Pablo Mompelat - Éclair de clair de lumière

 

Éclair de clair de lumière

 

    Escaladant les montagnes sous l'orage des événements, une femme brune regardait son ventre en soupirant nantie de l'espoir que son fruit serait en poussant le bras qui guiderait son île.

Ce petit être, conçu dans une ère de guerre et de souffrance, poussa ses premiers cris de général sur un tapis et, déjà, par son appétit, stupéfia l'assistance.

L'enfant empli de hargne, curieux de tout dès son plus jeune âge dévorant les programmes à la lueur de la lune, il se cloîtrait dans son antre à l'abri des méchants, et puis un soir son père lui apprit qu'il partait pour le continent grâce au roi qui lui offrait cet exil.

Il apprit de ses maîtres, reclus longtemps sur cette terre étrangère et d'espérance, il se hissa avec les années au sommet de la géométrie, marchant impérial, mûr pour la stratégie, il s'attira des jalousies par ses coups d'éclat et son arrogance.

Jeune lieutenant qui ronge son frein de caserne en caserne voit le destin le saisir au vol, le souffle de la révolution allume son étoile.

Les boulets pleuvent autour de lui, il n'en a cure, il fait vomir l'artillerie enfonçant les portes de l'Italie, un titan qui entraîne les hommes et les lois derrière ses pas.

Douloureusement il songe à son pain quotidien pendant qu'une royauté en berne est contestée dans les tavernes, on croit que le matin républicain, tel un cri l'enrôle, il s'engouffre dans les bras de la nation dégageant la brume de son idéal.

Célébré, il traverse l'épreuve au son du tambour, réduit à quatre murs, il réapparaît sur un navire à Alexandrie, parrainant de ses cohortes l'égyptologie, après un travail herculéen notre conquérant lâche les rênes pour requérir l'imperium d'un pays aux abois, sans repères, à la recherche de sa voie.

Notre Dame scintille, toutes les perles de l'Empire sont dans cet écrin, famille, obligés et dignitaires sont assemblés, rigoles d'or et de satin croisent cocardes et goupillons saluant l'action du héros de la nation.

Une aube ensoleillée court le long de l'Europe, elle traverse la République tchèque, l'Autriche, l'Allemagne, l'Espagne, la Pologne, la Russie, de plateaux conquis à des charges sabres au clair sur plaine enneigée, partout les serres de l'aigle imposent la loi des armes et portent à son apogée la science militaire.

Une escorte de femmes fendille la redoute de réserve de notre sire, Napoléon a aimé, c'est certain, de manière agacée, en félin, son cœur a battu le quadrille certaines années, happé par la guerre et le frisson du succès, avec sa Créole, il vivait comme un trésor les matins où se toisent les regards au pied des arbres de la Malmaison, épousant Marie-Louise sans passion, par une oraison il fut comblé de porter aux fonts baptismaux un garçon.

Une chaude fraternité entoure notre champion, Louis le cadet, misanthrope, Lucien qui l'a en aversion, Pauline qui lui réplique, Elisa qui n'admet pas la triche, Jérôme conquiert avec hargne, Joseph celui qui l'accompagne, Caroline est en rogne et qui sonne l'hallali, peu égaux dans leurs vies sans marges, de la part de leur Candélabre, mais en un éclair ils tiraient la laine du sommet, à l'heure où tout fut mis en terre, de maigres proses de peu de poids et de vacarme, il emporte cette inconstance de ses frères sur son rocher.

Le général hiver avait dévoré nombre des enfants de la Grande Armée, la France cernée avait vu son maître faire des prodiges, malgré son immense énergie, il avait dû capituler.

Assigné à résidence sur son île de cocagne, il y prit son mal en patience, ordonnança les fonctionnaires et séduisit la populace, cette terre animée d'une lueur inconnue aurait dégagé une joie de vivre si femme et enfant étaient venus.

À cheval il franchit la mer, il fallait remonter en trombe tel un torrent, reprendre son palais, son immense volonté avait cessé d'émettre, sa bannière l'oblige happée par l'Histoire et la tragédie, il était terrassé par le lion anglais.

Enfermé de longue distance, au bagne derrière le futur, immobile, il écrit, les divisions du Maréchal battant la cadence, il traversa l'univers la nuit avec angoisse, outre-mer privé de la fureur indocile qui l'avait animé, sa foi le délivre, son âme s'envole lentement, un génie avait vécu.

 

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