Paul Dalmas-Alfonsi - Comité Dragons. Jours de pluie (suite et fin)

Au pays des Dragons, la déchéance est rude, et Paul Dalmas-Alfonsi nous la donne en pâture. 

  

Comité Dragons. Jours de pluie

(suite et fin)

 

Aux lointains de la Carbonite – vers des contrées d’Occitanie

Conte ancien en mode nouveau – Le dénouement mélancolique.

[Refusant l’union imposée, la jeune dragonne, très émue, s’en va.]

Elle a fui dans l’instant pour aller s’abriter chez des frères de sa mère, voyageurs des sept lacs et mieux frottés, ainsi, aux usages du monde. 

Mais elle a vite quitté ces alliés sincères. Pour préserver sa nuit, choix de sobriété, elle a quitté des lieux où on lui offrait tout – santal, encens, beurre clarifié. 

Elle a repris la route. Elle était sans bagage, juste un bocal fermé avec son petit diable. Lui, il la rassurait, lui servant de boussole.

Ce follet, toutefois, la mena vers le Rhône, aux abords de Pont-Saint-Esprit – des parages risqués pour dragonne de feu. S’il y avait un message, elle ne le comprit pas.

En fait, c’était chez elle qu’elle voulait rentrer. Elle y avait laissé plusieurs pintes de sang. Son père la repoussait et médisait sur elle. Elle en avait eu vent. Il ne lui reprochait plus désormais sa langueur mais des défauts d’aspect et de n’être pas plus que le monstre caché d’une chambre d’enfant. 

Reflets légers, plus courtes flammes : face aux difficultés de son nouvel état, elle jetait un regard patient (le calme après le drame). Mais chaque jour faisait d’elle quelqu’un de plus furtif. Alors que les soirées de l’hiver la poussaient, aigres et sourdes, elle finit par hanter des contrées délétères – trop d’humains y étaient présents. 

Elle a reçu, un soir, visite de Brisemont et de ses acolytes (de la lignée des Tagliamonti, ils s’étaient aussi exilés, auprès des reines Medicis). Ils lui offraient la rédemption d’un engagement dans leur troupe (« une élite », confirmaient-ils). Ils désiraient surtout percer quelques secrets. Mais elle a résisté, préférant rester seule.

Sans rien céder sur la bravoure, ravalant sa mélancolie, elle avait agi en finesse.

 

********************

Dès que l’on sort du cadre, l’histoire vous bouscule. 

Son régime s’est fait plus léger, insipide : quelques rares adultes, quelques jeunes cadets – consommés en silence et sans se déjuger.

De plus en plus cendrée, de moins en moins ardente, elle errait, trop pensive. 

Loin des siens et de leurs brûlots, loin de leurs flammes fantastiques, elle perdait peu à peu l’euphorie d’être en vie. Dolente des dragons de feu, elle s’est muée en « dragon d’exil »…

On lui a dédié litanies et complaintes. Rancunier, mortifié, son père a interdit qu’on les reprenne un jour. 

On les chante en sourdine, on les dit à moitié – car ce sont les vainqueurs qui prescrivent l’histoire. 

Tout d’abord intrigué par la princesse triste, Cirneo Cirneu, même lui, le chroniqueur fébrile, en a perdu la trace. Parti à sa rencontre, il ne s’en souvient plus. 

 

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