Nicole Chayne Salini - C'était là-bas

C'était là-bas 

Même les murs s’adressent à toi. 

Ils te parlent en salpêtre.

 

Tes pas soutiennent tes épaules.

Épuisent tes trous de mémoire 

Recroquevillent tes pertes de temps.

 

Comme hier sur le sentier

des chênes et des genévriers. 

Quand tu prenais bâton au sol 

pour fortifier tes pas, apaiser ta main,

tutoyer le lait et rompre le caillé.

 

On dirait que le village chevrote dans ton dos. 

qu’on fait chemin avec l’aboi du chien, 

le vibrato des chèvres, le soupir du mulet.

 

On pourrait entendre ta voix du jour

qui rassurait les bêtes jusqu’à la fin des cailloux,

jusqu’à l’enclos de pierres sèches.

 

On pourrait entendre ta voix de calcaire

qui chantait tes nuits jusqu’à consoler tes aurores,

jusqu’à voiler l’insécurité des destins. 

 

Il y a toujours une lune pour qui ne dort, ni ne fuit.

 

C’était là-bas. 

Dans les broussailles de solitudes.

Dans les grottes et les braises. 

Dans le froid des climats qui prend manteau de laine.

Dans l’estomac du chevreau qui fermente le lait.

Dans la sueur des racines qui guérissent.

 

C’était aussi là-bas. 

Dans le parfum suave de la myrte qui dépose baisers sur les coteaux.

 

Quand tu fermeras tes dernières paupières, 

plus aucun homme ne rentrera dans ta maison.

Ta femme se couvrira de noir et de noir

pour te porter l’eau, le fromage et le vin. 

 

 

 

Martigues 25 août 2022.

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