Matthew Hervé - Un groupe ultra-ordinaire

  

Comment se sortir d’un mauvais, si ce n’est en comptant sur soi et les autres ? Une nouvelle de Matthew Hervé

 

 

Un groupe ultra-ordinaire

  

Nous sommes au stade, un stade refait à neuf depuis l’explosion d’il y a deux ans. Ce stade est équipé de toutes les nouvelles technologies, financées par le père de Gabriel, un riche homme d’affaires. On y trouve des écrans géants pour suivre des entraînements en ligne, ainsi que des tenues futuristes, qui calculent les efforts, la masse graisseuse et musculaire du corps.

La salle préférée des amateurs de sensations fortes et sportives est une salle équipée de casques à réalité virtuelle ultra-augmentée, avec des capteurs corporels et un tapis multidirectionnel pour se déplacer aisément. Ces casques VR sont connectés à des robots qui se battent par vagues contre d’autres robots, appelés zombies.

Pour rentrer dans l’arène, il faut soit avoir beaucoup d’argent, soit de bons contacts. Comme c’est le père de Gaby qui a fait construire l’installation, nous avons un pass VIP. Gaby est un petit gars teigneux, qui aime se battre et qui déteste avoir tort. Léna, elle, est une fille super intelligente et plutôt maline, je n’arrive jamais à savoir ce qu’elle pense. Lucas est un gars timide mais plutôt rigolo quand on le connaît, il sait réfléchir. Moi je suis un gars assez grand, pas le meilleur en cours, mais qui arrive à suivre quand même.

On lance une partie en duo avec Gaby, qui est extrêmement excité ce jour-là. On arrive à passer les dix premières manches haut la main, mais lors de la onzième et de la douzième manche le sol tremble faiblement. Je demande à Gaby s’il l’a ressenti. Il me répond : « J’ai rien senti, mais si tu veux arrêter, t’inquiète pas ! Je m’occupe de ces sales zombies. » Je lui réponds que je peux continuer sans souci.

Les tremblements recommencent, et cette fois-ci Gabriel les ressent et m’en informe. On décide d’interrompre la partie. En nous reconnectant à la vraie vie, nous nous rendons compte que des fissures sont apparues sur le sol et les murs. Nous entendons avec effroi les cris de Lucas.

« On fait quoi, là ? me demande Gabriel.

- Déjà, on garde notre calme, et on essaye d’appeler au secours.

- J’ai pas de réseau, et toi ?

- Moi non plus.

- Il faut que l’on rejoigne Léna et Lucas.

- OK, on y va ».

Les secousses continuent, et deviennent de moins en moins fortes. Ce qui à mon avis n’est pas une très bonne nouvelle, car depuis plusieurs années les séismes fonctionnent de cette manière : le calme avant la tempête. Nous nous frayons un chemin à travers les débris qui entretemps sont tombés. Nous arrivons à la porte. Gaby essaye d’utiliser son pass VIP, qui ne marche plus, sans doute une démagnétisation suite aux ondes de choc. On se met donc à essayer de l’ouvrir manuellement. 

Soudain, une force hors du commun me vient, Gaby me le fait même remarquer. La porte s’ouvre. Si l’enfer était un endroit, c’est ce qui s’en rapproche le plus sur terre. Des gens courent et crient dans tous les sens, un feu s’est déclaré du côté gauche, et les sièges et appareils technologiques sont en pagaille dans la salle. À peine avons-nous retrouvé Lucas et Léna qu’un tremblement aussi énorme qu’indéfinissable éclate. Le sol, un bout de toit et des bouts de murs explosent. Léna prend les commandes de notre petit groupe, je lui ai toujours fait confiance pour ce genre de choses. Elle nous dit :

« OK, on garde son calme ! On va trouver une solution !

- Comment, ça, on garde son calme ? On va tous crever, oui !! dit Lucas.

- T’inquiète, Lucas, dis-je. Écoute Léna, et ça se passera bien.

- Les gars, dit Gabriel, y a une fille dans les vaps, là-bas. J’y vais. »

Sans nous demander notre avis, il court la sauver. J’ai toujours aimé et détesté son côté héroïque, mais là, j’ai pas trop kiffé. Je lance :

« On le suit !

- On n’a pas le choix, de toute façon », ajoute Léna.

On court derrière, mais le suivre est plutôt compliqué au milieu des débris. On arrive au niveau de la femme. Cette femme, Gaby la connaît bien, c’est l’architecte du stade, elle était souvent présente chez lui pendant la construction. Gaby dit : 

« Si on arrive à la réveiller, c’est notre porte de sortie !

- Oui, répond Léna, sauf qu’en attendant elle est dans les vaps, là. Donc on se bouge. »

Léna nous donne les instructions, alors que les tremblements s’amplifient. Je suis chargé de porter la femme, Gaby, lui, est le premier de la marche. Il nous ouvre le passage, Léna et Lucas sont deuxième et troisième. Ils cherchent du regard de potentielles sorties, le feu, lui, s’est amplifié et la température monte de minute en minute. Tout à coup, un autre bout de mur s’effondre. 

La femme se réveille. Léna dit :

« On fait une halte, on lui explique la situation, et on repart.

- OK ! », répondons-nous.

On se pose sous un bout de toit où la chaleur ne se fait pas trop ressentir. La femme, qui s’appelle Nathalie, nous demande :

« Il se passe quoi, là ?

- Il y a un séisme, répond Léna, un feu, et des effondrements. On a besoin de vous pour trouver une sortie.

- Il y a un escalier de secours au nord de la salle.

- OK, on y va ! »

Nous décidons de courir le plus vite possible. Lucas tombe et se foule la cheville ; pour ne pas perdre de temps, je le porte sur mon dos. Nous arrivons à passer la porte juste au moment où les murs qui tenaient encore debout s’effondrent !

 

 

Corte au temps des hordes

En attendant le second tome du roman d’Anouk Langaney qui arrivera bientôt (Le Temps des hordes – Soupçons), les élèves de troisième du Collège Pasquale Paoli de Corte se sont mis au travail. Ils ont imaginé, chacun de leur côté ou en petits groupes, leur propre suite en répondant à ces questions : « À quoi ressemblera ton lieu de vie en 2036… quelle catastrophe pourrait s’y produire ? Comment t’en sortir (avec le super-pouvoir de ton choix !?). À toi d’écrire ». 

22 nouvelles ont été écrites dans le cadre du projet littéraire Corte au temps des hordes, dont celle-ci, par des élèves de la 3e Rouge.

Avec la complicité de Stéphanie Fede Vincensini et d’Anouk Langaney.

Pour lire les autres textes c’est ICI

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