- Decameron Libero
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Liliane Vaillant envoie une poignée de pétales poétiques…
Le pays de mon père
Le pays de mon père
Où le soleil est né
Je l’ai quitté naguère
Bientôt j’y reviendrai
Et j’entends dans ma tête
Les galoubets chanter
Car ce sera la fête
Et ce sera l’été
Les garçons iront danser en rond
Sur la place où déjà s’effeuillent les platanes
Et les filles aux grands yeux de gitanes
Les enrouleront de cheveux longs
Les enfants insoucieux chanteront
Comme jadis chantaient les bergers de Toscane
Et de loin les voiles des tartanes
Salueront à grands coups d’ailerons
Tout le jour dans un bruit de talons
Un troussis des jupons légers de tarlatane
Les venelles où rêvassent les ânes
Sonneront de rires et de chansons
Le village est au bout du chemin
Grésillant de cigales et parfumé de thym
Aux branches d’oliviers, aux aiguilles des pins
Le soleil se déchire en mille éclats de rire
Au pays de mon père
Quand le soleil s’enfuit
Ce n’est pas un mystère
Il fait place à la nuit
Il laisse sa part d’ombre
Au petit messager
Pour que dans les coins sombre
On puisse se cacher
Dans le soir les garçons fatigués
Iront se reposer au couvert des tonnelles
Et les filles en chuchotant entre elles
Les regarderont se rapprocher
Les vieillards dont les yeux sont usés
De s’être tant posés sur tant d’aubes nouvelles
S’en iront tout doux par les ruelles
Souriant dans leurs barbes frisées
Un beau jour, un jour brûlant d’été
Au ciel égratigné du cri des hirondelles
Je vivrai la fête la plus belle
Au pays, lorsque je reviendrai
Nos vingt ans
Nous avons couru dans la plaine
La nuit venue
C’était l’heure où la lune pleine
Se baigne nue
Nous avons chanté sur la mare
Pour les crapauds
Il m’a joué sur sa guitare
Les airs les plus beaux
Chant de l’eau lointaine
Dans la vasque pleine
Murmure agité
Des frêles peupliers
Cloche aux mille plaintes
Quelle était ta crainte
Que le vent mêlait
Au parfum des œillets
À pleins bras étreignant le monde
Un seul instant
Une minute, une seconde
Nous avons eu vingt ans
Les mimosas jaunes étoupes
Que découpe
Le ciel de nuit
Espèrent encore sans doute
Sur la route
Nos chants nos cris
Les oliviers narquois balancent
En silence
Leurs cheveux gris
Les chats errant dans la nuit mauve
Se sauvent
Sans bruit
Nous irons boire à la fontaine
Du frais vallon
Gagner les échos d’une haleine
D’une chanson
Je sais un coin au bout du monde
Qui nous attend
Imaginons une seconde
Que nous avons vingt ans
Chanson pour mon père
Te souviens-tu de mon enfance
Nous étions bergers
À l’endroit où le ciel s’avance
Dans les châtaigniers
Nous dormions à même la paille
Comme nos brebis
Quelques cailloux, vaille que vaille
Nous servaient d’abri
Mon copain mon père
Mon meilleur ami
Le temps exagère
Qui nous a vieillis
Du pain, avec quelques châtaignes
Faisaient nos repas
Quelque but que ma vie atteigne
Je n’oublierai pas
Que pour moi tu taillais des flèches
Et des gobelets
Où l’eau de source était plus fraîche
Plus tiède le lait
Mon copain, mon père
Mon meilleur ami
Le temps exagère
Qui nous a vieillis
Je ne sais plus ce que j’invente
De ce que je sais
Mais tout ce qu’à présent je chante
Tu le connaissais
À coup de légendes et d’histoires
Et de souvenirs
Tu m’as forgé une mémoire
Qui ne peut mourir
Mon copain, mon père
Mon meilleur ami
Le temps exagère
Qui nous a vieillis
Toi tu inventais des poèmes
Et moi je t’aimais
Et aujourd’hui encor je t’aime
Et je t’aimerai
La vie ne sera plus la même
Jamais, plus jamais
Mais aujourd’hui encor je t’aime
Et je t’aimerai
Et je t’aimerai
Le quartier d’en bas
Tout le long du quartier d’en bas
La rue s’étire pas à pas
Le soleil ne pénètre pas
Entre les murs froids et austères
Quelques arbres, branches dressées
Tentent en vain de se hausser
Désespérés vers la lumière
Mais je sais que sur la colline
Où le bleu du ciel s’illumine
L’air léger sent la mandarine
La lavande et le thym
Va plus vite, il faut qu’on arrive
Et si le chemin est aride
Vois mon bras est encor solide
Je te tiendrai la main
Tout le long du quartier d’en bas
À peine né le jour s’en va
Dès le matin l’ombre déjà
Guette tapie dans la muraille
Aucun oiseau ne veut chanter
Ni pour printemps ni pour été
Et si l’un d’eux l’ose tenter
Tout aussitôt sa voix s’éraille
Mais je sais que sur la colline
Où le bleu du ciel s’illumine
L’air léger sent la mandarine
La lavande et le thym
Va plus vite, il faut qu’on arrive
Et si le chemin est aride
Vois mon bras est encor solide
Je te tiendrai la main
Tout le long du quartier d’en bas
Des vieillards passent d’un air las
Un regard blême ça et là
Filtre au travers d’une persienne
C’est là pourtant que tu m’attends
Fidèle depuis si longtemps
Malgré le froid, malgré le vent
Et tant de peurs et tant de peines
Mais je sais que sur la colline
Où le bleu du ciel s’illumine
L’air léger sent la mandarine
La lavande et le thym
Va plus vite il faut qu’on arrive
Et si le chemin est aride
Vois mon bras est encor solide
Je te tiendrai la main
Je te promets, bras contre bras
Nous grimperons sur la colline
Pour lire un autre texte de l'auteure : Les cloches de mon pays
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