Damien Valesan - Divagations

  

Deux poèmes sans fard, introspectifs, comme deux torches dans les ténèbres de l’âme, par Damien Valesan

 

 

Divagations

 

En cours

 

Je vois ces corps qui gisent et se meuvent sur le sol.

La paix sur un océan de bois, un amalgame grouillant bercé par la musique. 

Ils jouent.

 

Tu me passionnes. 

Tu dévies constamment mon attention. 

Ton regard tord l’espace autour de toi et me rapporte toujours à lui. 

Aussi, je ne te regarde plus.

Tu dictes d’une simple phrase le cours de mes journées, la nature de mes instants. 

C’est un poids que je m’inflige. 

Je m’impose cette souffrance et nous en sommes les deux victimes. 

J’en suis désolé.

 

Tu es à mon cœur un magnifique paradoxe maintenant que je t’observe. 

À la fois d’une grande beauté physique et d’une grande laideur. 

À la fois d’une lumière d’âme éclatante 

Et d’un vert malade et nécrotique. 

Ce paradoxe m’intéresse, il m’obnubile.

L’attrait, la beauté d’un mystère me mange. 

 

Je suis, en réalité, d’une nature pathétique. 

À l’heure actuelle, mon existence est semblable à celle du moustique. 

Sans rôle et d’une présence dérangeante, 

Il se rapproche à s’en brûler de la moindre lumière. 

 

La faiblesse est mère de folie.

 

C’est la musique la maîtresse de tout. 

Et l’invisibilité le liquide amniotique dans lequel elle donne vie à l’écriture lourde, longue d’un homme qui se défoule. 

Qui se laisse aller. 

Qui, pour une fois, s’exprime dans la liberté du regard d’autrui. 

Un chien de campagne.

 

Quelle horreur que ma muse soit parée d’un voile aussi noir. Elle ne prend goût qu’aux malheurs de mon être. Et elle arrive à noircir indécemment ces pages d’une encre bleu.

 

C’est la faim qui me donne envie d’écrire. En réalité, j’essaye de me rassasier. Ou alors, c’est le fait que je me défoule qui m’autorise l’idée de la faim.

 

Quelle envie de pleurer ! Je pleure par les mots et j’ai l’impression que cela me suffit. L’impression. 

 

Même ton dos me hante.

 

Je ne connais la tranquillité que dans les harmonies des cordes d’un piano.

 

Ce qui t’approche est beau. Ou plutôt, le devient. Et l’unité des corps qui te parviennent sublime vos émotions. Et au gré d’une note, d’un son, vos charmes se mêlent aux miens. Mon cœur imite le rythme de vos pas, mes yeux volent vers vos poitrines et mes songes les tristesses de vos visages.

 

Elle me ressemble.

 

La musique nous fait trembler.

Je comprends Koltès dans sa recherche de l’invisible. En tout cas, je suis en paix avec l’interprétation que j’en ai. Je viens d’en faire l’expérience. Maintenant je redoute mon retour dans le spectre du visible. Ce sera dans 5 minutes …

 

« Ta voix était partout ».

 

Ton regard me fait peur maintenant. Il me terrifie. Moins d’une demi-seconde et mon cerveau s’emballe.

Ça y est, je suis de nouveau visible.

  

**** 

  

 À la terrasse d’un café

  

La peur guide mes pas. Elle m’emplit. J’estime à tout instant les risques que j’encours. Et, étant doté d’une certaine imagination, j’amplifie significativement la gravité de ces risques. Cet homme assis à ma droite est si différent, si imprévisible… Je peux imaginer son regard sur moi. 

En réalité, c’est le regard des gens qui m’effraie. C’est le croisement des regards à la croisée des pensées qui me trouble. Si bien que je me fige. Pourtant, je rêve de la rencontre d’un être sensible, mais de peur du contraire je ne fais que l’attendre et ne le cherche pas.

 

La musique sublime et protège mais ne rend pas invisible. Comment l’être ? Avec un treillis, des bottes et une veste à taches vertes et noires? Est-ce un changement d’attitude, ou bien quelque chose relevant bien plus de la nature de l’être qui permet l’invisibilité ? 

Que le regard des gens glisse sur mon visage sans secousse, sans bienfait ni trouble. Qu’il ne suscite aucune pensée de quelque nature qu’elle soit.

 

Des conversations à mon sujet il y en a eu, il y en a et en aura espérons-le pendant longtemps. Et bien que l’idée que ces conversations soient en ma défaveur soit dure, elle n’a pas lieu d’exister. 

 

Qu’est-ce qu’ils me font peur tous.

 

L’enfer c’est les autres. Je suis le seul diable de cet enfer. J’envie ces âmes qui se meuvent à leur guise dans ce méandre dont j’ai tant de mal à distinguer les contours. Je les vois marcher dans ces rues avec une telle aisance, sans trop se soucier du monde.

 

Cette cigarette me fait oublier la douleur de mon talon.

 

Je me sens seul à nouveau. Il est peut-être temps de partir. 

Non, j’observe d’abord. 

Je ne vois aucun rapport entre ces arbres et ces Hommes. 

Aucun entre ces murs et ces Hommes. Aucun entre eux et moi, sauf l’air que nous respirons. 

J’ai faim à présent. 

 

Le langage de cet homme assis à côté de moi me déplaît. 

Il part. 

Heureuse coïncidence. 

 

J’ai mal au crâne et au ventre. 

Au crâne parce que mes pensées le mangent et au ventre parce qu’il mange mes pensées. 

Parce que je repense à toi aussi. 

 

Le désir de reconnaissance m’habite. Mais de reconnaissance de quoi ? Un Homme est reconnu pour ce qu’il fait et pour l’heure, je ne fais rien. En tout cas, je n’accomplis rien. Ma musique est répétitive et déplaisante pour celui qui l’écoute et mes mots nocifs pour ceux qui les lisent. Néanmoins je ne m’excuserai pas auprès de vous qui les lisez. Je décide de ne plus le faire. Ces mots sont moi et libre à qui le veut de refermer ces pages. Malheureusement, c’est là la meilleure manière de me connaître tant il est rare, et la peur en est encore une fois la cause, que j’ouvre de plein gré ces pages aux autres. Sentez-vous donc malgré tout privilégiés. 

Loin, très loin, à des années-lumière de moi l’envie d’infliger la noirceur d’un tel individu à autrui. Je l’inflige quand même en réalité. Modérément toutefois. Je l’espère. 

 

Maintenant je souris. 

Je m’amuse de ma condition. 

Quelle idée de souffrir pour de telles futilités ?

Peut-être vaut-il mieux rire de sa condition …

 

Je ris à présent.

 

 

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