Patricia Meunier - Poésies

  

Patricia Meunier offre tout un recueil de belles poésies aux lecteurs du Nouveau Décaméron : légèreté, sensualité, amour de l’amour…

  

  

LES VILLAGEOISES        

   

Homme, ton épousée ce matin s’en est allée

Elle va et vient pieds nus, tête folle

Les herbes grasses à ses pieds étalées

Et le bleu du matin sans nuages s’envole

Son sein menu s’échappe aux vents alizéens

Et fuit dans le vallon son jupon éolien

 

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LES FÊTES AU VILLAGE

 

Sur la rosée leurs pieds menus en procession s’affairent

Le lit coule non loin de là, gras et serpentant

Il attend les fleurs en couronnes nouées éphémères 

Que jetteront les filles dans ses eaux toutes gonflées

Son sang bouillonne encore de ce si long hiver

Et ses gouttelettes qui se libèrent

Voltigent et chantent quand d’un pas menu, effilé

Un petit pied se plonge dans son eau démesurée

Des éclats de rire alors le parcourent et toutes

Dénudées, pointant leurs petits seins blancs qui s’égouttent

Se regardent et s’aiment d’un coup d’œil mesuré

 

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CHANSON DE VILLAGE

  

Elles avaient dans les cheveux des couronnes de fleurs

Des marguerites qui leur faisaient comme un halo de vapeurs

Donnez, donnez encore un de vos beaux sourires !

Dans ma robe blanche aux parfums de soupirs

Mélancolique je les regardais, savoureusement aller

Donnez, donnez-moi encore de les revoir passer !

La plus belle, descendant, voulût aller se baigner

Et sur un lit de mousse m’entraînât pour l’aider

Donnez, donnez-moi la main belle fille du printemps !

Ses cheveux étaient d’ors sur son corps rayonnant

Écarlates ses joues, quand trop loin parti nager

Rendez, rendez-moi ce baiser que je vous ai donné !

  

 L’eau était claire, c’était tentant

Mais il ne fallait pas ma chère enfant

Pour un baiser qu’on t’a volé

Pour un baiser aller te noyer

 

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 LA CHANSON DE L’AIMEE

 

Je tiens comme serment, disait la belle à l’amant,

Je tiens comme serment ton amour comme un présent

Je vais courir le monde, disait la belle au premier printemps

Je vais courir le monde, me retrouveras-tu aux quatre vents ?

Je cours dans la ronde du monde, qui m’attrape me prend !

Je cours dans la ronde du monde et verse larmes de sang

Je tombe du haut de ma tour et vais me brisant

Je tombe du haut de ma tour, me sauveras-tu mon amant ?

Je dors dans le creux de la tombe, voilà le pauvre bilan

Je dors dans le creux de la tombe à mon premier printemps !

 

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LES VŒUX NAIFS

 

Après le long hiver, au chaud bien près du feu

Après le long hiver j’ai fait quatre nouveaux vœux :

Le premier, comme le jour est à la nuit

Le premier est d’aimer l’homme, même de part lui

Le deuxième, comme l’eau est au torrent

Le deuxième est d’avoir un enfant

Le troisième, comme les fleurs sont au champ

Le troisième est d’aimer à tous vents

Le quatrième, comme le corps est au sang

Le quatrième est de mourir dans longtemps !

 

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LE BAIN

  

Dans la cuisine de terre battue on entendait le vieux poêle

Frémissant, sifflotant, comme une cinquième âme

Dans la cuisine de terre battue elles dénouaient leurs châles

Frémissant, sifflotant, c’étaient toutes de belles femmes

Les vieilles bassines de bois, trempées tout le matin

Près du feu, tout près, recevaient comptant d’eau

Les vieilles bassines de bois – que le clapotis est beau ! –

Près du feu, tout près, recevaient sans dédain

Elles étaient toutes au bain, une riant, l’autre chantant,

Les cheveux dénués aux portes du printemps

Elles étaient toutes au bain et c’était joliment

Les cheveux dénoués, qu’elles parlaient de leurs amants !

 

  

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LE BAIN II

 

La belle était au bain, c’était d’un ton charmant

La belle, le cœur m’en bat, d’aussi loin que m’en souviens

C’était un de ces jolis matins, de ceux que l’on retient :

Sur la plaine une brume légère passait en riant

  

Et je vais vous conter ce qu’il y avait au dehors :

L’on ne les voyait pas mais ils embaumaient le monde

De ces milliers de fleurs l’on a fait tant de décors

Vous trouverez cela futile, l’amour en abonde

  

Mais la belle était au bain dans une mer d’argent

Les pensées toutes en dehors, cela faisait des lueurs

L’on ne voyait que ça, des reflets, des couleurs

Qui passaient les vitres et s’écrasaient en mourant

  

J’étais au bain et passaient les heures

Le feu crissait tout en s’éteignant

Sans un bruit au dedans, sans un pleur

De mille souvenirs le plus charmant

  

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La petite mère de l'Est

   

Petite bonne femme, que fais-tu là

Assise par terre sans voix ? 

Petite bonne femme ton foulard est démis

Il pend sur ton épaule à demi

Et dans tes yeux je vois les plaines 

Et l'infini de ton âme sereine

  

 

****

 

L’effroi

 

Demain il fera froid

Et le ciel si bas

Qu’un couvercle de fer

Renfermera nos terres

Rendant aveugle de cœur

Mais abondant de peurs

Les images sous la pluie

Les images qui s’enfuient

  

  

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Introduction aux érotiques

  

Prenez, prenez de ce qu’ils vous offrent

C’est le lourd fruit défendu

Mais c’est plein et gonflé de suc

Croquez-y sans crainte ni peur

Demain sera tristesse et sueur

Demain le nuage cachera l’azur

Et pour toujours l’ennui, la faim

Alors goûtez encore de tous ces bons parfums

  

Paraissent les premières fleurs

Paissent les premiers troupeaux

Paré de ses plus belles lueurs

Mon cœur s’en va chasser l’étourneau !

 

  

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LES ÉROTIQUES

 

I

Enfant, tète, tète-moi plus longtemps

Ta bouche si gourmande est immense

Ta langue jamais je n’aurai cru, si délicatement

Qu’elle me fasse paradis de ce demi-silence

 

II

Viens mon amant, viens cet après-midi !

Mes jambes sont lourdes et je reste comme ça

Me rappelant hier ou bien encore lundi

Ta bouche, ton sexe et tous ces petits cris-là

Qui me sont échappés, bien malgré moi pardi !

Je voulais être fière et tu faisais l’enfant

À téter mon sein blanc tout en me baisant !

Viens mon amant, viens cet après-midi !

  

III

Prends ces baies rouges et juteuses

Que l’on voit tout près de là

Elles attendent la main généreuse

Et la bouche amoureuse qui viendra

S’asperger sans détour et sans peine

De ses eaux débordantes et saines

Là ! J’en vois deux rondes et pulpeuses

Comme deux tétons d’amoureuse

Que l’on prendrait à pleine main

Ou à pleine bouche pour qui a faim

  

IV

O mon amant si tu savais !

Combien de suc regorge le fruit !

La pomme d’amour qui reluit 

A sous le doigt un fin duvet !

  

V

C’est de l’amour le plus beau vice

Quand sous mes jupes tu vas, tu glisses

Fier et droit, doigt sans malice

Tant que jute mon entrecuisse !

 

  

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JARDIN DE VERSAILLES

 

Et ton air de candeur et ta bouche naïve

Du galbe de ta hanche efface toute prétention

Et ton sein au téton arrogant de naïve intention

Au milieu des draperies offre sa gorge lascive

Mourante de désir je pourrais guetter l’heure

Où ton courage succombe aux regards implorants

Où tes yeux abaissés et la lèvre jaillissant

Tu goûterais à mes caressantes ardeurs

 

Qui sait si le sculpteur devant l’œuvre de terre

Achevée, modelée pour son plus fier plaisir

N’a pas la nuit tombée, laissé ses élèves partir

Et ton sein effleuré en tremblant de terreur

 

  

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LES EROTIQUES II

 

I

J’en veux cent et puis j’en veux mille

De ces baisers frivoles et futiles

Ils ont le goût de la malice

Des jeux d’enfants qu’un rien épice

J’en veux des courts et puis des longs

J’en veux aussi qui tournent en rond

Ensuite comme mille éclats de rire

J’en veux un monotone qui s’étire

Que voulez-vous c’est bien plus beau

Quand de ma langue te prends au mot

Mon amant, si tu t’avères habile

J’en voudrais cent, j’en voudrais mille !

 

II

La belle on dit qu’hier tu embrassas

Bien licencieusement un inconnu amant !

On ne sait d’où il vient et tu ne l’as vu qu’une fois !

On ne sait même pas ce qu’il faisait là

Et toi la belle, si ce qu’on dit est vrai

Tu lui as donné à cet étranger

Le goût de tes seins bien inconsciemment !

 

III

Je brûlais du feu blanc des enfers

Ce jour-là tu aurais bien de peine

À le croire j’aurais donné l’univers

Pour qu’à mon jeu tu te prennes

J’avais attaché mes cheveux ce jour-là

Il m’en souvient d’un ruban coloré

Et librement mes seins par là

Par ci avaient le port osé

  

 

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LES AMOURS TRISTES

 

I

J’aime le cœur des hommes quand il est tout troué

Comme une plaie vivante qui laisserait couler

L’eau salée de ces larmes qu’ils ne savent pas verser

J’aime tenir dans mes bras de ces beaux corps percés 

Quand une tristesse froide les laisse tout songeur

Et leur force impuissante à remuer le vent

D’ambition se désespère et se meurt

Ils ont tant à prouver et aller de l’avant

 

II

Les poètes ont chanté la vie, simple, bonne et grasse

Comme un téton de mère dont l’amour a tant de grâce

Où est l’homme dont le sentiment atteindra ces hauteurs ?

La girouette n’a pas plus de grandeur que leur cœur

 

  

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LES CAMPAGNARDES

I

L’Albertine n’était pas la plus maligne

Elle trottinait souvent même si c’était en boitant

Pour aller voir la Vierge avec son enfant

Oh personne n’était méchant mais l’était pas câline

La grande enfant du haut de ses trente ans

Et seule devant la statue aux allures divines

Se demandait pourquoi elle n’avait pas d’enfant

C’est qu’elle était pas très maligne, l’Albertine !

 

 

II

 

Un bruissement cachottier sans le vouloir allait plus grand

Depuis la grange d’où les regards se détournaient à présent

Qu’ils devaient être heureux nos deux amoureux du printemps !

Renversés sur la paille et pour litière leurs vêtements

La Jeannette première et gorge rose sortie fièrement

Un petit sourire lui passait comme un sourire béant

Elle était belle et grosse dans sa robe blanche

Et déjà on devinait une rondeur par d’ssus ses hanches

  

 

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MON ENFANT

 

Une fée disais-tu est passée ce matin ?

Par le carreau, là dans la brume, tu l’as vue ?

Dois-je te croire enfant, dois-je sans abus

Laisser libre cours à ton jeune baratin ?

Allons je t’accorde que ses cheveux étaient d’or

Son rire harmonieux et qu’elle était pieds nus

Mon enfant je crois tout si tu te rendors

Mais se peut-il que tu ne m’aies pas reconnu ?

  

  

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LES PETITS SECRETS

 

Je dors dans l’odeur de la paille

Mon amant sais-tu ce que c’est ?

Aucun instant que la froidure entaille

Mon amant te dire ce qu’il en est ?

Je dors sur un matelas de paille

Le voilà mon doux secret !

  

 

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LA NATURE

 

I

La nature est emplie d’amour tout le temps

Elle rit, se moque, sous tout vent, à toute heure

Et nous montre l’inutilité de nos transports

Sous la neige, trempée de pluie, de tout temps

  

Faisons comme elle, rions mon jeune amant

Que savons-nous de nos prochains tourments

Rien, pas plus en l’avenir qu’au présent

Il ne faut se fier, mais à nos baisers gourmands !

 

II

J’ai passé sur le chemin, comme de rien

Je n’ai pas vu les mousses fluorescentes

Ni les herbes penchées, pensantes

Qui riaient et m’appelaient de loin

 

Où avais-je l’esprit ou encore la tête

Tout autour, tête au soleil, les monts

Fiers de rire, de chanter, d’être

Et moi, toute recroquevillée en moi !

 

III

L’or dans les feuilles mouillées de pluie

Qu’un soleil matinal surprend, pour qui ?

Il n’y avait personne à cette heure dans le jardin

Et tout l’or du monde y était déversé à dessein

 

Qui aurait pu le prendre lui qui brillait

Au petit matin, éclats d’argents dans

Les feuilles déjà rousses qui se donnaient

À chaque vent, à chaque passant

 

IV

Tout le monde me sourit

Dans ce bois

Les pins de surcroît

Tout m’éblouit

De rires penchés

À éclater !

Et les herbes en pensée

Sont flattées

Par les feuilles qui dansent

Cet automne

Comme aucun m’encense

Moi, l’homme

 

 

1998-2001

 

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