Operata di memoria Furiani 92 - Annick Paoli

 

Témoignage d'Annick Paoli

 

J’avais 24 ans en 1992, agent administratif au centre hospitalier de Bastia, fan de foot et du Sporting, j’avais accroché des ballons blanc et bleu dans mon bureau. Je n’ai pas pensé à aller au match mais mon frère aîné, lui, y allait !

J’étais invitée à dîner chez une collègue, ce soir-là, pour voir le match à la télé. En me rendant à Biguglia, il était 19h j’ai vu cette tribune toute haute, en tubulures, pleine à craquer. Elle était impressionnante ! Je me rappelle de cette fin d’après-midi ensoleillée et chaude, de cette tribune où les drapeaux bleus et blancs flottaient au vent.

J’avais travaillé toute la journée, excitée bien sûr ! Et surtout certaine qu’on allait gagner ! 

Je suis partie chez mes amis à 19h, on s’était mis à table, RCFM allumée dans la cuisine, et la télé dans le salon. 

On commençait à manger les pizze. Je me souviens, j’avais une olive à la bouche et tout d’un coup la radio s’est mise à diffuser de la musique classique… Le mari de mon amie est allé au salon et là il nous a appelé : « Venez voir il se passe quelque chose de grave ». 

On a regardé TF1, j’ai appelé ma mère, qui était au village, à Morsiglia (village du président du SCB Michel Lorenzi) et j’ai demandé si elle savait où était mon frère… Et elle m’a répondu : « Sur la grande tribune ». Avec ma collègue, on a pris nos affaires et on est parties vers l’hôpital où on travaillait toutes les deux.

J’ai passé la nuit au centre hospitalier de Bastia à accrocher des listes de malades, à faxer des noms, à courir dans les couloirs essayant d’apporter de l’aide, à essayer de donner des nouvelles aux uns et aux autres… Les lignes téléphoniques étaient saturées, mais je suis arrivée à joindre le continent et eux arriveront à rappeler la Corse. Je travaillais, sans avoir de nouvelles de mon frère.

Vers minuit je suis tombée sur un copain d’enfance qui m’a dit que mon frère allait bien et qu’il brancardait au stade. J’ai retrouvé aussi ma petite cousine qui était tombée avec ses amies. 

Je suis restée au bureau jusqu’à 7h du matin, je suis rentrée me doucher, me changer, puis je suis remontée travailler. Tous les agents administratifs de l’hôpital étaient présents ce jour-là. Le bureau des entrées était saturé.

Je me souviens de la foule dans le hall de l’hôpital à 4h du matin, des blessés partout, la mobilisation immédiate des personnels et la solidarité entre tous ces gens. Tous ces blessés… C’est la nuit la plus effroyable que j’ai vécue, je n’avais jamais vu autant de sang. On était tellement pris par la charge de travail, le recensement des patients, on était présents de 8h à 20h non-stop et ça a duré pendant presque un mois.

Ma petite cousine est tombée et a été blessée mais légèrement, un collègue est décédé.

Je suis pour : pas de match le 5 mai que ce soit un lundi un mardi ou n’importe quel autre jour de la semaine…

  

  

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