Juliette Paoli - L'homme seul

 

La vie est rude et parfois la solitude son cadeau empoisonné. Une prose poétique de Juliette Paoli

   

 

 L’homme seul 

 

Les échangeurs affûtent leurs armes.

Les pacifiques troupeaux lassés des inhumanités autoritaires rongent le frein de leur juste colère. 

Un froid matin d'hiver couvre de gel les vitres.

Emmitouflés, ne sachant se protéger du glacial vent. La froidure au passage assassine quelques virus. Les "déçus du système " ne sachant que faire, entrent dans des bistrots, frottent leurs mains gelées. 

Une boisson fumante leur redonne courage.

Ils s'interrogent sur une conduite à choisir.

Parfois mélancoliques, leurs voix basses et lassées tentent la note d'espérance. L'imaginaire d'un retour vers un temps meilleur. 

Se consoler ou reconquérir ? mais quoi ?

Le temps a passé. Il casse mais reste cette fidélité. 

Soudain, il se prend à regretter. 

Une grande solitude étreint l'homme afféré. 

Sa femme est apparemment partie sans regrets ni remords, emportant avec elle leurs enfants qu'il ne savait plus voir. 

Plus de rires d'enfants,  plus de petits-déjeuners communs.

Elle a laissé un mot laconique, terrible. La page blanche du dernier message le fascine,  l'obsède.  Abasourdi,   il se noie dans le travail. 

Bien sûr,  bien sûr, il reverra ses enfants.

Bien sûr, il exercera son droit de visite. 

Eux que penseront-ils ? Auront-ils le réel désir de se soumettre à  cette autorité accordée par messieurs les avocats et les juges. 

Soudain, il se prend à rêver de féminine présence. 

Sa jolie voisine qu'il serra d'un peu près se souvient-elle encore de lui ?

Vite,  vite, l'homme reprend l'agenda dans son tiroir. Peut-être a-t-il conservé le numéro qu'elle lui accorda. Elle le sauvera, enfin, si entre-temps elle ne l'a pas oublié. 

Enfin quoi la femme est si volage ! 

Il a le regret d'elle. Ils ont partagé de longues années affairées. 

Ah ce cœur encombrant. Il serait souhaitable de s'en débarrasser ! 

C'est presque fait. 

Sa propriété,  son épouse s'est barrée. Il n'a pas même pas son adresse. 

Sa jalousie de mâle s'éveille. Si c'était pour un autre ? De fait, ce ne peut être que pour un autre.

 

La douce musique surgie dans la nuit, balaye les illusions envolées. 

Mélopée envoûtante de ce passé déchu qui s'obstine à ne pas vouloir mourir.

Pourquoi ? Jamais ? Peut-être ? 

Saisons alanguies, printemps,  lendemains qui chantent ou qui pleurent. 

Nostalgies. Peurs envolées, rebâties, rejetées, un jour peut-être acceptées.  

   

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