- Le Nouveau Décaméron
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Jean-Pierre Santini, l’écrivain-éditeur est emprisonné depuis le 10 octobre sous le régime de la détention « préventive ». Contre l’arbitraire et pour servir de chambre d’écho à l’émotion partagée par de très nombreux auteurs de Corse ou d’ailleurs, Le Nouveau Décaméron ouvre ses colonnes.
Résidence d’artiste
À l’âge canonique de 77 ans, Andria Costa a déjà accumulé plus de trente ouvrages dans sa bibliographie foisonnante. Aujourd’hui, il est entré par la grande porte dans le sérail et la résidence d’artiste d’un grand éditeur de la rive gauche. Et ce n’est, dit-on, que justice…
Bien qu’Andria Costa soit encore en train de l’écrire sous son nouveau statut de Résident, son livre figure déjà au catalogue, et en très bonne place, parmi les ouvrages à paraitre. Retenons dès à présent le titre : Mica nommi. Ces deux mots, à eux seuls, valent promesse d’un texte aussi éblouissant et intemporel que ceux des œuvres de sagesse écrites sur le tard par les plus grands prosateurs de la littérature mondiale. Ne négligeons pas le sous-titre : Détention préventive. C’est un clin d’œil malicieux, et Andria Costa l’adresse à tous ceux qui ont contribué à lui ouvrir les portes d’une si prestigieuse et prodigieuse résidence d’artiste.
À notre connaissance, Fresnes est en effet la seule résidence où l’écrivain est admis sans crier gare – à sa grande surprise en étant appelé « prévenu » –, sans qu’il soit dit à quelle date elle prend fin, ni précisées les raisons de sa sélection, ni même spécifié ce qu’il se doit de livrer en retour. N’étant ainsi ni bridé par une échéance, ni guidé par une argumentation, ni tenu à accomplir une tâche, l’homme de lettres ne peut que pleinement apprécier tout autant la liberté absolue dont on le gratifie que la confiance totale dont on l’honore. Sans parler des cris de joie qui accompagneront sa sortie, car s’élèvent déjà des chants d’allégresse à le savoir alerte et la plume à la main.
En ces lieux de prodige, Andria Costa bénéficie d’une présomption d’éloquence totale et indivisible. Fondée sur ses œuvres antérieures, elle s’étend désormais à toutes les pages blanches de ses innombrables carnets. Cette présomption lui est ici non seulement reconnue, mais en outre servie sous les espèces d’un confort d’écriture, certes modeste mais infiniment plus précieux que tous les à-valoir versés d’avance aux auteurs de renom, contre cession d’un droit d’usage portant sur un manuscrit achevé, ou sur le cahier des charges d’un produit rédactionnel nécessitant une signature valide sur le segment de marché visé. Ici, foin de ces tractations mercantiles. Il est affirmé, très au-dessus d’elles toutes, combien les écrivains d’exception méritent bien davantage qu’un bon coup de pouce assorti d’un beau coup de cœur. Ils méritent d’être fortifiés et exaltés par un véritable acte de foi, un enthousiasme débordant, un soutien inconditionnel, une ivresse radicale, un vertige accompli… Nul doute que c’est dans cet éther-là qu’Andria Costa baigne aujourd’hui.
Ah ! Soyez donc bénis de tous les dieux et loués de toutes les muses, vous-mêmes, vos règlements et toutes vos procédures ! Car, du cocon qu’autour d’Andria Costa vous avez tissé de vos belles ficelles, s’apprête à sortir le papillon chamarré qui nous éblouira tous !
Xavier Casanova, 8/11/20
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