- LND 2021 - Janvier / Février
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Scénettes ? Poésies ? Abstraites, surréelles ou sensuelles… univers personnel mais universel… Yves Goulm poursuit avec nous son chemin de mots.
Estafilades (suites)
17/
Fakir et fakiresse sur le tapis volant
Sublimation
Au-dessus
Par-delà
Plus loin que les limites l'horizon s’illégitime
Illumination
Nation lumen
L'or de la lumière les porte
Fakir et fakiresse sur le toboggan du beau
Lors la clarté les emporte
18/
Des graffitis dans la tête
Une boule d'angoisse au menton
Je prie pour m'extraire
Pour me sortir de l'ornière
De l'invraisemblable désir
D'une création à quatre mains
Mais de qui se moque-t-on ?
Une œuvre bicéphale
N'est pas sans danger
S'imbriquent deux esprits
Qu'implique n'ignorer
Que les confluences chiches
Coûtent des efforts hors de prix
Tant à moi qu’à mon double
19/
Le roi des Zulls
À la fois sorcier, sourcier et maître-nageur
Il invoque les dieux Zulls
Divinités protéiformes et mimétiques
Le roi des Zulls
Zullwizq 1er
En présence du prince héritier Zullwizq second
Entonnent dans leur cour l'hymne Zull
La reine
Femme et mère
Nue dans son patio
Les couve patiemment de ses regards zouzous
Allons z'enfants de la zatrie.
20/
L’œil noir du dernier vortex
Seuls subsistent l'ultime nez et la bouche édentée d’un univers rescapé
Pas encore aspirés déjà plus inspirés
Deux trois mots suspendus à l'esse d'un singulier présage
L'esclave scribe doit en tirer un texte
On comprend mieux pourquoi nul n'envie sa place.
Que reste-t-il du monde ?
Un trou noir cannibale d'une immonde voracité
Deux narines, deux lèvres
Et ce piteux brin de moustache
Il peut, certes, encore dire et respirer
Voire même embrasser
Mais, deux trois mots exsangues
Un air de revanche
Et l'avide bouche du vide
Sont ses dernières options
C'est la chute finale !
21/
Le fouet au soumis
Les brûlures de chair lui sont chères
La lanière de cuir s'insère
Maso sincère en sa tanière
Le cingle de la cravache le rend cinglé
Les verges sur sa verge l’enivrent
Le sexe laid le vexe
Il en jouit de douleur
22/
Quelle expression pour restituer cette expression ?
Curieuse impression juste avant l'impression
Attendez, attendez un peu monsieur le typographe
Que je relise encore ma vision de ce corps
Miroir, Ô mon beau miroir...
Dis-moi la cible
Frère tain
Révèle-moi la flèche
Dis-moi où ficher mes regards de mots
Quoi ? Écrire le mouroir de l'image reflétée !
Jamais !
Plutôt ne plus voir et ne jamais savoir !
23/
Zone de flux
D'épars éléments cherchent à établir le contact
Sans savoir quoi ni qui
Le quand, quant à lui, est obsolète depuis longtemps
Vers quel départ ?
Voyage aléatoire vers l'improbable destination d'un hasard couard ?
C'est que ce coco-là se déplace au gré du vent
Suivre à la trace ses trajectoires de toupie est une vaine utopie
L'influx jusque-là couche d'ozone
Jusqu'aux zones d'un bel oxygène bleuté
Viendra l'été
24/
Préliminaires prénuptiaux
Les deux sont prêts
Puis l'incontournable après
Toujours l'amour voue la haine sa sœur de laid
Tous les jours la mort
La vie se retourne sur ses pas recherchant ses regrets
Jouir est un verbe moins certain que mourir
Bonne raison pour ne pas s'en priver
À corps que veux-tu !
25/
S'agit-il d'être sages ?
La sagesse se nourrit d'elle-même
Aliment qui trop souvent ment
Miroir aux alouettes des idées toutes faites
Une fête illusoire aux pensées déguisées
Une défaite où se défont nos chimères
S'agit-il d'être ?
Car sinon quoi ?
Quel choix échoit ?
26/
Vin d'ivresse
Formes floues
De l'alcool jusqu'au col
Haut verbe des fous
Une dernière rasade pour la route
Shéhérazade finira par apparaître sans doute
Chacun d'entre-nous est une bouteille à la mer
Qu'il faut vider sans faute à la dernière goutte
Pour y déposer son appel à l'aide
tititi tatata tititi
« Sauvez nos âmes, Madame ! »
- Qué ki di ?
- Des conneries !
- On s'en fout. Viens, retournons boire un coup.
27/
Inlassablement enlacés en lacets lascifs
J'entends des gémissements
des couinements
des oui
des encore
Corps à corps à cor et à cri
L'écoulement des semences jusqu'à la démence
J'entends des essoufflements
des grognements
des han
des ha
Temps des enchairements, des enchaînements, des chavirements...
28/
Pas de chemin entre mon antre et le damier volant
Je sais qu'il décollera un certain matin d'opale
S'envoler vers les ultimes étoiles des Vénus
Seulement voilà : dire le vrai, sans mentir, s'il est encore dicible, est une charge esclavagiste
La loi fait nécessité de passer par la gare de triage
Nul, en fait, n'a, jusqu'ici, trouvé la bonne correspondance
J'attends la missive promise de ma belle aimée
Elle m'a juré d'y révéler le numéro du quai
Me restera à imaginer l'heure du départ
En nommant un à un les soleils et les sources fidèles
29/
Tu me regardes
Je te
Toi si belle
Moi d'une rare laideur
Tu es la femme
Je suis ce musard désabusé au jargon pitoyable
Tu me regardes
Je détourne les yeux
Et, déjà, tes seins me manquent
Ô fantasme de papier
30/
X célèbre grâce au sexe
Indéniablement c'est son bâton de maréchal
Un Nobel qui n'a pas de prix
S et e sont têtes d'affiche
Célébrités qu'on s'arrache tandis qu'x est une lettre marginale
Ayant peu droit de cité
Seuls y, k et w servent moins que lui
Sans sexe que deviendrait le x ?
Une lettre morte
C'est pourquoi il rend constamment hommage
À toutes celles et ceux qui, sans relâche, obstinément
Avec la pugnacité du taureau
Se donnent et s'adonnent sans ménager leur peine
Aux parties fines et aux ébats charnels
Les libidineux sont des défenseurs du x
Ardents séides d'une lettre sans eux
Vouée à l'infamie et aux vexations éternelles
Qu'ils en soient ici, solennellement, x fois remercié
Et, encouragé à ne pas baisser la garde
31/
Au premier niveau des figures de danse
En dessous, condamnés à n'applaudir pas
Des manchots collerettés
Leurs mimiques en prédisent long sur le drame de ne pouvoir s'exprimer
Mais personne là-haut, sur le toit, ne s’intéresse à eux
Encore moins s’apitoie
Lorsque le monde s'agite, gesticule, bat des pales
On ignore trop souvent l'attitude des placides
32/
La statue tutélaire d'un père au visage effacé pèse de son ombre blanche sur la vieillesse apocryphe de cette nonagénaire délaissée de tous, un chien-chien sa mémère pour unique compagnie, toutou pour toute présence.
Elle prie pour retrouver son papa au jour du jugement.
Renouer le fil.
Dernier espoir d'une vie durant laquelle une absence aura été omniprésente.
33/
Le premier souffle
Le second médite
Le troisième s'efface
Le quatrième combat
Tandis qu’un triangle s'isocèle
La vie est dans le verbe.
34/
Rage de hachures pour masquer l'indévoilable entraperçu
Un orage de stries – éclairs sombres du crayon à la mine en mission
Une pluie de suie où se devinent d'un à peine la sévérité d'un regard
Devrions-nous réclamer de voir entièrement démasqué l'épouvantable expression de dureté de l'ectoplasme floué ?
Et exiger d'entendre ses illégitimes récriminations ?
Rien n'est moins sûr frères et sœurs. Rien n'est moins.
Lors, habituée à masquer au monde l'état du Monde, la main enveloppe cette terrible révolte dans un sarcophage d'art.
En fait, c'est une démesure de salubrité publique. Avant l'émeute, avant les meutes déferlantes sans foi ni loi, le feu, le fer, dans les rues en panique, avant l'implacable aveu.
Retrouver la première livraison des Estafilades ici.