Lettre à ma peur - Vannina Bruna

Vannina Bruna écrit une lettre à ses angoisses et à ses peurs afin de les calmer.

  

  

Lettre à ma peur

 

Ô toi ma peur, mon angoisse, spectre démoniaque qui m'accompagne au gré des aventures,

Je sais bien que tu cherches à me protéger de tous les dangers, et dieu sait s'ils sont nombreux en ce bas-monde. Je te vois, je t’entends, je te sens, pousser des cris d'alerte à n'en plus finir face à un monde qui a perdu la raison au nom du progrès, face aux mémoires qui nous hantent quand tombe la nuit.

Je te comprends.

Je t'entends.

Oui, il y a de quoi être terrifié devant tant d’incohérence, oui moi-aussi je me demande quel monde nous allons laisser à nos enfants, ou encore ce que sera le monde après le coronavirus. Mais tu sais ma peur, lorsque tu t'accroches à mes fonctions cognitives dans un élan de panique, tu crées des court-circuits dans ma cohérence interne. Je deviens un animal sauvage à l’affût du danger et je n'ai qu'une envie : fuir ou attaquer.

Fuir un monde dans lequel je ne me reconnais pas, attaquer des bergers qui ne nous mènent nulle part. Tu as fait de moi une louve qui peine à trouver sa meute.

Avant toutes choses, je dois te dire merci. J’ai eu peur d'avoir peur tellement longtemps que j’ai mis un temps fou à te rencontrer. Je sentais bien dans certaines palpitations, que tu étais là au fond de moi, à chercher un moyen de te faire entendre. Je t'ai ignorée, je t’ai maltraitée, je ne voulais pas te laisser de place, là où tu voulais m'apprendre.

Merci ma peur. Merci de m'apprendre que je suis vulnérable, merci de me montrer mes blessures, de vouloir me protéger de toute ta force. Merci de m’accompagner dans mes choix et dans mes erreurs. De me rappeler ma mortalité et de me faire me sentir vivante. Je sais aujourd’hui que lorsque tu es là, je suis face à un choix à faire. Je sais que lorsque tu pointes ton énergie dans les battements de mon cœur, que tu pèses de tout ton poids sur ma poitrine, ça vaut la peine de t'accorder quelques instants de poésie.

Nous allons cohabiter une vie. Tu dois savoir que c’est terminé. Tu dois savoir que j’en ai fini avec les bâtons dans les roues. Tu dois savoir que je n’ai plus peur de toi et que tu es la bienvenue. Oui, il y a un monde à reconstruire, et je suis bien décidée à le faire avec toi. Je te laisserai me montrer les dangers, et nous affronterons ce qu’il y a à affronter. Nous sommes mortelles ma peur, et tout ça finira un jour.

Dans la Grande illusion, que nous restera- t-il des nuits sans dormir et des orages intérieurs ?

Que nous restera-t-il des fantômes que nous aurons laissé nous hanter sans protester ?

Que nous restera-t-il des filtres que l’on s’invente pour s’approcher d’un réel dont on ne saura jamais ce qu'il était vraiment ?

Que nous restera-t-il de tous les choix que nous n’aurons pas fait lorsque tu auras voulu mener seule notre barque ?

Qu’allons-nous transmettre à ceux qui nous entourent avant d’en avoir fini avec cette vie ?

Tu sais ma peur que ça n'est pas la destination qui compte, de quelle manière allons-nous nous rendre vers l'inconnu qui nous attend ?

Je t’ai enfin rencontrée, en même temps qu’une autre amie qui m’est chère : la confiance.

C’est elle qui m’a appris que je pouvais t’entendre sans être tétanisée, c’est elle qui m’a appris que quel que soit le danger contre lequel tu me mettais en garde, nous saurions nous relever.

Et que si nous ne nous relevions pas, ça n’était pas si grave.

C’est elle qui m’a appris que les orages ne durent pas éternellement, que le soleil finit toujours par revenir.

Que nous pouvions aussi danser sous la pluie !

C’est elle qui m’a appris, que toi et moi ma peur, lorsque nous nous laisserons emporter dans nos idées noires, nous pourrons nous réchauffer à sa chaleur permanente. C’est elle qui m’a appris que nous pouvions être triste et heureux à la fois. Qu’il n'y a que lorsqu’il pleut en même temps que le soleil filtre à travers les nuages que nous pouvons voir apparaître les arcs-en-ciel.

Viens avec nous ma peur, dansons sous la pluie, laissons les arcs-en-ciel jaillir, et rencontre ma bonne amie la confiance. Nous avons encore une sacrée route à faire ensemble.

Je t’attendrais.

Je saurais te rassurer.

Et puisque notre statut de mortel te fait tellement peur, demande-toi seulement une seule chose : qu’est-ce que tu voudrais te dire lorsque nous serons sur notre lit de mort ?

  

  

  

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