- LND 2023 - août
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Quand le processus d’écriture vient nous cueillir au petit matin… nous emportant avec Claude Marmounier dans une belle réflexion littéraire.
Écrire…?
Le premier cri a percé la nuit encore endormie. Un second a répondu, loin, emporté par la brise qui glisse des roches noires vers la mer.
Et c’est comme un signal, une autorisation accordée. En quelques minutes, les coqs alentour prétendent encourager les premières lueurs du jour à éclore et une cacophonie joyeuse s’installe. Si tous chantent la même partition, les voix, elles, sont dissonantes, claires ou éraillées, hésitantes ou stridentes, fières ou timides…
Les aubes, ici, se vocalisent.
La terrasse du bungalow, tournée vers la mer m’attire ; mais voilà que l’image d’un homme penché sur sa feuille blanche, café brûlant aux lèvres m’interpelle…
Que cherche-t-il au juste ?
Je m’étire en réajustant l’oreiller : où le mènera sa main, ce matin, quand il commencera à boulanger des mots ? Racontera-t-il une histoire vécue ? Son histoire à lui, qu’il connaît parfaitement ? Une histoire rêvée, fuie, inventée… Celle inspirée d’un roman qui l’aura marqué au point de se lancer, sans attendre, dans une nouvelle intrigue ?
Que cherche-t-il à prouver à force de ratures, de gribouillis incompréhensibles, de feuilles déchirées, jetées nerveusement…? Depuis le temps ! Est-ce une vaine reconnaissance, un dépassement de soi devenu vital ? En sortira-t-il stressé, épuisé par la difficulté de créer des phrases qui, comme le beau paysage nous fait poursuivre l’ascension, espèrent prendre le lecteur par la main ou au contraire, sera-t-il content de lui, satisfait des adroits mariages de mots, de rimes, de virgules et de points qu’il aura su introduire depuis ses enrichissantes lectures ?
On a pu lire que « écrire, c’est ranger le bazar qu’on a dans la tête ».
Plutôt d’accord avec ça !
Penser, ça peut se faire en mode délire ! Seuls témoins de nos élucubrations, tout nous est permis, « aller vers l’impossible rêve »…
Partager cette pensée impose un minimum de cohérence, de faisabilité… des filtres s’interposent. Ils ont aplani les rugosités, rendu le chemin plus praticable !
Dans le meilleur des cas, les paroles s’envolent !
Mais quand on passe à l’écrit, on entre dans un autre monde, on passe en mode réalité. Ce qui est écrit ne peux être renié !
L’écrit reste !
Alors souvent, malgré une brillante idée qui nous emporte fièrement, malgré ce sourire triomphant de gagnant du loto, la main se fige… le crayon se lève…!
C’est le moment du doute.
Le moment redouté !
« Est-ce que je peux écrire ça ? Est-ce que je peux écrire ça, comme ça ? »
Et du coup, stoppé dans notre élan, mettant provisoirement notre talent littéraire entre parenthèses, nous voilà à la recherche d’informations sûres, officielles ! On fonce sur les dicos de définitions, de synonymes, livres d’histoire ou de réglementations, on se lance dans des réflexions profondes qui balaieront des préjugés, fustigeront des clichés et feront au final, comble de reconnaissance et de plaisir, qu’on en sortira enrichi !
La satisfaction de la phrase qu’on vient de créer, à grands renforts d’hésitations, de corrections, celle dont les mots chantent justes, celle qu’on lit et relit pour, enfin, décider de garder telle quelle, cette phrase là, elle est comme le printemps après une longue hibernation, elle a quelque chose du rayon de soleil sur une peau fragile, elle sourit, elle encourage, elle ranime nos plaisirs cachés dans ce mystérieux besoin : écrire.
Maintenant, je suis prêt.
Je me lève avec une petite musique de début de texte car les gallinacés, dans leurs manifestations sonores, m’ont inspiré :
Le premier cri a percé la nuit encore endormie…
La suite va venir, il me suffira de lever les yeux vers l’océan, respirer profondément la brise qui coule vers la mer…
Ce texte répond à l’une des propositions de l’atelier d’écriture de Racines de Ciel. Le thème de l’édition 2023 était « les réécritures », soulignant le lien entre lecture et écriture. Les propositions s’appuyaient sur des textes de Sheila Watt-Cloutier (Le droit au froid), Albert Cohen (Le Livre de ma mère), Antoine Ciosi (Peut-être qu’un jour), Baudelaire (La Chevelure).
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