Ghyslayne Degrave - La biche

  

C’est la cohue à l’entrée de l’arche de Noé… dans la file d’attente, une biche… Des pensées intérieures saisies par Ghyslayne Degrave.

 

 

La biche

 

Quelle idée j’ai eue de m’installer là ! Je suis en bout de file. Je ne crois pas y accéder. C’est tout petit. Comment pourrait-on tous tenir dedans ?

Tiens un parapluie ! Peut-être qu’il pleut mais d’où je suis, je n’aperçois pas le ciel. Quel temps peut-il faire ? Nous sommes au printemps. Les bourgeons sont en fleur et la végétation luxuriante. Pourtant cette vieille femme s’accroche sur lui. Elle s’en sert comme cane. Elle doit avoir des difficultés à tenir debout. Elle se croit ainsi outillée pour sa sécurité.

Moi cela va bien. Je gambade tout le temps. J’apprécie de sauter sur les herbes et les rochers. Sauf maintenant, je dois attendre.

Tiens cet homme m’observe. Il est beau, grand et il me sourit. Une femme le rejoint et le tient par la main. Certainement un couple ! Des enfants cavalent dans la pièce. On dirait qu’ils jouent à s’attraper. Les parents, sûrement, les attrapent et les calment.

Je suis entourée d’êtres bienveillants qui nourrissent de nombreuses heures chaleureuses.

Nous sommes serein tous ensemble.

Là-bas, qu’est-ce que cette personne a dans les mains ? Des roues, non ce sont des roulettes. Que fait-elle avec cela ? Ah, j’ai compris. Elle est venue dessus. Ce sont des patins à roulettes.

Je stationne toujours dans cette file. Cela devient long. Je guette.

Je perçois une musique au loin. Cela s’établit dans la pièce d’à côté. Qu’est-ce que ces sons ? Je n’arrive pas à les identifier. Cela s’arrête. Je vois des jeunes passer avec des instruments. J’ai saisi. Ils ont des violons dans leurs mains.

Enfin le silence est revenu. Je ne raffole pas du tapage. J’aime écouter les cris familiers mais pas n’importe quel bruit.

Tout d’un coup, je n’entrevois plus rien. Il n’y a plus de lumière. Nous sommes dans le noir complet. Que se passe-t-il ? J’entends crier et courir. Puis plus rien. Ils ont tous disparu.

Plus aucun écho. C’est curieux, une panne ou la fermeture ?

Qu’importe, le cortège avance et je m’introduis. Les autres sont déjà dedans.

J’y suis. Nous partons.

 

[La biche dans « Noé faisant entrer les animaux dans l’arche » de Domenico BRANDI]

  

 

Ce texte fait partie du compagnonnage mis en place entre Le Nouveau Décaméron 2022 et l’atelier d’écriture Racines de Ciel, animé par l’écrivaine Isabelle Miller, dans le cadre des activités littéraires du festival Racines de Ciel

Le thème choisi cette année était « Le musée imaginaire » articulé autour de plusieurs propositions successives.

La deuxième proposition à laquelle le présent texte souscrit était : 

« Le témoin. Les auteurs font parler en monologue intérieur un personnage d'un tableau de leur choix »

  

 

Avis aux lecteurs

Un texte vous a plu, il a suscité chez vous de la joie, de l'empathie, de l'intérêt, de la curiosité et vous désirez le dire à l'auteur.e ?

Entamez un dialogue : écrivez-lui à notre adresse nouveaudecameron@albiana.fr, nous lui transmettrons votre message !

 

Nouveautés
Decameron 2020 - Le livre
Article ajouté à la liste de souhaits