Z. Mackey, I. Morchid, M. Giabiconi et Y. Ismaili -  Les héritiers de l'abîme

 

Mille péripéties font émerger de nouveaux pouvoirs chez les 4 amis… Une nouvelle très enlevée de Zacheo Mackey, Inès Morchid, Mattéa Giabiconi et Yassine Ismaili.

               

                 Les héritiers de l'abîme

  

23 novembre 2036, Zone industrielle de Corte, Haute-Corse.

 

Les anciens nous ont dit que cet endroit était magnifique il y a cela des années, les enfants se baignaient dans le Tavignanu. Jamais de la vie ça nous viendrait à l’esprit de poser le pied dans cette mélasse grisâtre qui sent les produits toxiques. De nos jours, Corte est devenu l’épicentre de centrales et de mines, depuis qu’un rare filon de pétrole a été trouvé dans le Tavignanu.

Ce produit est devenu si rare qu’il est plus cher que l’or.

Là où il y avait jadis des complexes sportifs, s’élève maintenant un gros bâtiment gris qui fait un bruit d’enfer et qui est farouchement gardé par des espèces de molosses armés. C’est devant ce bâtiment que nous avons rendez-vous aujourd’hui. C’est un lieu important pour nous, avant la construction du bâtiment, nous faisions notre sport quotidien sur le terrain qui s’y trouvait. C’est devenu un lieu symbolique pour nous, disons.

 

Notre groupe de quatre est assez original, on s’y amuse bien.

Yassine gare son Aérobike™  près de la buvette où nous avons l’habitude de nous retrouver. Le mec qui tient cette buvette s’appelle Piotr, il est sympa, Piotr, mais un peu bizarre, difficile à cerner, on ne sait jamais à quoi il pense. Il a cette boisson qu’il nous sert tout le temps qu’il appelle « Sirop de Mystère », entre nous, nous pensons que c’est seulement un jus de menthe pétillant. Quoique, à chaque fois qu’on en boit, nous ressentons une petite pulsion d’énergie. Sûrement notre imagination.

Zacheo, jamais ponctuel, arrive en retard.

 

« Désolé pour le retard, y’avait une vache devant mon TurboVélo Electrique™.

- C’est la cinquième fois que tu nous sors ça ! T’abuses ! Même Yassine est arrivé avant toi, répond sèchement Mattéa. »

 

Inès est hilare, comme à son habitude ; soudain, Yassine se retourne d’un air sérieux que nous n’avions jamais vu chez lui.

 

« C’est quoi ça ? », dit-il en pointant du doigt le bâtiment gris.

 

Yassine s’approche, curieux, du bâtiment qui est plus bruyant que d’habitude, nous le suivons intrigués. Il contourne le bâtiment, le long de la grosse clôture barbelée tout autour.

Arrivé derrière le bâtiment, Yassine repère un trou dans la clôture et pénètre dans l’enceinte de la propriété. À l’abri du regard des gardes, Mattéa ahurie demande à Yassine :

« Yassine, comment t’as su qu’il y avait un trou dans la clôture ?

- Mais j’en sais rien, moi, j’ai suivi mon intuition, ça vous fait pas ça, vous ? »

 

Tout à coup, une odeur nauséabonde parvient à nos narines, Zacheo qui d’habitude est le dernier intéressé crie :

  

«  COUREZ AUSSI VITE QUE VOS PETITES JAMBES LE PERMETTENT ! »

  

Soudain, une énorme déflagration verte déchire le bâtiment, qui est vaporisé. Inès, qui à présent crie plus fort que tout le monde, est projetée contre Mattéa qui tombe au sol. Yassine se cache sous un AirCar et Zacheo s’envole et atterrit dans le Tavignanu. Les nuages ont changé de couleur, un bruit strident résonne dans nos oreilles.

Nous nous réveillons petit à petit dans les minutes qui ont suivi l’explosion. Nous avons du mal à respirer, des quantités astronomiques de Plutogaz°, un gaz nocif créé par l’homme en 2029, ont dû être rejetées dans l’air.

Yassine sort de sa cachette, croyant sûrement que tout est terminé. Mais à ce moment, sans crier gare, ce qui sont sûrement des restes de l’usine tombent du ciel comme des bombes. Yassine hurle d’un cri si aigu qu’on aurait pu le confondre avec un canard qu’on égorge, il est touché de plein fouet au bras par un débris métallique. Zacheo, qui baigne dans ce qu’il reste du Tavignanu, commence à tousser et à s’étouffer, paniqué.

  

« Sauvez-moi ! C’est pas comme ça que j’ai envie de mourir !, tousse Zacheo.

- Bouge pas, il doit y avoir des combinaisons dans les ruines, répond Mattéa.

- Je ne veux pas te brusquer, mais il est sur le point de mourir, crie Inès. Il y a des bonbonnes  d’oxygène de partout, je vais en chercher ! » Et elle s’en va.

 

Yassine, qui crie encore comme une mule unijambiste, agonise par terre, il perd un peu de sang, sa blessure paraît sans gravité.

 

« MATTEA, AIDE-MOI, JE SAIGNE , GROUILLE-TOI ! »

 

Mattéa qui semble agacée lui répond :

 

« Oh, épargne-moi tes hurlements, j’arrive. »

 

Mattéa inspecte méticuleusement la blessure de Yassine, qui a déjà commencé à faire un garrot avec son pull. Inès, de son côté, a trouvé une bonbonne d’oxygène et connecte le câble avec Zacheo qui reprend des couleurs. Dans la distance, des sirènes montées sur des Astro-Ambulances du SAMU (Société Aérienne Médecine Universelle) se font entendre, nous sommes sauvés.

 

***

 

Une semaine a passé depuis la catastrophe. Nous avons tous fait un séjour obligatoire à l’hôpital pour traiter nos blessures et enlever les toxines de notre corps. Yassine a un bras cassé, une côte cassée pour Mattéa, Zacheo a une dose trop élevée de PlutoGaz° dans le sang, au final c’est Inès qui s’en sort le mieux. Nous sommes restés une semaine en soins intensifs, on a bien pris soin de nous. L’hôpital est très bien entretenu depuis sa rénovation en 2034. Il n’y plus de personnel humain, ce sont des robots dernière génération qui prennent soin de nous.

 

Quelque chose a changé, nous le savons.

C’est un miracle que nous soyons en vie, on a appris que les gardes de l’entrepôt ont été tués sur le coup. C’est très étrange, car nous étions bien plus près de la zone d’explosion qu’eux.

 

Nous retournons à la buvette quelques jours après notre sortie de l’hôpital, Piotr est heureux de nous   revoir, nous aussi. Le toit de sa buvette a été soufflé par l’explosion. Il nous annonce :

 

« Je n’aurai jamais assez d’argent pour payer les réparations du toit, je vais devoir fermer boutique, les jeunes.

-  Piotr, faut pas dire ça, on va organiser une collecte de fonds, ça ira. Regarde, nous on a survécu à une explosion chimique, on s’est reconstruits, on va bien, lui répond Mattéa.

- Heureusement que vous aviez bu votre « Sirop de Mystère » avant... »

 

Nous nous regardons tous droit dans les yeux, surpris par la déclaration de Piotr.

 

« Ne faites pas les ignorants les jeunes. Ce n’est pas par miracle que vous avez survécu à cette explosion. Vous êtes spéciaux, vous le saurez en temps venu, mais il vous faudra assembler une meute. Des dangers planent sur notre ville et vous êtes les seuls à pouvoir faire quelque chose. Disons que le Sirop De Mystère portait bien son nom. Vous avez… des particularités. Allez, salut les jeunes, vous me remercierez plus tard. »

 

Piotr s’en va, dans une démarche si rapide que nous n’arrivons pas à le rattraper, nous avons évidemment mille questions à lui poser, mais il a disparu au coin de la rue.

Nous rentrons bredouilles, effarés par les déclarations de Piotr.  Nous nous donnons rendez-vous le lendemain à la buvette de Piotr. Nous avons décidé de parler de tous ces événements en sa compagnie, pour avoir des explications.

 

Nous arrivons en début d’après midi à la buvette. Du moins là où elle est supposée être, quand nous regardons en direction de celle-ci, nous nous apercevons qu’elle a disparu. Plus rien. Là où elle se trouvait il n’y a plus rien à part du béton au sol. Nous n’en croyons pas nos yeux. Ines, qui d’habitude est toujours d’humeur joyeuse commence à verser des larmes.

« J’en peux plus... D’abord l’explosion et maintenant ça… Pourquoi ça nous arrive à nous ?

- Ne t’en fais pas Ines. Ça va aller… On va retrouver Piotr… et on va éclaircir la situation avec lui, répond Zacheo.

- Mouais, il faudrait d’abord savoir ce qui est arrivé à sa buvette dans la nuit. Je veux dire, c’est irréel, une structure pareille ne peux pas disparaître en une nuit », réplique Mattéa.

 

L’idée nous vient alors de demander aux riverains s’ils ont vu quelque chose pendant la nuit, nous sonnons à la porte de la maison la plus proche de là où se trouvait la buvette. Une dame âgée nous ouvre la porte :

« Oui ? Que voulez vous les enfants ?

- Bonjour madame, nous sommes navrés de vous déranger mais nous voulions vous poser une question par rapport à la buvette qui se trouvait encore ici hier. »

 

Presque en coupant Mattéa, la dame répond :

« Quelle buvette ? De quoi parles-tu ?

- Je parle de la buvette qui se trouvait juste à côté de votre maison hier, vous n’allez pas me faire croire qu’elle n’a jamais été là ?

- Écoute ma petite, j’habite ici depuis 2005, et je peux t’assurer qu’il n’y jamais eu de buvette à côté de chez moi. Maintenant si c’est pour me parler sur ce ton, tu peux t’en aller. Au revoir. », ajoute-t-elle en claquant la porte au nez de Mattéa.

Après cette tentative ratée, nous montons au « Belvédère », point de vue panoramique dans la Haute-Ville, c’est un endroit calme où nous nous rendons parfois pour discuter tranquillement.

Mattéa commence à rouspéter, folle de rage :

« Cette vieille folle veut me faire croire qu’il n’y jamais eu de buvette et que je suis en train de rêver. J’en ai assez ! Il se passe des choses très louches dans cette ville, et je veux savoir pourquoi !

- Comme si nous, on savait, répond Yassine.

- C’est clair ! », ajoute Zacheo qui glisse brusquement et tombe du Belvédère. 

Ines crie. Tout le monde sait qu’une chute du Belvédère, c’est la mort assurée. Nous n’osons presque pas regarder en bas, Mattéa hurle le nom de Zacheo pour savoir s’il va bien. Aucune réponse. Nous imaginons le pire, Yassine s’avance pour regarder en bas, mais il est brusquement coupé par une voix :

« Pourquoi vous faites cette tête là ? Je vais bien », dit Zacheo qui flotte dans les airs.

 

Yassine, qui n’a toujours rien compris se met à hurler :

« C’EST LE FANTÔME DE ZACHEO, IL EST DE RETOUR DE PARMI LES MORTS ET IL EST VENU SE VENGER DE LA FOIS OÙ JE L’AI POUSSÉ DANS UNE BOUSE DE VACHE.

- Mais non, imbécile, répond Inès. C’est de ça que parlait Piotr... On a des pouvoirs, Zacheo… peut voler ?...

- Eh ben on dirait bien, réplique Zacheo. C’est stylé, non ? »

 

Yassine, qui s’est calmé regarde la scène ébahi et déclare :

« Vous allez me prendre pour un fou… Mais j’ai rêvé de ce moment hier. On était au belvédère… et Zacheo pouvait voler… »

Zacheo, qui flotte toujours au dessus de Yassine, lui dit :

« C’est ça ton pouvoir Yassine... Tu peux voir le futur. Ça c’est utile, au moins.

- Tu peux parler toi, ton pouvoir il est stylé, moi il consiste à dormir. Génial », dit-il sur un ton sarcastique.

- TAISEZ-VOUS TOUS LES DEUX ! hurle Mattéa, VOUS, VOUS SAVEZ QUEL EST VOTRE POUVOIR AU MOINS, ALORS ARRÊTEZ DE GEINDRE, C’ÉTAIT AMUSANT AU DÉBUT, MAIS MAINTENANT J’AI JUSTE ENVIE DE VOUS METTRE UNE GIFLE ! »

Zacheo et Yassine, terrifiés par Mattéa et son tempérament colérique se taisent et ne font plus un son.

« Grimpez sur mon AeroBike™, ordonne Inès, on va aller à la zone d’explosion, quelque chose me dit que c’est là qu’on trouvera les réponses à nos questions. »

Sans trop d’hésitation, nous montons à quatre sur l’AeroBike™. Sa vitesse de pointe étant plus de 200km/h, nous arrivons devant les ruines de l’usine en un rien de temps. Nous descendons du bolide et commençons à avancer vers la zone d’explosion. Ce n’est pas facile, pas facile de retourner sur le lieu d’un traumatisme seulement une semaine plus tard.

 

Yassine, qui lui n’est pas affecté, continue de glousser et de faire des blagues idiotes sur Inès, or nous connaissons tous le tempérament d’Inès, discret, mais mille fois pire que celui du Mattéa, qu’on pourrait comparer à un ange à côté. Inès, agacée décide de faire une petite tape sur la tête de Yassine. Mais en faisant cela, elle envoie le pauvre valser à plus de cent mètres. Yassine, qui est dans un piteux état quand nous partons à sa rencontre commence à hurler,

« NON MAIS ÇA VA PAS ARNOLD SCHWARZENEGGER ? TU M’AS FAIT SUPER MAL.

- Et voilà. Je suis la dernière qui doit encore trouver son pouvoir, rouspète Mattéa.

- Comment ça ?, demande Inès

- Eh bien c’est évident que ton pouvoir c’est la super force dont tu viens de nous faire une démonstration, magistrale d’ailleurs.

- Mais c’est géant, j’ai une super force !, crie de joie Inès.

- OUI MERCI J’AVAIS REMARQUÉ », hurle Yassine, toujours au sol.

 

Après cette nouvelle découverte, nous nous remettons en route vers les ruines de l’usine, nous revoyons ces lieux douloureux, où tout s’est joué si vite, nous demandons à Inès pourquoi elle nous a amenés ici.

 

« Bon, Inès pourquoi tu nous as amenés ici ? demande Zacheo. C’est qu’un tas de ruines et de débris métalliques.

- Eh bien, le jour de l’explosion, quand je suis allée chercher une bonbonne d’oxygène pour toi, j’ai remarqué un document qui flottait dans les airs avec la tête de Piotr dessus. Au début j’ai cru rêver, mais avec tout ce qui nous arrive en ce moment, ça ne m’étonnerai pas que ça soit vrai.

- Yassine ! dit Mattéa, ce n’est pas le moment de parler de ton envie de moules au roquefort, c’est sérieux, là ! »

 

Yassine, qui est tout aussi étonné que nous réplique :

 

« Mais.. je n’ai rien dit, Mattéa…

- TAIS-TOI ZACHEO, JE NE SUIS PAS INSTABLE! hurle Mattéa.

- Mais je l’ai pas dit, je l’ai juste pensé, se défend Zacheo. Ah, d’accord, je pense que Mattéa a trouvé son pouvoir. Hahahaha », pouffe-t-il.

- Non… désespère Mattéa. Ce n’est pas ça mon pouvoir quand même ?... Je ne vais pas être condamnée à lire vos pensées le restant de mes jours ? Pitié… non.

- Ne t’en fais pas Mattéa, je pense que c’est comme un jeu vidéo, tu peux l’éteindre et l’allumer quand tu veux ton pouvoir, moi je peux faire ça, dit Zacheo.

- J’espère sincèrement, sinon je vais craquer, répond Mattéa.

- Je disais donc, reprend Inès, il va falloir chercher ce document, il va peut être nous apporter des réponses.

- Vraiment ? dit Yassine. Tu veux nous faire chercher un bout de papier dans un tas de ruines grand comme un stade de foot ? C’est bien ça ?

- Je suis navrée Yassine, mais il le faut, allez, au boulot ! »

 

Nous nous mettons donc au travail, c’est éprouvant car à cause du réchauffement climatique, la température moyenne de Corte est aussi haute que celle du Caire, en Égypte. Plusieurs heures passent, mais nous tenons bon. En fin de journée, nous commençons à perdre espoir, quand tout à coup, Mattéa tient un document à la main et déclare :

« C’est bon je l’ai trouvé… »

 

Mattéa s’effondre en pleurs.

 

« Mattéa ? Ça va ? Il dit quoi, le document ? », demande Inès.

Mattéa tend le document à Inès, qui le lit et manque de s’évanouir.

 

« Inès ? demande Zacheo, il dit quoi le document ?

- … Tout ceci n’est que le début... Des choses terribles vont arriver... Il va falloir être forts, les amis. »

  

 

FIN ?

 

 

 

 

 

Corte au temps des hordes

En attendant le second tome du roman d’Anouk Langaney qui arrivera bientôt (Le Temps des hordes – Soupçons), les élèves de troisième du Collège Pasquale Paoli de Corte se sont mis au travail. Ils ont imaginé, chacun de leur côté ou en petits groupes, leur propre suite en répondant à ces questions : « À quoi ressemblera ton lieu de vie en 2036… quelle catastrophe pourrait s’y produire ? Comment t’en sortir (avec le super-pouvoir de ton choix !?). À toi d’écrire ». 

22 nouvelles ont été écrites dans le cadre du projet littéraire Corte au temps des hordes, dont celle-ci, par des élèves de la 3e Jaune.

Avec la complicité de Stéphanie Fede Vincensini et d’Anouk Langaney.

Pour lire les autres textes c’est ICI

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