-nageur

 

Il invoque les dieux Zulls

Divinités protéiformes et mimétiques

 

Le roi des Zulls

Zullwizq 1er

En présence du prince héritier Zullwizq second

Entonnent dans leur cour l'hymne Zull

 

La reine

Femme et mère

Nue dans son patio

Les couve patiemment de ses regards zouzous

 

Allons z'enfants de la zatrie.

 

  

20/

 

L’œil noir du dernier vortex

Seuls subsistent l'ultime nez et la bouche édentée d’un univers rescapé

 

Pas encore aspirés déjà plus inspirés

Deux trois mots suspendus à l'esse d'un singulier présage 

 

L'esclave scribe doit en tirer un texte

On comprend mieux pourquoi nul n'envie sa place.

 

Que reste-t-il du monde ?

Un trou noir cannibale d'une immonde voracité 

Deux narines, deux lèvres

Et ce piteux brin de moustache

 

Il peut, certes, encore dire et respirer

Voire même embrasser

Mais, deux trois mots exsangues

Un air de revanche

Et l'avide bouche du vide

Sont ses dernières options

 

C'est la chute finale !

 

 

21/

 

Le fouet au soumis

Les brûlures de chair lui sont chères

La lanière de cuir s'insère

Maso sincère en sa tanière

Le cingle de la cravache le rend cinglé

Les verges sur sa verge l’enivrent

 

Le sexe laid le vexe

Il en jouit de douleur

 

 

22/

 

Quelle expression pour restituer cette expression ?

Curieuse impression juste avant l'impression

Attendez, attendez un peu monsieur le typographe

Que je relise encore ma vision de ce corps

 

Miroir, Ô mon beau miroir...

Dis-moi la cible

Frère tain

Révèle-moi la flèche

Dis-moi où ficher mes regards de mots

 

Quoi ? Écrire le mouroir de l'image reflétée !

Jamais !

Plutôt ne plus voir et ne jamais savoir !

 

 

23/

 

Zone de flux

D'épars éléments cherchent à établir le contact

Sans savoir quoi ni qui

Le quand, quant à lui, est obsolète depuis longtemps

 

Vers quel départ ?

Voyage aléatoire vers l'improbable destination d'un hasard couard ?

C'est que ce coco-là se déplace au gré du vent

Suivre à la trace ses trajectoires de toupie est une vaine utopie

 

L'influx jusque-là couche d'ozone

Jusqu'aux zones d'un bel oxygène bleuté

Viendra l'été

 

 

24/

 

Préliminaires prénuptiaux

Les deux sont prêts

 

Puis l'incontournable après

Toujours l'amour voue la haine sa sœur de laid

Tous les jours la mort

La vie se retourne sur ses pas recherchant ses regrets

 

Jouir est un verbe moins certain que mourir

Bonne raison pour ne pas s'en priver

À corps que veux-tu !

 

 

25/

 

S'agit-il d'être sages ?

 

La sagesse se nourrit d'elle-même

Aliment qui trop souvent ment

 

Miroir aux alouettes des idées toutes faites

Une fête illusoire aux pensées déguisées

Une défaite où se défont nos chimères

 

S'agit-il d'être ?

Car sinon quoi ?

Quel choix échoit ?

 

 

26/

 

Vin d'ivresse

Formes floues

 

De l'alcool jusqu'au col

Haut verbe des fous

 

Une dernière rasade pour la route

Shéhérazade finira par apparaître sans doute

 

Chacun d'entre-nous est une bouteille à la mer

Qu'il faut vider sans faute à la dernière goutte

Pour y déposer son appel à l'aide

tititi tatata tititi

 

« Sauvez nos âmes, Madame ! »

 

- Qué ki di ?

- Des conneries !

- On s'en fout. Viens, retournons boire un coup.

 

 

27/

 

Inlassablement enlacés en lacets lascifs

J'entends des gémissements

               des couinements

               des oui

               des encore

 

Corps à corps à cor et à cri

 

L'écoulement des semences jusqu'à la démence

J'entends des essoufflements

               des grognements

               des han

               des ha

 

Temps des enchairements, des enchaînements, des chavirements...

 

 

28/

 

Pas de chemin entre mon antre et le damier volant

Je sais qu'il décollera un certain matin d'opale

S'envoler vers les ultimes étoiles des Vénus

 

Seulement voilà : dire le vrai, sans mentir, s'il est encore dicible, est une charge esclavagiste

 

La loi fait nécessité de passer par la gare de triage

Nul, en fait, n'a, jusqu'ici, trouvé la bonne correspondance

 

J'attends la missive promise de ma belle aimée

Elle m'a juré d'y révéler le numéro du quai

 

Me restera à imaginer l'heure du départ

En nommant un à un les soleils et les sources fidèles

 

 

29/

 

Tu me regardes

Je te

 

Toi si belle

Moi d'une rare laideur

 

Tu es la femme

Je suis ce musard désabusé au jargon pitoyable

 

Tu me regardes

Je détourne les yeux

 

Et, déjà, tes seins me manquent

Ô fantasme de papier

 

 

30/

 

X célèbre grâce au sexe

Indéniablement c'est son bâton de maréchal

Un Nobel qui n'a pas de prix

S et e sont têtes d'affiche

Célébrités qu'on s'arrache tandis qu'x est une lettre marginale

Ayant peu droit de cité

Seuls y, k et w servent moins que lui

 

Sans sexe que deviendrait le x ?

Une lettre morte

 

C'est pourquoi il rend constamment hommage

À toutes celles et ceux qui, sans relâche, obstinément

Avec la pugnacité du taureau

Se donnent et s'adonnent sans ménager leur peine

Aux parties fines et aux ébats charnels

 

Les libidineux sont des défenseurs du x

Ardents séides d'une lettre sans eux

Vouée à l'infamie et aux vexations éternelles

 

Qu'ils en soient ici, solennellement, x fois remercié

Et, encouragé à ne pas baisser la garde

 

 

31/

 

Au premier niveau des figures de danse

En dessous, condamnés à n'applaudir pas

Des manchots collerettés

 

Leurs mimiques en prédisent long sur le drame de ne pouvoir s'exprimer

Mais personne là-haut, sur le toit, ne s’intéresse à eux

Encore moins s’apitoie

 

Lorsque le monde s'agite, gesticule, bat des pales

On ignore trop souvent l'attitude des placides

 

 

32/

 

La statue tutélaire d'un père au visage effacé pèse de son ombre blanche sur la vieillesse apocryphe de cette nonagénaire délaissée de tous, un chien-chien sa mémère pour unique compagnie, toutou pour toute présence.

 

Elle prie pour retrouver son papa au jour du jugement.

Renouer le fil.

Dernier espoir d'une vie durant laquelle une absence aura été omniprésente.

 

 

33/

 

Le premier souffle

Le second médite

Le troisième s'efface

Le quatrième combat

Tandis qu’un triangle s'isocèle

 

La vie est dans le verbe.

 

 

34/

 

Rage de hachures pour masquer l'indévoilable entraperçu

 

Un orage de stries – éclairs sombres du crayon à la mine en mission

Une pluie de suie où se devinent d'un à peine la sévérité d'un regard

 

Devrions-nous réclamer de voir entièrement démasqué l'épouvantable expression de dureté de l'ectoplasme floué ?

Et exiger d'entendre ses illégitimes récriminations ?

 

Rien n'est moins sûr frères et sœurs. Rien n'est moins.

 

Lors, habituée à masquer au monde l'état du Monde, la main enveloppe cette terrible révolte dans un sarcophage d'art.

En fait, c'est une démesure de salubrité publique. Avant l'émeute, avant les meutes déferlantes sans foi ni loi, le feu, le fer, dans les rues en panique, avant l'implacable aveu.

  

  

Retrouver la première livraison des Estafilades ici.

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