Louis Reynier - Regain 2.0

Que s’est-il donc passé pour que tous reviennent enfin au village ? Une nouvelle grinçante de Louis Reynier.

   

Regain 2.0

 

Ah, je ne pensais pas finir centenaire, moi.

Mais en tout cas, grazi’à Diu, ce qui me fait plaisir, c’est de voir le village revivre. De voir du monde.

Ça me plaît le matin, de voir des enfants jouer dans la cour de récréation. Il y en a plus encore que du temps où j’étais écolier !

Et puis l’épicerie, c’est pratique. Avant c’était mon fils qui m’amenait les commissions le dimanche.

Et le bistrot. Boire sa mauresque au bistrot avec des gens, ça n’a pas le même goût que tout seul chez soi. On peut discuter, c’est autre chose que la télévision !

Et puis revoir cultivées toutes ces parcelles qui avaient été abandonnées au maquis, c’est beau, mi !

 

Quand j’étais jeune, je les ai tous vu quitter le village. Ils partaient pour Saïgon, Dakar ou Alger. Et après Paris ou Marseille, ou même Ajaccio ou Bastia.

Entre 2010 et 2020, après la mort de mon épouse, l’hiver, j’étais tout seul dans ce village. Tout seul ! Les samedi et dimanche, il montait bien quelques personnes. L’été c’était animé, il y avait des gens qui venaient en vacances, des maisons qui s’ouvraient. Mais le reste de l’année, en semaine, j’étais tout seul. Oïmè, presque dix ans à garder les pierres, ici. Comme un pauvre fantôme.

Mon fils, il voulait me redescendre à Bastia. Franchement, vous me voyez, moi, vivre dans un clapier ? Alors qu’ici l’air est si pur !

 

Avec le premier confinement, en 2020 il en a quelques-uns qui sont revenus. Ils faisaient du télétravail. C’est bien ça, le télétravail : tu travailles de la maison avec un ordinateur. Mais bon, c’est pas pour tous les métiers. Traire les brebis, je n’aurais pas pu le faire en télétravail ! Enfin, c’est à ce moment-là que les gens ont commencé à revenir. Mais bon, la plupart, ils sont arrivés quand la mer, elle est montée de 50 mètres. À cause du réchauffement climatique.

 

Ah, tu m’étonnes qu’ils soient remontés au village : à Ajaccio et à Bastia, y’a plus que des poissons tropicaux ! Des requins-tigres sur le cours Napoléon et des raies mantas place Saint-Nicolas !

  

  

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