Résilience - Franck Castellani

Je reviens, embrumé, du cimetière des déceptions… Je suis allé visiter l’immense tombe jaunie où j’ai enterré profond, le cadavre de mon utopie.
Les trompettes d’une ville rousse sont lointaines et disparaissent dans le flot limpide d’une source avenante d’un horizon instable, où des contrées d’or impalpable sculptent un Monde fébrile que je troquerais sans cesse. Une journée de plus se noie dans celles qui la suivront. 

J’arrive dans la cité des déraisons qui se meurt impuissante d’effroi. Je commence à entendre des lames qui m’harponnent et me damnent. Je passe alors morne, devant des joueurs de flûteau. La canicule fait le trottoir et vend ses chaleurs noires à des sang-froid ni loi. Je regarde tout cela en m’évadant de mon cachot aux murs d’oxyde de carbone.

Le soleil fort est à la fête : c’est une assourdissante cymbale que de grands oiseaux agitent et ce n’est soudain plus ma tête mais mon cœur gros qui cogite… Dans les étroites rues je détale.
Le cognement du flot citadin se calme un peu et je m’apaise en écoutant mes vagues à l’âme jouer de la harpe qu’acclament mes cordes sensibles sans fin tels un soupir, une parenthèse. 

Des futilités s’éparpillent comme des bulles d’écume sur ces plages musicales fécondes. Des trompettes fendent la mer qui fume en s’amusant à faire des vrilles avant que la nuit ne les plombe. Je me défais les oripeaux machinaux de mes journées trop mécaniques. Mes synapses plongent et me brûlent dans l’immensité d’océans cosmiques de tourbillons récréatifs et beaux et cette délivrance ponctuelle hurle.

Perméable aux cris qui s’échappent de la bouche de corps presque lisses fauchés violemment par la misère, alerté par les sons d’injustices que perpétuent ces querelles de chimères, la bienveillance est alors une trappe.

Je ferme la porte vermoulue de mes perceptions altruistes, m’étends et encore persiste sur des sonorités sophrologiques qu’un dieu chantonne en suppliques au bord de rives qui dansent à perte de vue.
Je ne suis plus dès lors les pleurs d’une mine qui explose, le feu et l’acide qui s’interposent mais une feuille, un arbre, le ciel, une rose et le marbre quand ailleurs je m’endors.

 

                                                                                                                                                                             Franck Castellani

      

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