Jocelyne Normand -  « A muvra », en majesté, sur la Paglia Orba, en hiver

 « A muvra », en majesté, sur la Paglia Orba, en hiver

 

 

J’ai rêvé en couleurs – ce qui est rare – de deux anciens amis (un couple) qui s’apprêtaient à randonner sur la Paglia Orba, en même temps que ma fille et moi et notre chien. Dans mon rêve, je ne voyais que Maryvonne en short et surtout avec un tee-shirt bleu.

Ce couple faisait ses dernières emplettes, dans une petite supérette, quelque part dans un village du centre de l’île, tout comme ma fille et moi.

Maryvonne et son mari nous ont alors dit que, pour la descente, ils n’emprunteraient pas la même voie que nous. Ensemble, évidemment, nous nous étions penchés sur la carte. « Peu importe ! » leur dis-je.

 

Pourquoi la Paglia Orba ? Parce que, depuis quelque temps, je cherche à écrire (à décrire ?…) une vision très rare que ma fille et moi avons eue sur ce massif montagneux, mais pas du tout en été (nous n’étions pas en short ni en tee-shirt…), mais plutôt en hiver, et ce, au début des années 90…

 

Je ne me souviens plus précisément (et ma fille ne s’en souvient plus précisément non plus) pourquoi nous avions décidé, ce jour-là, d’aller faire une balade en montagne, alors qu’il gelait.

Nous n’étions pas du tout des randonneuses de montagne aguerries en hiver, pas du tout. Cependant, à cette époque, je vivais en Corse et ma fille aimait venir chez moi et, toutes les deux, nous aimions la montagne en Corse. Particulièrement à Noël où, à cette époque (fort lointaine désormais), il neigeait au-dessus d’Erbalunga où j’habitais, et nous partions avec notre chien et le chien du voisin à pied et les chiens adoraient ça, marcher dans la neige (profonde) et y jouer…

 

Bref. Ce jour-là, notre chien, Lawick était vieux (âgé de plus de 14 ans) et c’est pour cela que nous le tenions en laisse, afin qu’il ne s’éloigne pas et qu’il ne risque pas de glisser dans un trou dont on n’aurait pas pu le sortir. Nous sommes donc allées voir la Paglia Orba (pas à pied depuis le Cap évidemment) en hiver. Mais nous n’avons pas pris de risques et nous ne devions pas être très haut.

 

Avec notre chien en laisse, étions-nous « sous le vent… » ? puisque, soudain, une apparition nous a figés, nous et le chien…

Sous nos yeux, un mouflon, sans doute un solitaire – pas tout jeune au vu de la longueur de ses superbes cornes enroulées en spirale – s’offrait, de profil, en majesté, à notre regard… a muvra ! Le symbole de la Corse, sous nos yeux ! Nous n’en revenions pas.

 

Nous étions souffle coupé… Nous n’avions pas d’appareil photo. Il ne s’est agi sans doute que de quelques secondes… Et le mouflon disparut… Cette image est restée gravée dans ma mémoire, à jamais.

 

Par la suite, plusieurs années plus tard, notre vieux Lawick étant mort (et enterré – avec l’accord de la propriétaire – au pied des mimosas, face à la mer Tyrrhénienne avec vue sur l’archipel toscan), nous avons continué à randonner, en compagnie cette fois de Dubol (le bien nommé), le chien de ma fille et, le plus souvent, en été. C’est ainsi qu’un certain jour de juillet d’une année de la fin 90, nous avons « fait » le Cinto, rien de moins… jusqu’au sommet où, à l’époque, il y avait toujours les névés, les neiges éternelles… Nous n’avons rencontré personne (alors qu’il paraît qu’aujourd’hui, du moins sur certaines portions du GR 20, cela ressemble à un boulevard extrêmement fréquenté).

En descendant, nous nous sommes baignés dans les torrents et Dubol s’est ainsi rafraîchi les coussinets irrités par les cailloux de l’ascension. Nous n’avons plus jamais vu de mouflons – lesquels, si j’en crois internet, caracolent plutôt en groupe – ni sur la Paglia Orba, ni sur le Cinto, ni aux abords du lac de Nino par exemple.

 

Notre « muvra » (et son nom féminin) solitaire restera, pour nous, un trésor de la beauté… Méditerranée.

 

 

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