- LND 2021 - Juin
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Patricia Meunier offre tout un recueil de belles poésies aux lecteurs du Nouveau Décaméron : légèreté, sensualité, amour de l’amour…
LES VILLAGEOISES
Homme, ton épousée ce matin s’en est allée
Elle va et vient pieds nus, tête folle
Les herbes grasses à ses pieds étalées
Et le bleu du matin sans nuages s’envole
Son sein menu s’échappe aux vents alizéens
Et fuit dans le vallon son jupon éolien
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LES FÊTES AU VILLAGE
Sur la rosée leurs pieds menus en procession s’affairent
Le lit coule non loin de là, gras et serpentant
Il attend les fleurs en couronnes nouées éphémères
Que jetteront les filles dans ses eaux toutes gonflées
Son sang bouillonne encore de ce si long hiver
Et ses gouttelettes qui se libèrent
Voltigent et chantent quand d’un pas menu, effilé
Un petit pied se plonge dans son eau démesurée
Des éclats de rire alors le parcourent et toutes
Dénudées, pointant leurs petits seins blancs qui s’égouttent
Se regardent et s’aiment d’un coup d’œil mesuré
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CHANSON DE VILLAGE
Elles avaient dans les cheveux des couronnes de fleurs
Des marguerites qui leur faisaient comme un halo de vapeurs
Donnez, donnez encore un de vos beaux sourires !
Dans ma robe blanche aux parfums de soupirs
Mélancolique je les regardais, savoureusement aller
Donnez, donnez-moi encore de les revoir passer !
La plus belle, descendant, voulût aller se baigner
Et sur un lit de mousse m’entraînât pour l’aider
Donnez, donnez-moi la main belle fille du printemps !
Ses cheveux étaient d’ors sur son corps rayonnant
Écarlates ses joues, quand trop loin parti nager
Rendez, rendez-moi ce baiser que je vous ai donné !
L’eau était claire, c’était tentant
Mais il ne fallait pas ma chère enfant
Pour un baiser qu’on t’a volé
Pour un baiser aller te noyer
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LA CHANSON DE L’AIMEE
Je tiens comme serment, disait la belle à l’amant,
Je tiens comme serment ton amour comme un présent
Je vais courir le monde, disait la belle au premier printemps
Je vais courir le monde, me retrouveras-tu aux quatre vents ?
Je cours dans la ronde du monde, qui m’attrape me prend !
Je cours dans la ronde du monde et verse larmes de sang
Je tombe du haut de ma tour et vais me brisant
Je tombe du haut de ma tour, me sauveras-tu mon amant ?
Je dors dans le creux de la tombe, voilà le pauvre bilan
Je dors dans le creux de la tombe à mon premier printemps !
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LES VŒUX NAIFS
Après le long hiver, au chaud bien près du feu
Après le long hiver j’ai fait quatre nouveaux vœux :
Le premier, comme le jour est à la nuit
Le premier est d’aimer l’homme, même de part lui
Le deuxième, comme l’eau est au torrent
Le deuxième est d’avoir un enfant
Le troisième, comme les fleurs sont au champ
Le troisième est d’aimer à tous vents
Le quatrième, comme le corps est au sang
Le quatrième est de mourir dans longtemps !
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LE BAIN
Dans la cuisine de terre battue on entendait le vieux poêle
Frémissant, sifflotant, comme une cinquième âme
Dans la cuisine de terre battue elles dénouaient leurs châles
Frémissant, sifflotant, c’étaient toutes de belles femmes
Les vieilles bassines de bois, trempées tout le matin
Près du feu, tout près, recevaient comptant d’eau
Les vieilles bassines de bois – que le clapotis est beau ! –
Près du feu, tout près, recevaient sans dédain
Elles étaient toutes au bain, une riant, l’autre chantant,
Les cheveux dénués aux portes du printemps
Elles étaient toutes au bain et c’était joliment
Les cheveux dénoués, qu’elles parlaient de leurs amants !
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LE BAIN II
La belle était au bain, c’était d’un ton charmant
La belle, le cœur m’en bat, d’aussi loin que m’en souviens
C’était un de ces jolis matins, de ceux que l’on retient :
Sur la plaine une brume légère passait en riant
Et je vais vous conter ce qu’il y avait au dehors :
L’on ne les voyait pas mais ils embaumaient le monde
De ces milliers de fleurs l’on a fait tant de décors
Vous trouverez cela futile, l’amour en abonde
Mais la belle était au bain dans une mer d’argent
Les pensées toutes en dehors, cela faisait des lueurs
L’on ne voyait que ça, des reflets, des couleurs
Qui passaient les vitres et s’écrasaient en mourant
J’étais au bain et passaient les heures
Le feu crissait tout en s’éteignant
Sans un bruit au dedans, sans un pleur
De mille souvenirs le plus charmant
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La petite mère de l'Est
Petite bonne femme, que fais-tu là
Assise par terre sans voix ?
Petite bonne femme ton foulard est démis
Il pend sur ton épaule à demi
Et dans tes yeux je vois les plaines
Et l'infini de ton âme sereine
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L’effroi
Demain il fera froid
Et le ciel si bas
Qu’un couvercle de fer
Renfermera nos terres
Rendant aveugle de cœur
Mais abondant de peurs
Les images sous la pluie
Les images qui s’enfuient
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Introduction aux érotiques
Prenez, prenez de ce qu’ils vous offrent
C’est le lourd fruit défendu
Mais c’est plein et gonflé de suc
Croquez-y sans crainte ni peur
Demain sera tristesse et sueur
Demain le nuage cachera l’azur
Et pour toujours l’ennui, la faim
Alors goûtez encore de tous ces bons parfums
Paraissent les premières fleurs
Paissent les premiers troupeaux
Paré de ses plus belles lueurs
Mon cœur s’en va chasser l’étourneau !
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LES ÉROTIQUES
I
Enfant, tète, tète-moi plus longtemps
Ta bouche si gourmande est immense
Ta langue jamais je n’aurai cru, si délicatement
Qu’elle me fasse paradis de ce demi-silence
II
Viens mon amant, viens cet après-midi !
Mes jambes sont lourdes et je reste comme ça
Me rappelant hier ou bien encore lundi
Ta bouche, ton sexe et tous ces petits cris-là
Qui me sont échappés, bien malgré moi pardi !
Je voulais être fière et tu faisais l’enfant
À téter mon sein blanc tout en me baisant !
Viens mon amant, viens cet après-midi !
III
Prends ces baies rouges et juteuses
Que l’on voit tout près de là
Elles attendent la main généreuse
Et la bouche amoureuse qui viendra
S’asperger sans détour et sans peine
De ses eaux débordantes et saines
Là ! J’en vois deux rondes et pulpeuses
Comme deux tétons d’amoureuse
Que l’on prendrait à pleine main
Ou à pleine bouche pour qui a faim
IV
O mon amant si tu savais !
Combien de suc regorge le fruit !
La pomme d’amour qui reluit
A sous le doigt un fin duvet !
V
C’est de l’amour le plus beau vice
Quand sous mes jupes tu vas, tu glisses
Fier et droit, doigt sans malice
Tant que jute mon entrecuisse !
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JARDIN DE VERSAILLES
Et ton air de candeur et ta bouche naïve
Du galbe de ta hanche efface toute prétention
Et ton sein au téton arrogant de naïve intention
Au milieu des draperies offre sa gorge lascive
Mourante de désir je pourrais guetter l’heure
Où ton courage succombe aux regards implorants
Où tes yeux abaissés et la lèvre jaillissant
Tu goûterais à mes caressantes ardeurs
Qui sait si le sculpteur devant l’œuvre de terre
Achevée, modelée pour son plus fier plaisir
N’a pas la nuit tombée, laissé ses élèves partir
Et ton sein effleuré en tremblant de terreur
****
LES EROTIQUES II
I
J’en veux cent et puis j’en veux mille
De ces baisers frivoles et futiles
Ils ont le goût de la malice
Des jeux d’enfants qu’un rien épice
J’en veux des courts et puis des longs
J’en veux aussi qui tournent en rond
Ensuite comme mille éclats de rire
J’en veux un monotone qui s’étire
Que voulez-vous c’est bien plus beau
Quand de ma langue te prends au mot
Mon amant, si tu t’avères habile
J’en voudrais cent, j’en voudrais mille !
II
La belle on dit qu’hier tu embrassas
Bien licencieusement un inconnu amant !
On ne sait d’où il vient et tu ne l’as vu qu’une fois !
On ne sait même pas ce qu’il faisait là
Et toi la belle, si ce qu’on dit est vrai
Tu lui as donné à cet étranger
Le goût de tes seins bien inconsciemment !
III
Je brûlais du feu blanc des enfers
Ce jour-là tu aurais bien de peine
À le croire j’aurais donné l’univers
Pour qu’à mon jeu tu te prennes
J’avais attaché mes cheveux ce jour-là
Il m’en souvient d’un ruban coloré
Et librement mes seins par là
Par ci avaient le port osé
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LES AMOURS TRISTES
I
J’aime le cœur des hommes quand il est tout troué
Comme une plaie vivante qui laisserait couler
L’eau salée de ces larmes qu’ils ne savent pas verser
J’aime tenir dans mes bras de ces beaux corps percés
Quand une tristesse froide les laisse tout songeur
Et leur force impuissante à remuer le vent
D’ambition se désespère et se meurt
Ils ont tant à prouver et aller de l’avant
II
Les poètes ont chanté la vie, simple, bonne et grasse
Comme un téton de mère dont l’amour a tant de grâce
Où est l’homme dont le sentiment atteindra ces hauteurs ?
La girouette n’a pas plus de grandeur que leur cœur
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LES CAMPAGNARDES
I
L’Albertine n’était pas la plus maligne
Elle trottinait souvent même si c’était en boitant
Pour aller voir la Vierge avec son enfant
Oh personne n’était méchant mais l’était pas câline
La grande enfant du haut de ses trente ans
Et seule devant la statue aux allures divines
Se demandait pourquoi elle n’avait pas d’enfant
C’est qu’elle était pas très maligne, l’Albertine !
II
Un bruissement cachottier sans le vouloir allait plus grand
Depuis la grange d’où les regards se détournaient à présent
Qu’ils devaient être heureux nos deux amoureux du printemps !
Renversés sur la paille et pour litière leurs vêtements
La Jeannette première et gorge rose sortie fièrement
Un petit sourire lui passait comme un sourire béant
Elle était belle et grosse dans sa robe blanche
Et déjà on devinait une rondeur par d’ssus ses hanches
****
MON ENFANT
Une fée disais-tu est passée ce matin ?
Par le carreau, là dans la brume, tu l’as vue ?
Dois-je te croire enfant, dois-je sans abus
Laisser libre cours à ton jeune baratin ?
Allons je t’accorde que ses cheveux étaient d’or
Son rire harmonieux et qu’elle était pieds nus
Mon enfant je crois tout si tu te rendors
Mais se peut-il que tu ne m’aies pas reconnu ?
****
LES PETITS SECRETS
Je dors dans l’odeur de la paille
Mon amant sais-tu ce que c’est ?
Aucun instant que la froidure entaille
Mon amant te dire ce qu’il en est ?
Je dors sur un matelas de paille
Le voilà mon doux secret !
****
LA NATURE
I
La nature est emplie d’amour tout le temps
Elle rit, se moque, sous tout vent, à toute heure
Et nous montre l’inutilité de nos transports
Sous la neige, trempée de pluie, de tout temps
Faisons comme elle, rions mon jeune amant
Que savons-nous de nos prochains tourments
Rien, pas plus en l’avenir qu’au présent
Il ne faut se fier, mais à nos baisers gourmands !
II
J’ai passé sur le chemin, comme de rien
Je n’ai pas vu les mousses fluorescentes
Ni les herbes penchées, pensantes
Qui riaient et m’appelaient de loin
Où avais-je l’esprit ou encore la tête
Tout autour, tête au soleil, les monts
Fiers de rire, de chanter, d’être
Et moi, toute recroquevillée en moi !
III
L’or dans les feuilles mouillées de pluie
Qu’un soleil matinal surprend, pour qui ?
Il n’y avait personne à cette heure dans le jardin
Et tout l’or du monde y était déversé à dessein
Qui aurait pu le prendre lui qui brillait
Au petit matin, éclats d’argents dans
Les feuilles déjà rousses qui se donnaient
À chaque vent, à chaque passant
IV
Tout le monde me sourit
Dans ce bois
Les pins de surcroît
Tout m’éblouit
De rires penchés
À éclater !
Et les herbes en pensée
Sont flattées
Par les feuilles qui dansent
Cet automne
Comme aucun m’encense
Moi, l’homme
1998-2001
Avis aux lecteurs
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