Operata di memoria Furiani 92 - Anthony Francisci

 

Témoignage d'Anthony Francisci

 

Dans ces moments on se souvient de chaque instant.

J’avais 17 ans, j’étais un fervent supporter du Sporting, mon père m’amenait voir les matchs à Furiani depuis l’âge de 10 ans.

Ce jour-là, il faisait beau et chaud, on partait de Balagne, il y avait un rallye de prévu, je crois le Tour de Corse, la route devait être bloquée donc on est parti tôt en début d’après-midi et on est arrivés vers 14h. Au stade, on voit déjà beaucoup de monde à l’extérieur se dirigeant vers le stade, c’était magnifique de voir tout ces gens avec les écharpes et drapeaux de Bastia.

Il y avait ma sœur, deux de mes cousines, mon père et moi. Nous avions des billets pour la tribune Nord. Quand nous sommes arrivés et que nous avons vu cette tribune, mon regretté père, Pierre (dit Pierrot), qui me parlait toujours corse, m’a dit « Scambiemu i biglietti o ci n’andemu ». J’étais un fervent supporter et j’avais la tête dure mais au fond de moi je me suis dit « il a raison, si on n’arrive pas à changer les billets pour une autre tribune on s’en va ». Je ne sais pas ce qu’il a fait au guichet, s’il a acheté d’autres places pour la Ouest ou s’il a échangé au guichet les places Nord contre les places Ouest, toujours est-il qu’il est revenu avec des places en Ouest. Je me dis aujourd’hui que cela n’a été possible que parce que  nous étions arrivés très tôt.

 Nous voilà donc installés en Ouest vers 16h. Le match ne commençait qu’à 20h mais c’était tellement beau de voir ce stade commencer à se remplir que le temps ne me paraissait pas long. Je n’arrêtais pas de regarder cette immense tribune qui se remplissait petit à petit et j’avais une petite appréhension pour ces gens qui y montaient. Puis tout le stade s’est rempli ainsi que cette tribune. L’ambiance était magnifique.

Le speaker du stade a commencé à dire « ne tapez pas des pieds », et au fond de moi je me suis dit « finalement on est bien sur cette tribune Ouest ». Si j’avais été en Nord et que j’avais entendu ça, je crois que je serais parti. Puis il l’a répété plusieurs fois et plus il le répétait plus l’angoisse me prenait pensant à ces gens installés dans cette tribune.

Lorsque la tribune est tombée, j’ai entendu un énorme fracas, ce bruit je ne l’oublierai jamais.

Sur le coup, je n’ai pas du tout réalisé, la tribune était si grande que même avec la moitié des rangées en moins elle me paraissait toujours grande. J’ai pensé qu’il manquait une ou deux rangées, que les gens n’étaient pas tombés de très haut et que le match allait peut-être commencer. Les gens autour de moi n’ont pas vraiment réalisé non plus. On était un peu dans l’incompréhension. Certains disaient qu’il manque une rangée, d’autres « non deux »,  « non trois » ou « non plus ». 

Enfin, je ne sais pas, peut-être 5 ou 10 minutes après, on s’est dit c’est fini, le match ne va pas reprendre et on a commencé à évacuer dans le calme. Mon père a voulu nous éviter de voir l’horreur et on est parti dans les lotissements alentour à la recherche d’un téléphone pour prévenir notre famille. Je me souviendrai toujours de la gentillesse des propriétaires nous mettant à disposition leur téléphone, on devait être une cinquantaine de personnes dans chaque maison.

Finalement, vers 23h30, mon père a réussi à joindre ma mère et à rassurer la famille. De toute façon nous n’aurions pas pu partir avant tellement c’était embouteillé. Puis nous voilà en voiture direction la Balagne, à la radio j’entends « il y a un mort » et là c’est le choc, même si on avait réalisé ce qui se passait.

 Le lendemain c’est le terrible bilan et les jours suivant la liste s’allonge, c’est vraiment l’horreur.

 Je n’ai pas pu retourner au stade pendant 15 ans.

 Parfois je me dis que des gens ont pris notre place… que leur est-il arrivé ? 

 Ce drame, je ne l’oublierai jamais. Chaque 5 mai est un jour qui me le rappelle encore plus.

 Je dis encore merci à mon papa qui nous a sauvés. Tu es toujours dans mon cœur, o babbu. 

   

  

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