Sacha Longau - Mon Napoléon

   

Napoléon beau comme un porte-clé ! Un souvenir d’enfance, par Sacha Longau.

 

 

Mon Napoléon

 

J’ai dix ans quand, dans une boutique de la vieille ville d’Ajaccio, je supplie ma mère de m’acheter un porte-clefs à l’effigie de Napoléon. Lui-même, fidèlement reproduit, en uniforme, dans un plastique mou qui contraste avec la rigidité du personnage et qui finit de me conquérir. Je sors de la boutique, enrichie d’un quatre-cent-trente-sixième porte-clefs qui deviendra mon préféré ex-æquo avec une tête de saint-bernard achetée à Megève lors d’un voyage scolaire quelques années plus tard.

Juste après avoir acheté cette tête de saint-bernard, je décide de l’accrocher à mon blouson orange. Chouette. Voyant la joie que me procure cette décoration, je me dis qu’aussitôt rentrée en Corse, je détrônerai mon fidèle Napoléon de sa place de choix, ma table de chevet, pour l’accrocher à mon blouson bleu-marine.  Aussitôt rentrée, je m’exécute.  Grave erreur, qui me vaudra l’une des frayeurs les plus intenses de ma vie et qui engendrera l’un de mes seuls mensonges. 

Un vendredi après-midi, alors que je me change dans la petite cabane en bois qui sert de vestiaire au club de voile que je fréquente, je décroche mon Napoléon pour le montrer de plus près à mes amies. Chouette. Les mots et les rires, que je pense toujours particulièrement vifs dans ces instants des « avants » et des « après », reprennent le dessus sur moi. Je suis, encore aujourd’hui, enivrée par les moments de transition. 

Lorsque je revêts, quelques heures plus tard, mon blouson, je constate le vide laissé par mon Napoléon. La panique. Je commence à le chercher, sous les vêtements, dans les sacs, par terre. Je demande à mes amies de m’aider. Elles n’en voient pas l’intérêt, je vais le retrouver, et puis, au pire, c’est un porte-clefs. « Les filles cherchez-le, ça craint, je l’adore c’est mon arrière-grand-père qui me l’a offert ». En quelques minutes, mon Napoléon retrouvé. Le soulagement, puis la honte. Je les remercie, puis j’explose de rire. « C’était une blague l’arrière-grand-père. Mais au moins vous avez cherché. » On en rigole. « Tout ça pour un bout de plastique. » Je ne réponds rien. On en rigole.

Tout ça pour un bout d’histoire.

   

    

Ce texte fait partie du compagnonnage mis en place entre Le Nouveau Décaméron 2021  et l’atelier d’écriture Racines de Ciel, animé par l’écrivaine Isabelle Miller, dans le cadre des activités littéraires du festival Racines de Ciel.  

Le thème choisi cette année était « Commémorations publiques, souvenirs privés » articulé autour de plusieurs propositions successives.

La première proposition à laquelle le présent texte souscrit était : « Napoléon et moi » : écrire une page à partir des idées, souvenirs, images qu’évoquent en moi le personnage de Napoléon.

  

 

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