[ Écrire pour JP Santini ] Charlie Galibert - Arcimcorso

   

Jean-Pierre Santini, l’écrivain-éditeur est emprisonné depuis le 10 octobre sous le régime de la détention « préventive ». Contre l’arbitraire et pour servir de chambre d’écho à l’émotion partagée par de très nombreux auteurs de Corse ou d’ailleurs, Le Nouveau Décaméron ouvre ses colonnes.

  

   

Arcimcorso

 

« Le ciel est, par-dessus le toit,
Si bleu, si calme !
Un arbre, par-dessus le toit,
Berce sa palme. »

Paul Verlaine, Sagesse, 1881

 

 

Ses pieds sont racines qui mangent Sa Terre

Ses mains des armes et des outils,  plumes pour écrire

Il est le forgeron ancestral

Ses mots ouvrent les serrures convoquent les forces chtoniennes et aériennes, déclenchent les cloches et aiguisent les rustaghje

Sa tête est le ciel, ses yeux le lac du Capitellu

Il y a des antennes aussi, la forêt de Vizzavona, les aiguilles de Bavella

Son cœur est Le Grand Cirque de la Solitude qui a pour nom amour

Il a une drôle de silhouette reconnaissable entre toutes en Méditerranée

Des poètes ont essayés d’en faire le tour en cabotant, mais il faudrait remonter tous les estuaires, les fleuves, les ruisseaux

 

Pour le moment il est recroquevillé sur le sol, en fœtus, œuf

Mais on voit déjà que ça bouge dedans

Que ça se fissure

Ça veut sortir,

 

Il faudra se débarrasser de ce qui encombre empêche la vie

- Voitures, rente, tourisme, réseaux sociaux, consommation, individualisme, Corsica sottu Baleone, enterreurs, maffieux –

 

Ça se soulèvera comme une montagne sortant de l’eau, les forets plein la tête

Le mufle du Gozzi ruisselant

Appelant les morts les vivants et les pas encore nés

Tirant la vallée avec son copain l’Aragnasu,

 

Son œil est Barrettali

Sa bouche le Tafonatu

Ses veines les fleuves

 

Son sexe une tour génoise,

le Château de La Punta aux femmes antivirus

L’homme dans l’œuf hors de l’œuf fera trembler le monde

 

Enfantant l’enfant géopolitique observant la naissance de l’homme nouveau

 

Si c’était un tableau, ce serait Arcimcorso

Si c’était un animal, ce serai le cignale

Si c’était une plante, A Filetta

Si c’était une pierre, un mur

Si c’était un élément, le soleil d’août

Si c’était l’air, l’eau, le vent, la pluie

Ce serai un poète

 

Apprivoiser le vent, la pluie, le nuage

Se donnant selon leurs vœux.

 

Pour le moment c’est un homme-œuf

Mais il va pondre son poème en majesté

 

L’œuf est aile en puissance

Voilà la vague

Voilà la pierre

Voilà le mot

 

Poète criant amour au bord du monde-finissant

Il ne voudrait pas que le monde tombe dans le vite,

Saute dans le vide

Il fera ce qu’il faut pour que ça n’arrive pas

Il l’a déjà fait

Et c’est déjà arrivé

Mais même seul il reste debout,

Légèrement appuyé sur sa plume

 

C’est beau cette image de ces hommes et femmes qui se tiennent la main,

Jean-Pierre, Andria Costa, Noël, Xavier, Alice, sa fille, Bernard, je vois Agnès aussi,

Ils sont sur la crète au-dessus d’Imiza

Écrivant dessinant peignant chantant

Que l’Île revienne, que revive l’Île

 

Je crois que ça n’arrivera pas, que c’est trop tard

Mais qui suis-je pour penser ça contre le monde

 

L’écriture la poésie la peinture existent parce que la vie ne suffit pas.

 

Lui le croit, c’est l’essentiel,

ça les rend vivants lui et le monde

 

Demain matin il secouera par les barreaux le grand tapis du monde pour faire tomber la poussière des méchants et des puissants

 

Et ce sera mieux et bien

 

 

 

 

Charlie Galibert, Nice, 1er novembre 2020

  

  

  

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