Claude Marmounier - l'Anse rouge

   

Comme une envie de jouer, comme avant… par Claude Marmounier

 

 

L’Anse rouge

  

C’était confus. Les formes changeaient au cours de la journée, évidentes au soleil, futiles sur le soir, irréalistes la nuit. Comme un rêve dont on garde des images floues... un crépitement, des masques, des bruits dérangeants. Mais le souvenir persistait à taquiner sa mémoire, ça, elle devait le reconnaître, le contenir, l’accepter ou envoyer l’idée au diable ! Au final c’est la curiosité – et une tendresse récurrente – qui cria le plus fort ! Mélanie, Antoine, Julien, Cyril et elle. Cinq concernés. Les cinq doigts de la main, unis comme jamais. Unique. Ça ne s’était surement jamais reproduit depuis. Pour personne. L’événement restait vierge et ce n’était que justice ! Ça leur appartenait ! Mais oui ! c’est ce qui l’avait réveillée cette nuit, le soleil couchant, la plage encore chaude, les airs fredonnés, les yeux qui épient derrière les rochers... Elle fixa une date arbitrairement, choisit Mélanie comme premier contact, la jugeant plus encline à entrer dans la complicité qu’un des garçons.

Elle éluda d’entrée le courrier postal. Plus persuasif mais trop lent ! Elle commença son mail par « Ma Méla, ». Incontournable. D’abord parce que ça avait toujours été et pour se replonger dans le contexte, y’avait pas mieux ! Et ses mots se sont mis à chanter sur les souvenirs comme l’archet, caressant si joliment la chanterelle, fait naître les frissons capables de transposer la chansonnette en adagio. Tout devenait prétexte, rien n’était plus judicieux... la fuite du temps, l’amer regret, la mémoire qui trahit, les valeurs généreuses, les poses régénératrices, les confidences, la présence, l’écoute, les petits bonheurs de la vie que l’on dénigre bêtement... Cette date anniversaire qui résonnera en dizaine cet été, comment ne pas la porter, la transcender, la fondre dans le marbre ? Elle avait mis tout son cœur à convaincre Mélanie que les garçons, elle en était certaine, pensaient aussi quelque chose, mais maladroitement... comme on sait. Elle termina par une de ses citations préférées : « On s’intéresse trop à ce qui arrive rarement, pas assez à ce qu’on voit tous les jours ». Et attendit, fébrile !

Quand, enfin, la petite icône jaune apparut en dansant sur l’écran, elle abandonna illico son Powerpoint et, les yeux comme des hublots, découvrit la réponse tant attendue. Mélanie jubilait. C’était le premier point mais, pour entériner définitivement le projet, en organisatrice douée, elle concevait déjà le déroulement, situant les conditions : lieu (incontournable), horaires (idem), objets, instruments, (les mêmes), tenues vestimentaires (important), les textes (elle les possédait). Restait à lancer le ralliement et là, Mélanie passait la main.

  

Anse rouge 1er mai 18h. 

Le petit garçon posa son vélo par terre, silencieux, pour ne pas se montrer et s’accroupit derrière un rocher. Il entendait le crépitement et les flammes, par moments, éclairaient les visages. C’était des filles et des garçons, des grands, habillés comme au carnaval, des chapeaux pointus, des masques, une avec une guitare, un autre à l’harmonica, ils chantaient et avaient l’air de bien s’amuser... 

C’était comme ça quand on est grand ?

 

  

Ce texte fait partie du compagnonnage mis en place entre Le Nouveau Décaméron 2021  et l’atelier d’écriture Racines de Ciel, animé par l’écrivaine Isabelle Miller, dans le cadre des activités littéraires du festival Racines de Ciel.  

Le thème choisi cette année était « Commémorations publiques, souvenirs privés » articulé autour de plusieurs propositions successives.

La seconde proposition à laquelle le présent texte souscrit était : 

« Une commémoration privée » : Vous organisez une cérémonie pour célébrer un événement ou une personne de votre entourage. Ecrivez à un(e) proche comment vous voyez les choses, sans citer la personne ou l’événement à célébrer.

  

 

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