Vannina Pintrel-Beretti - Dans la cour du palais Fesch

 

L’un danse, l’autre plonge. Un pas de deux… imaginé par Vannina Pintrel-Beretti

 

  

Dans la cour du palais Fesch

  

 

  

1

Me voilà pris dans le rythme effréné d’une danse maladroite et indomptable, mes pieds suivant le mouvement joyeux d’une farandole de feuilles virevoltant sur le sol. Les hautes grilles blanches et dorées, ouvertes sur la vaste cour du Palais Fesch ne peuvent réprimer la ferveur qui m’enfièvre. Dans un tourbillon euphorique, je poursuis ma course à l’intérieur, m’agitant sur les dalles ensoleillées dont le scintillement m’aveugle presque. Je me laisse entrainer par une brise fraîche et soudaine transportant avec elle un léger parfum de maquis, et me retrouve face au Cardinal Fesch, qui m’observe, attendri, du haut de son piédestal taillé dans la pierre. Le mouvement de son bras droit sur son cœur semble approuver ma joie frénétique. Installé au milieu de la cour, il revendique fièrement la paternité de ce lieu qu’il voulait totalement dédié aux arts et aux sciences. Tout autour, de hauts murs jaunes nappés de soleil se dressent majestueusement. Que la lumière est belle aujourd’hui. Plein d’entrain, je ris, je chante, je redécouvre le site, je lève mon regard vers les toits, j’admire le dôme de la chapelle impériale, je joue avec les ombres formées par la lumière traversant les fenêtres à claire-voie. Je suis heureux.

 

2

Me voilà engluée dans une triste mélancolie qui me serre le cœur. D’un pas lent, je traverse les ruelles, sous le poids de la douleur qui m’accable. Une marche interminable me traine jusqu’aux grilles imposantes du Palais Fesch, auxquelles soudain je m’accroche de toutes mes forces pour éviter que la violente bourrasque qui surgit tout à coup me jette à terre. Je cherche dans la cour d’honneur, un endroit abrité du vent où me reposer un instant mais les dalles épaisses clouent au sol mes pieds lourds et maladroits. Prise de ressentiment et de colère j’avance lentement sous le regard glacial du Cardinal Fesch qui m’observe d’un air réprobateur. Le mouvement de son bras droit sur le cœur semble montrer ma blessure. Installé au milieu de la cour, il revendique la paternité de ce lieu qu’il voulait totalement dédié aux arts et aux sciences. Les hauts murs de l’édifice salis par les années se dressent  tout autour, plus sombres encore que mon amertume. Pleine d’aigreur, je ne réprime plus ni les cris, ni les pleurs qui remontent. Je veux me dégager de cette souffrance, la déposer là. J’hurle au-delà des toits, et du dôme de la Chapelle Impériale. Je suis complètement bouleversée.

 

 

 

  

Ce texte fait partie du compagnonnage mis en place entre Le Nouveau Décaméron 2022 et l’atelier d’écriture Racines de Ciel, animé par l’écrivaine Isabelle Miller, dans le cadre des activités littéraires du festival Racines de Ciel

Le thème choisi cette année était « Le musée imaginaire » articulé autour de plusieurs propositions successives.

La troisième proposition à laquelle le présent texte souscrit était : 

« La cour du Palais Fesch, vue par un homme heureux puis par une femme malheureuse. »  

    

 

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