Yves Rebouillat - Combien de temps encore ?

 

Chronique ukrainienne n°9. Vendredi 1er juillet 2022

 

Combien de temps encore ?

 

Après une nuit d’insomnies renouvelées,

Persiste le sentiment que les dés sont jetés.

N’en rien dire et s’efforcer de garder l’espoir.

Se mouvoir fatigué pris d’un vilain malaise,

Saturée de scènes de l’Innommable mémoire.

Lire, écouter toutes les nouvelles venues d’Ukraine,

Soupçonner qu’elles fussent une fois de plus bien mauvaises.

Ne pas empêcher très longtemps ce qui s’installe

Dans la déraison, le cœur, l’esprit, tous les rêves,

Lorsque l’intelligence à Moscou sombre et crève,

Grandit, mine et dévaste, néfaste, fatale : la haine.

Parce que hargne et détestation ne sont rien

Quand se commettent, souillant le monde, tellement de crimes,

Plongeant pour longtemps dans de funestes abîmes.

La brute épaisse, de sang, de chair et d’os, pilonne,

Éprise de chaos, sous l’empire de ses instincts,

D’assassinats, de viols, de tortures et butins.

Tombe sur les villes l’acier par milliers de tonnes

Le monstre conquiert pouces de terre brûlée et débris

Tas de gravats, de pierres et des jardins détruits,

Amas de corps entiers, décapités, brisés,

Pulvérisés, démembrés, non identifiés,

Ruines en équilibre, bâtiments troués, réduits.

Les secouristes ubiquistes fouillent feu les logis,

Scrutent casse-têtes de béton, ferrailles et poussières

D’où peu de survivants sortiront comme hier,

Chancelants, hagards, égarés, fantomatiques

Où un fragment éminent d’humanité gît.

Depuis que la vie a viré sec au tragique,

Comment continuer, vivre, penser, aimer

Quand l’enfer existe, à côté, incandescent,

Vu depuis un paradis, jadis démenti,

Aujourd’hui, dans le bruit des missiles, indécent.

Garder les yeux ouverts, lire écouter toujours.

Las ! ne pas combattre aux côtés des résistants,

Supporter les cauchemars, les sursauts nuits et jours !

Tourments, empathie, bien mal compris, encombrants

Des gens, parents, amis, loin du front, des massacres,

Des fumées, des odeurs, des sonorités âcres,

Des cris, des pleurs, des hurlements, des sifflements,

Sirènes, alarmes, explosions, ordres en russe crachés

Comme avant en allemand, éructés sans pitié.

Colère contre un ennemi qu’on veut anéanti ;

Délirer, fabuler, miracles espérés,

Du sort un coup de pouce, magie à la rescousse

Ainsi que les enfants font de ces sornettes douces.

Pitoune et sa clique il la faut atomisée,

Un dessein, un accomplissement, zéro faux pli.

Leur histoire partout enseignée comme un moment

De barbarie égale à celles des temps déments

Depuis l’aube de l’humanité, tous ses charniers,

Jusqu’aux meurtres de masse, de guerre avant-derniers.

Foutredieu, quand, cette tragédie finira-t-elle ?

Qu’on puisse dire, confirmer que la planète est belle

Et son humanité lumineuse, immortelle...

Lundi 27 juin, un missile propulsé sur un centre commercial à Krementchouk : 18 morts plus de 50 blessés... dont des enfants

d’autres, ce matin, perforant, déchirant trois immeubles d’habitation près d’Odessa : 21 morts, des dizaines de blessés... dont des enfants...

et ces grands criminels russes de masse, sinistres salauds, de soutenir que « c’était une usine d’armement, un missile de DCA ukrainien... et cætera»

Combien de temps encore allons-nous lire, voir, entendre cela ?

Combien de temps encore aurons-nous d’aussi odieux voisins ?

Combien de temps encore aurons nous à dire : « L’Humanité – qu’ils abominent, outragent, assassinent, saccagent –, c’est aussi ceux-là, ces barbares, ces assassins cyniques, qui ne seraient que la part d’ombre de celle-là» ?

 

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