Michel Bouchy - Mon musée

 

De l’Everest à la salle Pleyel, les souvenirs croisent la route des rêves inassouvis. Une visite-éclair de son musée imaginaire, par Michel Bouchy

 

  

Mon musée

  

Un musée de l’imaginaire ? Pour quoi faire ? Conserver ou  exposer des objets ou des images de sensations vécues dans le passé ? Se remémorer des scènes de bonheur que l’on voudrait immortaliser ? Vivre dans le plus que parfait ? Tout cela me pèse et érode mon dynamisme. 

Un musée de l’imaginaire ? Exposition de scènes créées à partir d’images mises en mémoire ? L’aventure me tente.

Une salle de projection confortable, intime, prête aux confidences…

Des vidéos courtes relatant des moments imaginés…

Voici déjà deux semaines que vivons entre six mille et huit mille cinq cents mètres d’altitude, accoutumance oblige. Aujourd’hui c’est le grand jour, l’assaut final ! Patrick, le chef d’expédition suisse, et le sherpa Lua me font la trace, l’épuisement est total, le cœur tape comme une grosse caisse, les poumons sont en feu, la tête résonne, j’ai envie de vomir, chaque pas est un cri de douleur, je vomis, plus que dix mètres, je m’envole, je ris, je pleure, je vomis encore, je respire l’oxygène, je plane, je ne sais plus qui je suis, Patrick et Lua m’enveloppent du drapeau suisse… je suis sur le toit du monde !

Deux minutes, tout est en ordre, le rideau est fermé, la chaise est réglée à la bonne hauteur, le repose-pied est à sa place, la maquilleuse et l’habilleuse m’ont déguisé en artiste, je vérifie machinalement l’état de mes ongles.

Une minute, le cœur s’accélère, ses battements résonnent dans les tempes, je transpire, je serre ma vieille complice par la taille, j’avance derrière le rideau, la salle Pleyel est remplie, le rideau s’ouvre…

Applaudissements, je me concentre, Concerto d’Aranjuez de Joaquin Rodrigo.

Ah t’aurais dû y aller, elle n’attendait que ça ! Et pourtant je n’ai pas fait  le pas. Je suis resté collé au comptoir en me demandant pourquoi ? Mes copains m’ont pris par le bras, j’ai résisté, ils n’ont pas insisté. Elle a pris son temps pour partir, j’ai pris le mien pour l’ignorer. La peur me nouait l’intestin, mon cœur me disait « c’est ton destin ». Je passe ma vie à l’oublier, ah t’aurais dû y aller !

Ces moments de bonheur qu’on a imaginé repassent à toute heure, de la nuit, de la journée. Sont-ils des rêves ou des réalités, ils sont d’imaginaires récits de mon musée.

 

 

Ce texte fait partie du compagnonnage mis en place entre Le Nouveau Décaméron 2022 et l’atelier d’écriture Racines de Ciel, animé par l’écrivaine Isabelle Miller, dans le cadre des activités littéraires du festival Racines de Ciel

Le thème choisi cette année était « Le musée imaginaire » articulé autour de plusieurs propositions successives.

La quatrième proposition à laquelle le présent texte souscrit était : 

« La cour du Palais Fesch, vue par un homme heureux puis par une femme malheureuse. »  

    

 

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