- Decameron Libero
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Christiane Guidoni offre un poème ancien, une respiration, souvenir de la Corse d’avant le virus.
Conversation avec l’arbre
3 août
L’arbre fait signe
Les fourmis en tous sens le long du tronc sur les branches basses mais dans quel sens.
L’écorce travaillée par la lumière d’un gris de plus en plus léger jusqu’à une sorte de marron rose pâle.
Les aiguilles à l’extrémité des branches très longues ouvertes en corolles.
Le tronc presque droit.
Le seul pin sur tout ce versant où il n’y a que buissons et petits arbousiers.
Sans que le vent semble présent certaines branches ondulent à peine de bas en haut un frémissement s’élève.
Seul face aux collines qui descendent jusqu’à perdre la trace de tout sentier ce petit pin isolé au tronc harmonieux semble grand sous ses branches.
4 août
L’arbre fermé
Il est trop tard le soleil est trop haut les collines trop vastes et l’arbre muet.
Le sens s’est perdu en chemin. Seul le souffle demeure et des mots oubliés dans des poèmes pourtant recueillis.
En vain l’oiseau en son chant clos.
6 août
L’arbre troué
A peine la lumière sur le tronc de l’arbre qu’on sait du soleil et au-dedans. L’ombre d’une branche sur une autre branche. A terre les petits chardons jaunes sans âne pour les brouter.
La pigne arrondie devenue boule.
Des barbelés rouillés mêlés au lierre tendre prenant le tronc d’un arbousier déjà étouffé ses premières branches sèches ainsi la mort se montre.
Autour l’odeur viride comme si le printemps n’en finissait pas de mûrir.
Sur les collines des nuages font de grandes taches sombres.
A peine la lumière sur le tronc de l’arbre.
7 août
L’arbre haut
L’arbre aujourd’hui est dans l’air.
Testament
Du temps ancien au temps nouveau
L’énigme enclose.
Il n’y a rien à comprendre
Que ce mot enfoui
Qu’aucune langue n’a retenu.
8 août
L’arbre en allé
Sans l’arbre et dans la nuit. Plus d’horizon. Si le jour parvient à se lever il faudra choisir une autre pierre pour regarder le paysage et qu’il change.
Et que le sentier paraisse enfin.
9 août
L’arbre colonne
Dans l’arbre la force dans le sommet depuis la terre.
Légère inclinaison du tronc comme pour prendre un élan calme et droit.
Toujours plus haut toujours plus loin et la force jaillit.
L’arbre dans sa spirale en bouquets éclos dans le ciel si proche.
11 août
L’arbre chandelier
De riches heures en mauvaises heures
En attente du dénouement sec.
On ne sait plus depuis quand le chemin s’est perdu la tête basse on ne sait plus voir et la parole qui sauve égrenée sur les branches on ne l’entend pas
On ne peut s’éprendre d’un souvenir à blanc
L’arbre froid se tait.
12 août
L’arbre ailleurs
Si tu regardes avec l’œil de l’aigle tu vois le vent
Des plaines de Mongolie aux collines d’ici et tu entends la même source.
Alors tu peux entrer dans la sérénité du jour.
13 août
L’arbre incendié
Par les flammes revient la croix de tous les sacrifices.
Le paysage s’ouvre et saigne
La joie létale de tous les carnages s’embrase et meurt dans une grimace noire.
14 août
L’arbre ouvert
Feuillage resté auprès d’un nuage
Dans le temps qui répand le secret meurtrier des mazzeri.
Face à ce qui vient la présence ne chasse pas l’oiseau.
16 août
L’arbre après le vent
Tout est plus clair.
Le chant de l’oiseau la couleur des buissons à l’extrémité des branches les aiguilles ne sont plus que lumière ce qui est noir ce n’est pas tache d’ombre mais mort d’insecte.
17 août
L’arbre qui sait
L’arbre lourd dans le paysage profond.
Le silence est un masque arraché par rafales laissant les corbeaux maîtres du commentaire
La cloche dominicale scande le chant de l’oiseau décalé
Le maquis se referme sur la blessure et le pacte anciens.
19 août
L’arbre et l’eau
Surghjente
L’arbre à la source
Le feuillage ouvert
Lumière et eau
La pierre patiente
La salamandre immobile
Remonte l’énigme
A la source.
Mémoire pour demain
Ici ou ailleurs
Loin en terre Afghane.
ANTISANTI AOÛT 2008