Florian Galinat - Sur les parallèles

  

Kérouac, un livre, un chemin de vie. Par Florian Galinat

 

 

                                                           Sur les parallèles,

Un espace vide dans la bibliothèque, l’absence d’un livre.

Comme une allée sans feuille piquant l’horizon froid d’un matin.

Le livre n’est pas revenu, il n’a jamais donné de ses nouvelles. 

 

Ce livre je l’ai offert à un ami en Chine il y a plus de dix ans.

Le lire puis le donner de nouveau, sur une page mon adresse pour le suivre.

Aucun lecteur ne m’a écrit, le livre est posé sur l’étagère du Monde.

 

Il parlait d’un voyage à l’Ouest, je faisais le mien à l’Est.

Je l’ai lu entre les lignes du Transsibérien et les pages des steppes mongoles.

L’histoire de la route et des grands espaces, une fuite pour laver notre intime.

 

À la pointe de ces lignes universelles, la naissance d’une ville.

Les nuits chaudes et collantes, la concentration des sens. 

Là-bas, du jazz, la houle des rues et les Painted Ladies.

Ici, des pagodes, des fleurs de thé et la fin des Hutongs.

 

Ce livre fut une permission, celle de respirer la Vie.

Il imposait un rythme, tendu et nerveux, l’ivresse d’une liberté.

Inspirer les paysages, les perspectives et les chemins de vie.

Expirer les cassures, la fatigue et le conformisme.

 

Ce livre fut une permission, celle de regarder pour mieux écrire.

Photographier à l’encre les détails dans le flash de la feuille blanche.

Préférer l’ombre portée à l’apparence, c’est la nuit qui fait briller les étoiles.

L’œil et la ride, le coton puis le sifflement, le vent sous l’affiche, un chien et sa canette. 

 

Tracy est une ville ferroviaire ; des cheminots prennent des repas mornes dans les diners au bord des voies. Des trains s’en vont hurlant à travers la vallée. Le soleil se couche lentement, tout rouge. Tous les noms magiques de la vallée défilaient : Manteca, Madera, tout le reste. Bientôt ce fut l’obscurité, une obscurité de raisins, une obscurité pourprée sur les plantations de mandariniers et les champs de melons ; le soleil couleur de raisins écrasés, avec des balafres rouge bourgogne, les champs couleur de l'amour et des mystères hispaniques. Je passais ma tête par la fenêtre et aspirais à longs traits l’air embaumé. C'était les plus magnifiques de tous les instants. (1)

  

(1). KEROUAC Jack. « Sur La Route », Gallimard, 1960, coll. « Folio » Chapitre XII de l’ouvrage.

 

 

Avis aux lecteurs

Un texte vous a plu, il a suscité chez vous de la joie, de l'empathie, de l'intérêt, de la curiosité et vous désirez le dire à l'auteur.e ?

Entamez un dialogue : écrivez-lui à notre adresse nouveaudecameron@albiana.fr, nous lui transmettrons votre message !

 

 

Nouveautés
Decameron 2020 - Le livre
Article ajouté à la liste de souhaits