Cartographies. Acte IV - Arthur

  

Arthur n’est pas convaincu par la suite de l’histoire. Il hésite… [à finir]

   

Jeu d’écriture à plusieurs et en ribambelles, Cartographies est un nouveau projet du Nouveau Décaméron. Il s’apparente aux fameux cadavres exquis des surréalistes, chaque auteur reprenant la plume posée par le ou les précédents.

À jouer le jeu, il y a eu Anne-Laurence Guillemet, Chantal Fournel, Patricia Meunier, Gérard Maynadié, Yves Rebouillat.

Attention : À  la fin, chaque lecteur pourra devenir à son tour auteur et proposer une fin ! 

   

 

Acte IV - Arthur

 

L’arrêt forcé et cet envol nouveau ont été pour moi... je ne sais pas comment les décrire…

Si le premier "décollage" m’avait rempli d’appréhensions que j’avais plus ou moins bien dissimulées, le second envol fut pour moi teinté d’euphorie…. Comme si les invisibles liens qui me rattachaient à la terre depuis si longtemps s’étaient enfin dénoués.

Tel Jonathan Livingstone le goéland ou un Nils Holgersson des temps nouveaux, plein d’exaltation, mon corps semblait ne plus faire qu’un avec l’aérostat, mieux encore, il me semblait que mes élans le guidaient, il était comme un prolongement de mon être.

J’étais grisé par une sensation de liberté totale, seul maître à bord... enfin pas tout à fait...

Mes compagnons certes, continuaient de s’extasier sur l’originalité de ce projet collectif mais il me semblait percevoir un essoufflement léger, une attention à l’autre moins fantasque, une gravité qui les tirait vers la terre…

Après la rencontre avec le Village, Anna et John semblaient moins enthousiastes qu’au départ comme si cette halte forcée les avait fragilisés.

Plus silencieux qu’à son habitude, notre ami anglais semblait peu désireux de renouer avec les grands débats qui nous agitaient lorsque nous survolions cette Occitanie dont la cartographie devait nous permettre de nous comprendre mieux.

Pour John je croyais appréhender que revoir Iris avait pu le bouleverser mais Anna... de nous deux, je le sais bien, elle était la plus déterminée à partir, or elle aussi paraissait soudain bien taiseuse, comme si notre arrêt forcé  avait stoppé l’élan qui la portait vers le haut, comme si l’attraction terrestre l’avait reprise toute entière.

- Anna, je découvre que je suis un être de l’air moi qui si longtemps me suis cru un fils de la terre... c’est déconcertant et magique à la fois ! Et toi, comment te sens tu ?

- Je ne ressens pas une telle joie, on a failli y rester, finalement je me sens assez terre-à-terre dans mes émotions : je m’aperçois que j’aime toucher les pierres dans les bastides, enfouir mes mains dans la boue, caresser mes fleurs et leur parler doucement, elles que je regarde grandir chaque jour, sentir mon corps bouger dans le vent mais les pieds bien posés sur le sol.

Je la regardais interloqué par cette vive tirade que je pris comme une remise en cause de tous les idéaux qui avaient motivé ce voyage.

- Tu te rends compte que nous avons pu nous dépasser, nos limites terrestres se sont élargies à de nouvelles compréhensions, juste comme on l’espérait…

- Oui et j’en suis ravie mais je serai heureuse de rentrer, de nous retrouver tous les deux. J’adore les copains, les sensations que procure cette prise de distance d’en haut, mais mes moments où je suis seule, où mes pensées papillonnent pendant que je jardine, où je serre le chat dans mes bras me manquent.

- C’est trop tôt pour moi ce retour au quotidien, je sens tout au fond de moi une vague déferlante qui me pousse à aller plus loin, je ne sais plus trop où j’en suis... je suis saisi d’un vertige si différent de ma peur de la hauteur originelle...

- Et tes spectacles, ta troupe, tes petits mômes, il doit leur manquer leur clown des étoiles.

- Je le sais, mais je suis moins créatif, je veux retrouver de la spontanéité, réfléchir avec mon cœur, je me sens comme le Petit Prince…

- Tu verras, dès que tu retrouveras les rires des enfants, les ciels dans leurs yeux, tu seras de nouveau rempli de contentement… parce que ce que tu leur apportes est si beau.

À vrai dire, je ne distinguais plus vraiment quelle était la part de réalité dans mon glissement : mon enthousiasme délirant qui a commencé à m’isoler de mes pairs, les préoccupations du quotidien qui les ont repris trop vite, trop fort, m’éloignant de mes amis…

Je sentais bien que pour eux, l’aventure était d’autant plus belle qu’ils avaient l’assurance d’un retour à leur vie d’avant, enrichie de cette expérience humaine, aéro-culturelle...

 

"Ce matin, l’or d’un soleil tout neuf tremble sur les rides d’une mer paisible". La Méditerranée, creuset d’une civilisation si riche de ses diversités, est pour moi une invitation à poursuivre notre périple… mais elle est le terme de cette aventure, Carla et Max nous attendent avec la remorque qui ramènera à bon aéroport ce formidable instrument de ma toute nouvelle quête d’absolu.

Le soir, l’aérostat s’étant gracieusement posé sur cette terre qui m’est devenue hostile, les bavardages dans ce  bistrot plein de musique et de chaleur humaine reprennent avec vigueur : chacun décrit avec enthousiasme ce que le "Voyage" lui aura finalement permis de comprendre.

Héléna : « Je vole souvent seule, me prenant pour la femme la plus libre au monde, frôlant tous les dangers dans des acrobaties toujours plus audacieuses. J’ai découvert en votre compagnie que je ne prenais pas le temps de regarder notre belle terre, je vous remercie de m’avoir fait partager cette forme de sagesse, je continuerai de faire la folle, de m’enivrer de vitesse, mais je prendrai aussi ce temps de la contemplation tranquille, de la lenteur… »

John : « Moi, j’aime toujours autant être dans les airs, encore plus peut-être, je voudrais faire découvrir cette sensation à ceux qui n’en peuvent plus de se sentir enfermés en eux, je vais réfléchir à élargir les activités du club d’aérostat vers d’autres personnes, je suis prêt maintenant. »

Anna : « Je vais retrouver avec bonheur le lent épanouissement de ce que je sème, ce que j’ai vu de là-haut m’amène à  mieux comprendre que mes préoccupations "écolo" ont du sens, sont en cohérence avec un paysage, un climat, un sous-sol... ce que je plante ne doit pas épuiser cet environnement. Et toi Arthur ? »

Silence

Quant à moi, je tente de me mettre à l’unisson de cette belle humeur mais cela m’est impossible, je suis ce soir le clown triste..., si triste de m’arrêter dans un élan qui est devenu ma raison de vivre…

Au bout d’un moment je me lève, je sors, je hume le vent... je m’envole...

 

Plus tard...

Mes chers amis, je vous écris d’une petite île de la mer Égée.

J’ai longtemps été incapable de libérer les mots pour vous dire mes excuses et les suites de mon périple, la courte carte postale que j’avais pu vous envoyer ne servait qu’à vous rassurer sur mon sort mais en aucun cas à vous dire quelle émotion m’avait saisie ce dernier soir à Marseille...

  

à finir...

  

Note des auteurs : 

Proposition de fin : ami lecteur puisque ce texte est un projet collaboratif, nous te proposons d’en écrire une fin à ta guise que tu pourras si tu le veux nous envoyer. De son côté, chacun des auteurs va terminer cette aventure et la proposera bientôt à tous. Ainsi cette histoire aura autant de fins que nous voudrons… elle sera sans fin…

Anne-Laurence Guillemet, Chantal Fournel, Patricia Meunier, Gérard Maynadié, Yves Rebouillat.

   

  

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