Estelle Peroni évoque son île à elle et ses gens partout dans le monde… avec force et émotion.
Une île en soi
Une île en soi... Une île en soi...
Ces mots dans ma tête résonnaient, à mesure que je me les répétais. Ils ne m'évoquèrent rien, dans un premier temps.
Puis, rapidement, ce fût le contraire...
Une multitude de choses me traversèrent l'esprit. Des dates, des lieux, des évènements, des personnages, des personnes... Ma propre histoire qui se mêle à celle connue de tous de par le monde. Ressens-tu cette force ? Celle de l'Histoire, de la Terre ? Et ces questions. Toutes ces questions que je me suis toujours posée.
Comment les expliquer ? Qui peut y répondre ? Existe-t-il seulement des réponses ? Et si oui, faut-il chercher à les trouver ? Est-ce un jeu de cache-cache ou une leçon d'humilité ?
Pourquoi ces gens sont-ils partis ? Ne se plaisaient-ils pas chez eux ? Se sont-ils sentis chez eux ? Ont-ils trouvé ce qu'ils sont partis cherchés ? L'île leur manque-t-elle ? N'ont-ils donc plus envie de revenir ? De l'enrichir un peu plus ?
Sa richesse. Parlons-en. Invasions ? Violences ? Conquêtes ? Oui. C'est vrai. Notre histoire est marquée, et au fer rouge. Nous aussi. Notre génétique parle pour nous. Mais, n'en est-elle pas plus riche aujourd'hui ? Qui peut se vanter de parler autant de langues, de toucher autant de cœurs ? D'être capable de se connecter à n'importe quelle nationalité, n'importe quelle culture, comme ça, instinctivement ? Qui peut dire qu'il a le monde entier dans les veines, sinon nous.
Notre culture survit malgré tout. Le plus impressionnant ? Elle survit au-delà des frontières. Demandez à ces descendants qui n'ont jamais vu leur pays ni foulé son sol, quelle langue est-ce qu'ils parlent ? They maybe began to speak with you like this, but they might end up their sentence cusi, è surprende vi. Ùn ci avete mai pensatu ?
Vous auriez dû...
Sommes-nous connus à travers le monde ? Ou sommes-nous trop inconnus, par rapport à tout ce qu'il s'est passé ? Tout ce flux culturel ne mérite-t-il pas plus de visibilité ? On nous sait taiseux, il faudrait peut-être penser autrement, voir plus grand. Faire. Plus.
Cette dualité... Passionnés. Le sang chaud comme on dit. Le feu et la glace. L'apparence et le cœur. Nous marquons l'esprit des gens qui croisent nos routes. Violents avec les envahisseurs et les traîtres, et envers nous-mêmes faute de guerres.
Un tremblement de terre. Comme une passion déchaînée, un flot ininterrompu de puissance qui circule dans tous nos corps et alimente nos esprits. C'est même trop pour des hommes... pour des femmes. Il faut canaliser ce flot et lier les énergies pour construire quelque chose de solide.
Ce qui marque aussi... La solidarité, l'amour, la confiance, le respect. Les valeurs et les principes. La fraternité. “Ici, nous ne faisons pas ça”. On se place du côté de l'opprimé. On se fait justice, car on croit en elle, la vraie. On sait ce qui est juste.
Alors, laisse-t-on une part de soi derrière soi et on décide de ne jamais se retourner ? Ou au contraire, peu importe la distance, le cœur a ses raisons que la raison ignore ? Se déchire-t-on intérieurement ? Ne sommes-nous plus jamais que l'ombre de nous-mêmes ? N'y a-t-il pas une cassure ou une fêlure ?
Les esprits s'animent-ils toujours autant en entendant notre chant réunificateur ? Pour celle-ci, je n'ai pas besoin de réponses, je l'ai déjà.
Ne sommes-nous pas curieux de ces frères et sœurs que nous ne connaissons pas ? Ne ressentons-nous pas leurs sentiments et leur présence partout dans ce vaste monde ? Celui-ci ne nous semble-t-il pas moins obscur de savoir notre famille un peu dans chaque endroit où nous pourrions aller ? N'avons-nous pas un peu moins peur de l'inconnu quand nous nous reconnaissons et nous lions ?
Vous dites “île en soi”, moi je pense “diaspora”.
Une chose est sûre, sur cette terre où que l'on soit, on a tous une île en soi.
Moi j'ai de la chance, la mienne...
Elle est appelée la plus belle.