- Decameron Libero
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Chantal Sintenac Paoli, pour Pâques, se souvient de son enfance et des vacances au village.
VACANCES DE PÂQUES AU VILLAGE
Mon enfance... ma jeunesse... intimement liées à mon amour pour mon village, berceau de mon éducation.
À cette époque-là, le village était occupé par des familles nombreuses, toutes les portes étaient ouvertes et personne ne songeait à les fermer à clé. Heureuse époque faite de confiance et d'entraide entre villageois.
Les vacances au village… et en particulier les vacances de Pâques ! Pourquoi Pâques ? Sans doute parce que ces très lointains souvenirs sont restés gravés dans ma mémoire.
Période de l'année propice à l'éveil de la nature, nous nous retrouvions, nous les enfants qui attendions ces vacances avec délectation, impatience et une joie immense. À nous la liberté, à nous les jeux, à nous les escapades dans le maquis.
Nos journées étaient aussi rythmées par quelques corvées dictées par les adultes : Pas d'eau courante dans les maisons. Nous devions aller à la fontaine remplir des brocs et des cruches pour tous les besoins de la vie quotidienne.
Pas de tout-à-l'égout non plus. Les besoins pressants, nous devions les satisfaire dans la nature. Lorsque cela nous arrivait la nuit, nous disposions de pots de chambre et de seaux hygiéniques. Mais quelle corvée le lendemain pour les adultes qui devaient aller vider les seaux près d'un ruisseau ! Je passe sur les sympathiques odeurs qui flottaient dans l'air... !!
La vie était principalement centrée sur les devoirs de la religion. Nous nous devions d'aller à la messe qui était célébrée chaque dimanche matin, et nous confesser pour effacer tous nos péchés. Les chants s'élevaient avec ferveur et puissance dans l'église où les fidèles se pressaient pour avoir les meilleures places. Les hommes d'un côté et les femmes et les enfants de l'autre.
Donc, pour Pâques, dans la journée du vendredi saint, nous participions avec sérieux et application à la mise en place du Saint-Sépulcre sous la houlette des adultes. Ce Sépulcre était notre représentation de la passion du Christ et de sa mort. Il était installé à l'intérieur de l'un des autels où se trouvent les statues des Saints qui étaient recouvertes de draps violets en signe de deuil. Des tentures de couleur rouge étaient tendues de chaque côté de l'autel choisi. Le crucifix était posé horizontalement et recouvert d'un linge sombre pour symboliser la mort du Christ et attendre sa résurrection.
En fin d'après-midi du vendredi Saint, les cloches ne devant pas sonner, nous les enfants, nous parcourions le village avec le ratachjone (grosse crécelle) pour appeler les fidèles à la prière et aux chants dans l'église autour du Saint Sépulcre.
Nous faisions aussi le chemin de croix, nous traînant à genoux en priant devant chaque station représentée par une icône.
La nuit du vendredi au samedi était consacrée à la dévotion. Installés sur des chaises devant le Saint Sépulcre, nous alternions prières et cantiques tout au long de la nuit dont le Perdono Mio Diu particulier à la Corse.
Le lendemain samedi était un jour d'attente… Les cloches restaient muettes. Christ était mort !
Le dimanche matin jour de la résurrection du Christ, de très bonne heure et avant la messe, préparation de la pâte pour confectionner les cacavelli, gâteaux traditionnels des fêtes de Pâques. Ils sont façonnés en forme de couronne avec un œuf (avec sa coquille) incrusté dans la pâte. Ensuite on procédait à la cuisson dans les fours à bois du village qui étaient mis en chauffe préalablement.
Que nous étions beaux pour aller à la messe les filles avec de jolies robes confectionnées pour l'occasion et les garçons en pantalons courts et chemises blanches. À la sortie de la messe, qui était célébrée sous le son des cloches que deux hommes du village faisaient sonner à toute volée, chaque famille recevait les cacavelli sortis tout chauds des fours.
Chez tout un chacun, le repas de midi rassemblait toute la famille. Ce repas était composé du traditionnel cabri en sauce accompagné de pommes de terre ou de pâtes. Fromage et dessert, flan aux œufs ou œufs à la neige, accompagné d’un morceau de cacavellu. Un repas de roi...
En fin d'après-midi, la fête continuait chez Etienne qui tenait le bar du village jusqu'à l'aube. Danses et pastis-glaçons dans une ambiance chaleureuse, amicale et survoltée.
Voilà un récit d'un temps révolu que tous les enfants devraient connaître pour mieux appréhender la vie de leurs ancêtres au village. C'est un devoir de mémoire à transmettre de génération en génération.
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