Florian Galinat - Ventilation

Le tourbillon de la vie se pare de milliard d’odeurs, que Florian Galinat perçoit avec beaucoup de poésie. Pour le thème odeurs et souvenirs.

 

Ventilation

 

Au commencement la Vie est une pièce vide, bien trop éclairée, inodore. En la refermant derrière nous la porte disparait dans le blanc inhospitalier. Sans dimension ni repère, on avance à pas prudent sur l’équilibre fin de nos bras funambules. Un réduit ou un palace.

Nos premiers cris appellent le temps. Il se précipite maladroitement pour emmailloter l’âme éternelle dans le tissu du corps. Ensuite sa mécanique bien réglée imbibe légèrement mais continuellement la pièce. Elle se tâche et s’oriente ainsi.

La porte s’ouvre de nouveau.

On y laisse entrer l’odeur d’un matin, fraîche et végétale. Un souvenir ouvre la fenêtre sur la robe d’un arbre où un unique merle boutonne la dentelle verte. Dans la pièce éclairée de rayons de miel, je revois petit-déjeuner mon enfance avant de courir sur le chemin du presbytère.

On dépose un meuble à grain, une table et ses bancs puis le vaisselier. J’ai sillonné de nombreuses années ce bosquet au parfum de poudre de bois. Je me souviens des dîners sous la pluie, des bougies dans le vent noir d’une tempête. Mes plus proches promeneurs sont venus à ma table. Nous avons partagé des repas brillants puis d’autres plus ternes. On a ajouté puis retiré des couverts.

Se dessine maintenant ma chambre où l’on habille mon lit avec des draps d’été. Je m’assoupis sur la plage d’un rêve. Je sens la Vendée, un réveil frais chaussé de méduse sur les vestiges d’un temple aux murs de coquillages. La mer de sable entrait dans cette maison aux volets d’eau et laissait au bas des marches une écume d’hortensias.

La Vie ainsi se comble. Aveuglante au début, éblouissante puis tout juste perceptible au bout. Encombrée de lumières, d’objets et de promeneurs, les odeurs se mélangent, se concentrent et suintent. Mais le temps assainit. Il ternit, use et fait disparaitre. La Vie ainsi se décongestionne et s’adoucit puis se regorgera. Elle oscille, inspiration puis expiration.

 

 

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