Navigare necesse est

 

Navigare necesse est

 

Comment procède le « ver de tête », ce curieux phénomène du matin qui nous fait chantonner un air dont on ignore comment il est venu là et comment il s’est imposé au point qu’il est quasiment impossible de s’en détacher ?

Ce matin c’est Caetano Veloso qui est là. Sa douce voix répète inlassablement le refrain de Os Argonautas. Ma chance est que la chanson est magnifique et j’aime l’avoir en fond musical de mes pensées matutinales.

Navegar é preciso
Viver não é preciso

Comme je sais intuitivement que la nuit envoie ses messages énigmatiques sous forme de sons, d’images, d’impressions, d’histoires sans paroles, de personnages parfois lointains ou disparus, je comprends que « c’hè calcosa ».

Naviguer est précis ? La vie ne l’est pas ? C’est ce que je crois comprendre par homophonie… Cela m’irait. La vie ne connait pas son but (pas plus que moi) et la mener (naviguer) nécessite par contre une attention de tous les instants. Je pourrais l’enseigner à mes enfants…

Je vérifie : la phrase vient du latin : navigare necesse est, vivere non necesse est, naviguer est nécessaire, la vie ne l’est pas !

Pompée l’inventeur de la formule (il faut sauver Rome), Plutarque (la vie est imprévue), Pessoa et Veloso (créer est impératif) et même Freud (la vie est contrariée) utilisent la formule en des sens tout différents.

Mon exploration sommaire – je n’aime pas les sentiments qui se transforment en cristaux immortels en savoirs figés et préfère toujours m’en tenir aux impressions premières, plus poétiques, plus poïétiques  – me conduit à proposer ma propre définition. Dans une vie où les changements nous nous bousculent parfois, il faut continuer à mener la barque. D’autant plus que dans la barque se trouvent quelques passagers importants, nos amours, nos proches, nos amis, ce en quoi l’on croit, tous nos désirs…

Sans connaître le port d’attache final, il nous faut traverser les tempêtes, les zones de grand calme, naviguer à vue entre les écueils, sans redouter les sirènes (on se bouchera les oreilles), les krakens (trop compliqués à prévoir) et les mauvaises brises qui inlassablement voudraient nous faire retourner en arrière. Il faut être « précis » dans l’art de naviguer et laisser la mer décider du chemin. Car ce n’est pas le but, mais le chemin qui importe…

Tout ceci pour ne pas aborder de front le sujet que je devais traiter dans ce premier édito de l’année : Albiana change. Mais continue sa route…

  

P .S. : Pour le « ver de tête » on m’a affirmé qu’il suffisait de mâcher un chewing-gum… À voir !

 

Os Argonautas - Caetano Veloso

Nouveautés
Decameron 2020 - Le livre
Article ajouté à la liste de souhaits