Dominique Taddei - Histoires courtes en Corse (1)

  

Première fournée d’historiettes racontées par Dominique Taddei. On y croise Arlette, Bouvon, l’oncle Ignace et Simon Brandu… inoubliables !

  

 

 

Histoires courtes en Corse (1)

 

 

Arlette et Bouvon

 

« Bouvon » était le compagnon d’Arlette. Arlette bien que n’étant pas de la famille fut à nos yeux un des membres les plus attachants, elle a élevé nos enfants, nous a gâté, et a toujours été très présente dans les bons et mauvais moments... Jusqu’à la fin, elle s’est occupée de mon père mourant. Aujourd’hui elle nous a quittés et Dieu sait combien j’étais attaché à elle.

Mais ces deux êtres méritent que l’on raconte quelques anecdotes qui encore aujourd’hui nous font plier de rire.

  

Le poker

Bouvon était un sacré joueur de poker, dixit mon père. Il ne s’en privait pas et malheureux étaient ceux qui tombaient dans ses griffes. Pour cela, il fallait jouer des nuits entières et le résultat était une immense fatigue.

Un jour ayant terminé une partie, il prit sa voiture pour rentrer dormir.

Malheureusement pour lui, une patrouille de gendarmes l’arrêta.

À la question « Vos papiers, s’il vous plait ! », il répondit « Servi ! » 

  

La perquisition

Tout le monde savait que Bouvon avait été impliqué dans une affaire de trafic de sucre. Une enquête était donc en cours.

Un jour, mon père travaillant dans son bureau entendit un bruit à l’extérieur. Curieux, il sortit et à son grand étonnement il vit deux hommes essayer de pénétrer dans la maison en passant par la fenêtre sous les yeux courroucés d’Arlette.

Alors mon père leur posa la question : « Messieurs, mais que faites-vous ? »

L’un des hommes lui répondit : « Mr Taddei, nous sommes des inspecteurs de police venus perquisitionner la chambre dans laquelle dort Mr….. , mais sa compagne nous interdit d’entrer par la porte car elle nous dit que son compagnon rentre par la fenêtre !!!! »

J’entends encore le rire de mon père quand il nous racontait cette belle histoire.

  

La sentinelle 

Tout le monde sait qu’en Corse, on cache toute personne rencontrant des problèmes avec la justice. Chez nous, c’était un membre du groupe du Dr Edmond Simeoni lors des événements d’Aleria. Les consignes de secret avaient été très strictes : « Acqua in bocca ! »

Un matin, Arlette était dans la cuisine et mon père au bureau quand se présentèrent à elle deux gendarmes qui demandèrent à voir mon père.

Arlette, paniqua et se mit à hurler : « Ici ! Il n’y a personne ! Ici ! Il n’y a personne ! Ici ! Il n’y a personne ! » Branle-bas de combat, mon père sortit et vit deux gendarmes complètement ahuris se demandant s’ils n’avaient pas à faire à une folle.

L’apparition de mon père calma tous les esprits et on sut très vite les raisons de la visite des gendarmes, ils enquêtaient simplement sur un retraité de la FORTEF dont mon père avait été le directeur dans les années cinquante.

  

 

Mon oncle Ignace

  

Le pantalon

Prisonnier de guerre en Allemagne, il fut libéré en 1945 et revint en Corse en parlant couramment allemand. Ma mère l’avait embauché dans des superettes de camp de vacances et il pouvait ainsi faire connaissance avec des Allemands en vacances en Corse.

Un soir la fête dura très longtemps, de sorte qu’il rentra à l’aube à la maison. Rentrant discrètement dans la chambre afin de ne pas réveiller ma tante, il était en train d’enlever son pantalon lorsque celle-ci se réveilla et lui demanda : « C’est à cette heure que tu rentres ? »

Il lui répondit : « Mais non Pierrette, je suis en train de mettre mon pantalon pour aller travailler ! »

 

Une rentrée surprenante 

In burdata nera, mon oncle et ses meilleurs amis devaient rentrer chez eux. Oui mais voilà, les gendarmes surveillaient le croisement… alors il eut l’idée d’appeler l’ambulancier du village qui les ramena en ambulance au village.

 

Chauffeur absent

Encore mon oncle… Un soir, le coup de l’ambulance ne pouvait pas fonctionner car l’ambulancier était avec eux. Il fallait rentrer. Oui mais voilà les gendarmes étaient là. Alors, ils arrêtèrent la voiture à trois cents mètres du croisement et attendirent. Les gendarmes intrigués s’approchèrent et virent la voiture sans chauffeur. À la question : « Où est le chauffeur ? », ils répondirent : « Il est allé se soulager ». Il faut croire que les gendarmes ce soir-là devaient être des braves hommes. Ils purent rentrer chez eux sans problème.

  

 

Simon Brandu

 

L’accident de voiture !

Juste après la guerre, il y avait un taxi à Ghisonaccia, Simon Brandu en était le chauffeur, sa principale course était de se rendre à la gare de Vivariu pour accompagner ou prendre des passagers.

Un matin, il devait aller chercher un couple arrivant d’Ajaccio et les ramener à Ghisonaccia.

Seulement voilà, Simon Brandu n’aimait pas conduire tout seul et à chaque fois il demandait à son ami Orsu Stevanu de l’accompagner. Les deux comparses partaient volontiers ensemble et les voilà qui une fois de plus entamèrent un voyage qui restera longtemps dans les annales.

Les routes de montagne à l’époque n’étaient pas goudronnées et étaient très étroites. Alors arrivant en plein milieu de la route dans un virage assez serré, Simon Brandu heurta de plein fouet une Juvaquatre de la gendarmerie.

Le taxi se renversa dans le ravin et la Juva était défoncée au milieu de la route.

Simon Brandu affalé sur son volant à moitié évanoui et Orsu Stevanu indemne, ce dernier voyant les gendarmes secoua son compagnon et lui dit en Corse : « O Simon Brandu, sveghjati ! L’affaru hè gravu ! I gendarmi sò dighjà quì ! » (« Simon Brandu ! Réveille-toi, l’affaire est grave, les gendarmes sont déjà là ! »).

 

 

 

 

Une Juvaquatre Renault de la gendarmerie nationale

  

 

 

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