La Semeuse - Jean-Pierre Arrio

Jean-Pierre Arrio joue avec les mots, les rythmes et les rimes, mais non avec les sentiments. L’amour éternel trouve ses racines au plus profond…

  

  

  

LA SEMEUSE

 

  

Dans un néant obscur d’infinies certitudes,

tandis qu’au pied d’un mur cerclant ma solitude,

m’y cognant, tournoyant, inconscient de mon sort,

je semblais un mendiant, oublieux de son corps.

L’horizon était froid et mes pensées soumises

ne le réchauffaient pas, accentuant la bise.

Immobile et serein, je n’étais qu’un enfant

à qui l’on prend la main pour qu’il aille de l’avant...

La main et tout mon être, qui n’était que promesses,

car je n’en fus le maître que pour les soirs d’ivresse.

Mon visage englué sous les nuages plats,

lourds et noirs et muets, demeurait sans éclat.

Ma voix avait mué mais elle était bien pâle,

bloquée par ces nuées bâtissant le dédale

de coton caressant où j’allais m’endormir

et apaiser mes sangs dans l’arôme de myrrhe.  

 

Puis le temps a passé mais il ne compte pas :

Il s’était arrêté, je ne te savais pas.

Un jour de grand soleil a suffi à berner

la lune la plus vieille et le coeur hiberné.

Princesse de Saba ! Aux pieds nus martelant

les sables de là-bas aux ors étincelants

et les sables d’ici aux reflets argentés,

Reine Nefertiti, aux longues mains teintées,

tu pris ce corridor en sachant bien qu’enfin

depuis le labrador tu finis ton chemin.

 

Ralentissant tes pas, Salomé, tu dansais,

cachant mal tes appas et tes yeux qui lançaient

des flèches empoisonnées d’un poison délicieux

qui avait rayonné sur tes traits facétieux,

tandis que tu passais en Méditerranée

pour y faire le palais de tes jeunes années.

 

C’est grâce à un échange, c’est à cause du froid

qu’un soir j’ai vu un ange et n’ai plus vu l’effroi

qui me cachait la lune, éteignait les étoiles,

que j’ai eu la fortune d’en déchirer la toile :

L’étroit couloir très long ne contenait que toi ;

sans bruit, à reculons, en soupesant ton choix,

tu m’as regardé là, par dessus ton épaule,

et c’est mon sourire las, mes yeux cerclés de khôl,

qui coupèrent le silence caché par le tapage

d’une existence rance. Tu en tournas la page.

 

Tu descendais le Nil ton blanc front relevé,

des rêves juvéniles débordant tes pensées

brisant la paroi mince pour courir dans l’azur

te séparant d’un prince au fantasme aussi pur

D’Égypte ou plus à l’est, de l’orient parfumé,

tu ravis, la main leste, un cœur au mois de mai

et arrivas céans, bateau mouillé d’écume.

 

Je veux dans l’océan, glisser comme une enclume

pour une éternité à suivre ton sillage.

Dans la promiscuité de l’ample sarcophage

au couvercle saphir, aux flancs de sable fin,

poussée par le zéphyr ou accostant enfin,

tu seras toujours près de moi dans l’onde infinie

et je ferai exprès, à l’envers d’Houdini,

d’y demeurer tapi sans avoir à briser

les chaines qui nous lient et mieux : les resserrer !

 

Serpent gigantesque fondé de tentation,

en dessinant la fresque, de tes ondulations,

d’une vie rénovée et d’aventure ultime,

tu t’es alors lové dans un abri sublime.

Multicolore et frais, en glissant dans la nuit,

tu ouvris un coffret de tendresse infinie.

L’aspic, assassin sûr, m’avait mordu au sein,

y laissant la blessure de l’amour le plus sain.

 

 

Pour lire un autre texte de l'auteur : Cave

 

 

 

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