Ten years - Estelle Peroni

Estelle Peroni, partage son odyssée du retour… dix ans pour se retrouver !

  

  

Ten years

  

  

Ten years. Dix ans. Deci anni.

Je n'arrive pas à savoir si c'est une longue période ou non. Peu importe la langue dans laquelle c'est prononcé, ça ne m'avance pas sur la réponse.

C'est vrai que dans mes souvenirs, ça m'a paru interminable. Parfois même trop difficile, beaucoup, beaucoup trop difficile. Je me suis souvent demandé si j'y arriverais, si je finirai par en voir la fin. Si à un moment, je finirai par apercevoir quelque chose qui ressemble à... à de la lumière. Quelque chose qui me permettrait de voir où je me dirige. Mais surtout pourquoi. Pourquoi cette direction ?

Aussi étrange que cela puisse paraître, je ne pouvais pas formuler de réponse claire à cette question. Mais je me dirigeais dans cette direction. Quelque chose m'y entraînait, malgré moi. J'ai conscience de la superficialité de la tournure de mes phrases et des images que j'utilise, mais il est tellement ardu de mettre des mots sur des émotions et des ressentis. La vérité est celle-ci.

Essayez. Essayez pour voir. Quel mot ? Quel mot pour la solitude ? Quel mot pour la tristesse ? Quel mot pour les coups reçus ? Quel mots pour les cris ? Quels mots pour la Douleur ?

Quel mot pour l'amour ? Quel mot pour le bonheur ? Quel mot pour le ressenti ? Quel mot pour l'émotion ?

Vous voyez, la critique est aisée mais l'art est difficile.

Je ne parle pas de ce que l'on dit pour meubler ou pour endormir, pour perdre son auditoire. Je parle des mots. Les mots justes. Ceux qui tapent où ça fait mal, ceux qui réveillent, ceux qui font circuler l'émotion et qui permettent à la magie de fonctionner. Les mots qui feront ressentir à votre auditoire votre monde intérieur et ce que vous y avez vécu.

Vous voyez ? J'ai la sensation de parler pour ne rien dire. Les mots sont-ils devenus si vide de sens... Personne n'écoute les paroles d'une chanson, personne ne prête attention aux discours, aux monologues, aux tirades. À quoi bon ? Comment vous faire ressentir ? Moi qui ai accordé tellement d'importance et de temps à ces mots pour en saisir toutes les subtilités.

J'ai peur. Peur de ne pas être capable de créer et de faire circuler les émotions qui sont si nombreuses en moi et que pourtant je ressens si fort. Je veux les faire sortir et qu'elles touchent. C'est mon souhait le plus cher.

Alors comment ? Comment en commençant par vous. Comment vous faire ressentir ce que j'ai ressenti, comment vous faire comprendre. Comment vous décrire la joie de vous retrouver ?

Quel mot pour la joie de vous retrouver ? Quel mot pour la solitude pendant votre absence ? Quel mot pour la violence dont j'ai pu faire preuve envers moi-même ? Quel mot pour la peur qui me tord l'estomac tous les jours ? Quel mot pour l'impatience qui me serre la gorge dans le même temps ? Quel mot pour l'énergie qui déferle dans tous les membres de mon corps tant il a trop attendu d'exprimer quelque chose qui vienne des tripes ? De cet estomac justement noué. Quel mot pour le fait de me rendre malade tant je retiens tout cela malgré moi ?

Quel mot pour le stress ? Quel mot pour les crises d'angoisse ? Quel mot pour les doutes ? Quel mot pour l'incapacité de croire en mes capacités ?

Je ne crois pas aux coïncidences. Comment aurais-je pu prévoir de vous retrouver ? Le monde semblait nous avoir séparés. Le temps avait tout effacé, tout fait oublier. Tout semblait m'avoir condamnée à un individualisme qui me répugne et que je rejette de toutes mes forces depuis des années. Comment aurais-je pu prévoir de vous envoyer un message ce jour-là ? Comment aurais-je pu prévoir ce que cela aurait comme conséquences ?

Pour tout vous dire... Pour être parfaitement honnête avec vous tous. J'avais perdu espoir. Je n'y croyais plus. Je m'étais résignée. Je commençais à embarquer pour un port qui n'était pas le mien, une destination que je ne voulais pas. Sans le savoir, vous m'avez sauvée. J'ai sauté de ce bateau qui n'était pas le mien et je prends un autre chemin. Le mien. Pas celui des autres, pas celui que l'on voudrait me voir prendre. Le mien.

Qu'il a été long d'être honnête. Qu'il a été long de vous voir revenir.

Je n'y croyais plus. Ma pudeur, ma peur, tout m'empêche de dire les choses, de parler. Ma peur de ne pas savoir exprimer les choses vient probablement de là. L'appréhension de ne pas avoir les mots justes. La quête de l'excellence, de la perfection dans le moindre domaine. Je perds mes mots, je ne les trouve plus... Je les cherche continuellement. Cela m'est absolument insupportable. Les mots ne seraient-ils pas devenus dérisoires pour s'exprimer ?

J'ai parfois la sensation de jouer, de chercher à encore imiter les autres, faire comme eux. Pour être reconnue ? Acceptée ? Aimée ? À quoi bon, si au bout du compte, je n'y trouve pas le mien. Si tout ce que j'ai au fond ne parvient pas à trouver son chemin pour s'exprimer ? Et je ne lui laisse aucune chance comme ça, je ne lui laisse aucune issue. Comment ai-je pu mettre autant de temps à le comprendre et à l'accepter ? Qu'il est parfois dur de regarder les choses en face et de les affronter. Je ne veux plus reculer maintenant. Je me tiens là, bien debout face à mes peurs et je les regarde droit dans les yeux. Je ne reculerais pas. C'est elles qui vont reculer. C'est elles qui me laisseront passer. Elles se mettront à mes côtés. Ça aussi.

Quelle folie que de penser que nos peurs sont nos ennemies et qu'il faut les combattre. Elles sont à nous, elles font parties de nous. Elles doivent justes nous rejoindre et ne plus êtres placées sur notre route... Par nous. Moi, oui. C'est bien nous qui les plaçons là, pour par la suite, le leur reprocher ? Leur faire la guerre ? En faire des bouc-émissaires ? Comment voulez-vous que nous allions bien ? Nous nous faisons la guerre à nous-mêmes. Nous nous en voulons à nous-mêmes. Nous nous haïssons nous-mêmes. Quelle folie, mon dieu... On nous apprend à nous donner nous-mêmes les coups qui nous feront être obéissants et taiseux. Ceux qui nous traumatiseront et nous empêcheront d'aller plus loin qu'eux. Je ne suis même pas sûre qu'il y ait quelqu'un à combattre en définitive... Je ne suis plus sûre.

J'ai toujours attendu et cherché ma meute. Mon groupe. Là où je n'aurais pas de problèmes à être comprise, acceptée, aimée, rassurée. Moi telle que je suis. Là où je n'aurais pas peur d'être rejetée, moquée, abandonnée. Là où je pourrais être libre. Libre de mes paroles, de mes actes, sans peur d'être jugée. Sans peur.

Je pensais que personne n'entendait mes hurlements dans la nuit. Personne ne comprenait mes sueurs froides et mes angoisses. Personne ne pouvait comprendre mon mal-être. Personne ne pouvait se lier avec moi. Comment aurais-je pu prendre ce risque ? Me lier ? Trop de risques. Trop de risques. Je ressens trop fort. Je suis trop dans l'authenticité et la vérité. Je ne peux pas le montrer, on me ferait tellement de mal. Je n'ai pas confiance. On m'abandonne. On me laisse. On me rejette. On ne me comprend pas. Malgré tout je continue de prendre cette direction.

J'ai croisé tellement de gens, tellement de personnalités, tellement d'histoires... Tout ne pourrait pas se résumer ici. Ce serait beaucoup trop long... J'ai croisé tellement de gens. J'ai l'impression de n'avoir rien vécu et dans le même temps d'avoir vécu mille et une choses. Toujours cette dualité interne que je reconnais chez moi. Moi que j'ai appris à connaître. Mais pas grâce aux autres. Grâce à moi. Je remercie l'univers d'avoir vécu tout ça. Je le remercie aussi de vous avoir remis sur ma route. J'ai croisé tellement de gens. Mais ils n'étaient pas vous. Vous êtes irremplaçables. Vous m'avez tellement manqué. Si vous saviez. Je ne sais pas si vous pouvez le ressentir et le savoir. C'est tellement dur pour moi de partager ce que je ressens. J'en crève d'envie et j'en crève de peur en même temps. J'ai peur, terriblement, tout le temps. Mais tout me crie de continuer et de passer par dessus tout ça. Je ne savais pas pendant ces dix ans, que c'est de vous que je manquais. Je vous ai cherché dans absolument toutes les personnes que j'ai rencontrées. Et sans le savoir.

Ces dix années sont salutaires. Elles m'ont appris. Mais ça suffit. L'univers tout entier nous a forcés à nous arrêter. Alors je m'arrête et je regarde autour de moi. Ce que je vois ne me convient pas, ne me convient plus. Je change les choses, dès aujourd'hui, dès à présent. J'espère que ma meute me suivra.

J'ai une idée. Enfantine à vrai dire. Et si je prenais nos initiales et que j'essayais de trouver des mots à y associer ? Je peux vous promettre sur ce que j'ai de plus cher, que les mots sont arrivés presque instantanément. Le premier, ce fût le dernier. Et la mienne la dernière à être modifiée pour du mieux et pour de bon. Tout ça sûrement par ironie du “hasard”. Je vous laisse découvrir.

J pour la jeunesse et T pour toujours. M c'est pour la magie. C pour le coeur. M pour merveille. I pour irremplaçable. E c'est éternel. Et bien sûr, le R est pour retour.

La jeunesse pour toujours, la magie de(s) (nos) coeurs, l(m)es merveilles irremplaçables, un éternel retour.

Je ne me suis jamais sentie prête avant aujourd'hui. Je tremble toujours. Mais je sais que c'est le moment. C'est maintenant. Je suis prête.

Vous vous rendez compte que rien n'a changé ? Dix années n'ont rien changées... Ça défie absolument toutes les lois de la nature et de la physique qui sont jusqu'ici connues. Si on a pu faire ça sans chercher à le faire, j'ose à peine imaginer ce que nous sommes capables de faire tous ensemble, unis, soudés, liés. Même dans mes rêves je n'aurais jamais osé imaginer ça. C'était tellement irréel tant c'était parfait et beau pour moi.... Je pensais que c'était trop beau pour être vrai et ça se réalise. Les rêves sont faits pour être réalisés. Nous pouvons les atteindre, il ne manque que l'union.

Je vous aime. Tellement fort.

À vous. À nous sept. Après dix ans. Puisque je pense que tout est lié dans ce monde, on peut ajouter un peu de mathématiques à tout cela. Avec une soustraction, 10 moins 7, ça nous donne trois.

On parie tous ensemble que ça signifie encore quelque chose, puisque tout est écrit et que tout ne cesse de me le prouver ?

On en reparle dans trois ans alors ? Ou du moins, on se rappelle, pour voir où on est et ce que l'on fait ?

Trois.

  

  

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