Pierre Lieutaud - On a volé la lune

 

Un conte moderne, utopique et facétieux de Pierre Lieutaud

 

   

On a volé la lune

  

Petit matin d’hiver, quelques bancs de brume alourdis de gelée se faufilent sur la terre endormie, la lune traîne au fond du ciel. Le jour se lève sur le parc du château de Chambord…

Monsieur Adolphe Méliès, président de la République, son invité, le président de la République turque, Soliman Pacha, le personnel en tenue et les meutes de chiens en laisse, semblent des santons éparpillés au bord d’une clairière..

Morne plaine, pense Adolphe Méliès, qui a horreur des chasses présidentielles… Une tradition diplomatique d’un autre temps.

« Tout va bien ? », dit-il au président turc en regardant l’interprète déguisé en chasseur pour la circonstance.

« Tout va bien », lui répond l’interprète comme en écho après un petit aparté incompréhensible avec l’hôte présidentiel…

« Alors, nous pouvons commencer ».

Il lève la main, un orchestre de cors de chasse pousse une longue complainte… Un peu martiale, un peu tragique, un peu mélancolique aussi, se dit le président.

Un garde-chasse s’avance vers lui. Il porte comme le saint sacrement un fusil aux formes inhabituelles, un seul canon, très long, une crosse renflée, incrustée de petites pièces de métal arrondies, une lunette de visée.

« Monsieur le président, j’ai l’honneur de vous présenter le dernier né des fusils de chasse français… »

Encore une nouvelle arme, on n’en finira donc jamais… pense le président, il faut pourtant montrer que je suis fier de la technologie française… Il fait un grand sourire en regardant son invité. Son invité en fait de même…  Le garde-chasse continue :

« …Une arme qui fait honneur à notre technologie. Doté d’un canon à l’âme en acier chromé comportant sur toute sa longueur un dispositif d’accélération des particules, ce fusil utilise des balles faites d’un alliage de carbone moulé avec de l’uranium appauvri qui ressemblent à des fusées avec des ailettes libérées à la sortie du canon et une pointe effilée coiffée d’un détonateur invisible à l’œil nu… Une petite merveille, monsieur le président. L’accélérateur de particules permet de choisir la portée de l’arme. Voyez, la petite molette juste devant la gâchette, regardez dans la lunette de visée, si vous la faites tourner la distance s’affiche…. de quelques mètres à l’infini… L’infini parce que nous n ‘avons pas encore pu déterminer la portée maximale… J’en finirai, monsieur le Président en vous disant que l’explosif utilisé est très particulier, une découverte française, encore… Vous pouvez là-aussi régler la puissance… La petite molette derrière la gâchette, vous choisissez de 1 à 10… le chiffre s’affiche dans le réticule de la lunette en haut à gauche. »

Les chasses présidentielles étaient pour le président une obligation désagréable. Il n’y voyait aucun intérêt, il n’éprouvait aucun plaisir à tuer des faisans ou des chevreuils. Il aurait tout donné pour que ce type à côté de lui se taise, s’en aille…

Et le type poursuivait son discours :

« Faites-nous l’honneur, monsieur le Président, d’utiliser cette arme… »

L’assistance avait les yeux fixés sur lui. Prendra, prendra pas, semblaient-ils se dire… Alors, il prit le fusil.

Derrière lui, il entendait les cris des gardes-chasse qui lançaient les faisans. Un vol lui passa au-dessus, pressé de gagner l’abri de la forêt toute proche. Il devait tirer. Il tourna les molettes sur puissance maximum et infini, il visa la lune et il fit feu… Quelqu’un, dissimulé dans le bosquet, avait tiré en même temps que lui et un faisan ébouriffé s’était abattu à ses pieds. Le corps diplomatique tout entier, les hauts fonctionnaires, les veneurs, les cors de chasse et les garde-forestiers applaudirent à l’unisson. "Les crétins", pensa le Président.

Lui, pour épargner les pauvres volatiles, avait visé la boule cendrée de la lune… La lueur d’un orage lointain trembla au fond du ciel. "Le jour qui se lève", pensa-t-il…

 

Observatoire de Meudon, le lendemain, 21 heures

 

Le technicien de garde lisait son journal au pied du télescope. Une loupiote rouge clignotait sur le tableau de contrôle. Encore un faux contact… Toujours pas de crédit pour moderniser cette vieille installation, jusqu'à quand l’observatoire gardera-t-il son agrément international ? Il tapota sur la vitre du petit tableau. Rien. Probablement une fausse alarme, ou bien une panne dans le système de poursuite des corps célestes ?… ça ne changera rien au monde qui va. Qu’est-ce que fais, je reprends mon journal et j’attends, ou bien j’appelle le directeur ? Je tire au sort ? Non, j’appelle le directeur…

« Je vous prie de m’excuser pour le dérangement que je vous occasionne, monsieur le directeur, mais j’ai cru bon de vous avertir qu’une alarme reste allumée sur le tableau de contrôle, même si je tapote dessus. Alors, je voudrais avoir votre avis… »

Des incapables. Incapables de chercher les causes, d’appliquer les procédures..

« C’est l’alarme de quoi ? Lisez ce qui écrit au-dessous de la lampe allumée !

- Alarme lune, monsieur le directeur, c’est vrai, j’aurai pu le lire ; mais même si j’avais lu, j’aurais fait quoi, après ? »

Un délégué syndical, je dois rester calme, comprendre, expliquer…

« Vous auriez peut-être pu regarder le ciel au télescope, regarder simplement, sans toucher à rien… D’ailleurs je vous demande de jeter un coup d’œil, s’il vous plait… »

Dans le ciel sombre qui défilait lentement dans l’oculaire passaient quelques étoiles et c’était tout. Pas de lune.

 

Intervention télévisée du président de la République

« Chers concitoyens, si je suis avec vous ce soir, c’est pour vous informer d’une nouvelle importante, vérifiée et confirmée par nos experts. Une nouvelle dont nous ignorons la portée. Hier, la lune a brusquement disparu du ciel. Au début, nous avions pensé à un dysfonctionnement de nos télescopes, mais tous les télescopes du monde ont constaté la même chose. Alors, d’un commun accord, nous avons décidé d’attendre le lendemain. Se lèverait-elle après cette escapade incompréhensible ou ce dysfonctionnement lui-aussi incompréhensible des télescopes ? Eh ! bien, elle ne s’est pas levée… S'agit-il d’un incident de la révolution de cet astre autour de la terre, un espèce de blocage transitoire. En réalité, elle semble avoir quitté l’orbite de la terre et nous ne savons pas pourquoi… Mes chers concitoyens, j’ose le dire, on nous a volé la lune et à l’heure qu’il est, nous en étudions toutes les conséquences. L’axe de rotation de la terre, par exemple, ne devrait pas varier, ou si peu, dans l’immédiat. Ce qui veut dire que les saisons resteront les saisons, la longueur des jours ne variera pas ou peu, pas de cataclysmes, de tempêtes d’équinoxe… Alors, vous direz-vous, pourquoi le président prend la parole… Par honnêteté, mes chers concitoyens, par simple honnêteté, pour vous montrer que je veille… À ce propos, les nuits à venir seront plus sombres, c’est dans la logique des choses ("et les jours aussi", pensa-t-il), nous devrons donc renforcer les éclairages publics… D’après ce que j’en sais aussi, les marées vont disparaître… Je vous tiendrai au courant de l’évolution de la situation et des mesures que nous serons amenés à prendre, vive la France… »

La Marseillaise retentit et le silence aussi profond que le noir de la nuit tomba devant tous les écrans.

 

Le monde sans lune

Il fallait bien s’y résoudre, la lumière douce de l’astre cendré ne revenait plus quand tombait la nuit. Qui restait d’un noir d’encre comme l’avait annoncé le président. Bien sûr, les étoiles brillaient un peu plus fort, mais la lune était irremplaçable et pas remplacée… S’il n’y avait eu que l’obscurité, les choses auraient pu s’arranger. On avait forcé l’éclairage public, la terre s’entourait maintenant d’un halo de lumière qui repoussait au loin l’obscurité nouvelle. Un espèce de jour éternel dans tous les coins du monde. Mais dans cette ambiance de fête foraine, d’autres conséquences du départ de la lune apparaissaient tous les jours.

Les mers et les océans ne bougeaient plus, il n’y avait plus de marées. Ou plutôt, plus de marées basses. Les ports en eau profonde devenaient inutiles, les écluses monumentales restaient ouvertes comme des huîtres agonisantes, les couteaux, les bigorneaux, les coques et les crevettes se la coulaient douce au fond de l’eau… Les affleurements de récifs dans les passes et les estuaires avaient disparus…

Les humains atteints de cyclothymie, et ils étaient le tiers de la population, avaient changé. Leur vision de la vie devenait claire et stable, ils étaient tristes ou joyeux suivant les événements malheureux ou jubilatoires qu’ils avaient sous les yeux. Un point, c’est tout… Un monde harmonieux, où rien ne pouvait modifier la perception des choses... Mais un monde monotone. Plus d’envolées lyriques, plus de poésies attendrissantes ou émouvantes dont on se demandait auparavant d’où venait l’inspiration…

Tout cela pourtant n’était que broutilles à côté du reste : l’ovulation des femmes avait cessé. Bloquée par le départ de la lune. Comme une contraception venue du ciel. L’instinct de séduction qui allait avec s’éteignait peu à peu. Les parades nuptiales qui régnaient sur la terre et avaient fait la fortune des parfumeurs, coiffeurs, couturiers, bijoutiers, esthéticiens de toutes sortes disparaissaient, les femmes semblaient de simples femmes des bois, humbles servantes ou femmes de chambre des temps anciens, indifférentes au charroi des hommes aux yeux éteints et aux gestes lents qui passaient sur les chemins. On ne vendait plus aucun disque ou autre support rythmique musical, le rythme avait disparu et avec lui l’envie de danser, de plaire, de rire…

Dans le règne animal, on fit la même constatation. Les mâles ignoraient les femelles et l’instinct sexuel s’éteignait là aussi. Le brame du cerf ne retentissait plus au fond des forêts, les lions s’en allaient boire sans penser à rien, plus de hurlements de loup, les bêtes à poil semblaient des tapis usés, les volatiles des plumeaux qui avaient fait leur temps, plus de pennes chatoyantes plus d’aigrettes, la gente volatile avait l’uniformité d’une assemblée de vieux corbeaux. Et les portées animales nées du temps de la lune risquaient d’être la dernière génération sur la terre… À terme, déclarèrent les chercheurs, la vie sur terre va disparaître si nous ne faisons rien. Les ingénieurs agronomes firent sur les arbres un constat similaire : la sève restait dans les racines, les feuilles se fripaient, se ratatinaient, séchaient, tombaient avec les fruits…

Le président avait rassuré le peuple sur la persistance des jours et des saisons, sur l’axe de rotation de la terre qui ne changerait pas, sur l’absence de cataclysmes, de tempêtes. Mais il avait ajouté : dans l’immédiat, parce que le professeur Andromaque Gilorminov, spécialiste d’astronomie comparée de renommée mondiale, lui avait brossé un tableau inquiétant de l’avenir du monde…

Et cet avenir arrivait plus vite que prévu. L’axe de rotation de la terre sembla frémir, comme s’il hésitait, s’il attendait le retour de la lune, et puis la terre chercha une position nouvelle dans son ballet autour du soleil… Une position en équilibre avec les corps célestes du système solaire. Son axe bascula de 2 degrés… Deux degrés, me direz-vous, ce n’est pas grand-chose, presque rien… Et pourtant, la panique s’abattit sur les antipodes. Pour les Inuit, c’était la fin du monde. La calotte glaciaire fondait sous leurs pieds comme un gelati au soleil, emportant dans l’océan le peu de terre au-dessous et les lichens avec, les rennes se traînaient sans traîneaux sur les vallonnements caillouteux, les élans n’avaient plus de tonus, les chamanes aux yeux écarquillés psalmodiaient sans s’arrêter jamais des sons incompréhensibles…

Et pendant ce temps, les forêts équatoriales s’étiolaient comme une immense défoliation, découvrant les hordes d’animaux sauvages déboussolés : les grands gorilles s’en allaient vers ils ne savaient où, guidés par un instinct dévoyé par le basculement de la terre, les pachydermes barrissaient vers la lune qui avait disparue, les troupeaux d’antilopes tournaient en rond, les rayures des zèbres s’incurvaient, les girafes s’agenouillaient comme pour prier, les serpents à sonnettes sonnaient des tocsins à n’en plus finir, les hippopotames ne mettaient plus la tête dehors, les grandes fourmilières s’effondraient comme des jeux de cartes… Les tamtams résonnaient un peu partout, parlant d’un monde incompréhensible, de dieux qui s’en seraient allés, vers où personne ne le savait, mais en abandonnant les hommes et les bêtes… Alors, ils accéléraient leur cadence, histoire de faire quelque chose ou de faire revenir quelqu’un… Ou la lune…

Dans les zones tempérées du monde, là où vivaient les nantis, les nourris, les riches de la terre, le climat changea aussi. Des tempêtes inconnues succédaient à des cataclysmes inconcevables. Il n’y avait plus les douces marées qui rythmaient la vie des côtes et des estuaires, mais des raz-de-marée sans calendrier aucun venus des pôles où fondaient les glaces…

Des mascarets venus de l’horizon des mers remontaient tous les fleuves presque jusqu’à leurs sources. Le mont Gerbier des joncs et le cirque de Gavarnie baignaient chacun dans un étang saumâtre, au fond du lit des affluents de montagne les blocs de granit roulaient comme des jeux d’osselet, les pêcheurs à la ligne ramenaient au bout des hameçons des poissons tropicaux, les garde-forestiers signalaient la présence de tortues de mer sous les auvents rocheux, le flanc des vallées perdues où personne n’allait jamais se retrouvait tapissé d’algues marines, d’étoiles de mer et de lambeaux de filets de pêche. On retrouvait même, par-ci par-là, les corps en décomposition de migrants illégaux…

Le plus étonnant fut la vision qu’eurent un matin des vignerons de la vallée du Rhône: un sous-marin nucléaire était posé au milieu des vignes et son commandant, en grand uniforme, allait et venait sur la coque luisant au soleil levant… Il appelait l’amiral avec son téléphone portable en faisant de grands gestes vers le sud lointain où était la mer. Devait-il envoyer ou non ses fusées, et vers quelle cible ? « Qu’on me le dise une fois pour toutes, hurlait-il. Et qu’on en finisse avec ce carnaval... »

 

Remplacer la lune

 

Que faire pour que la lune retrouve sa place ? Ou pour la remplacer si on ne la trouvait plus ? Et par quoi ?

D’abord, chercher la lune, déclara l’assemblée réunie à son sujet. Mais où ? Un astre si gros ne disparaît pas comme une fugace comète, et s’il est ailleurs sa présence doit avoir des conséquences sur le ballet du ciel.

Les mathématiciens les plus éminents furent invités à faire tous les calculs qui leur viendraient à l’esprit. Ils finiraient bien par trouver une équation nouvelle qui déterminerait l’emplacement de cet astre en cavale… On demanda aux astronomes de fouiller le cosmos jusqu’au voisinage de la voie lactée et d’y étudier toutes les corrélations et interactions des corps célestes… Ils détecteraient peut-être un changement, même infime dans leurs trajectoires qui indiqueraient la route qu’elle aurait pris…

Rien n’y fit. Non seulement la lune avait disparu, mais on n’en retrouvait aucun morceau, aucun débris dans l’univers visible. Elle s’était comme pulvérisée. Ou bien elle avait changé d’espace-temps et les théories des mondes parallèles, en cascade, en poupées russe refaisaient surface. Existerait-il un autre monde où la lune tournerait autour de la terre, comme toujours ?

Les radiotélescopes en orbite, ceux alignés comme des champs de poireaux sur les sommets du Chili et tous les autres répartis sur la terre reçurent pour mission d’écouter le bruissement du monde lointain, de rechercher des vibrations d’ondes électromagnétiques nouvelles, de fouiller les longueurs d’onde dans tous les sens…. 

« Vous traiterez ce fatras avec des logiciels que vous concevrez dans l‘urgence absolue, vous aurez des moyens sans limites. Qu’il sorte de vos reconstructions de l’univers des musiques, des couleurs ou nous ne savons quoi (sans le savoir, ils venait d’expliquer d’où venait et où allait ce qu’ils appelaient l’infini), peu importe, défrichez-nous l’univers, ne reculez devant aucun de vos délires (et là aussi il ne savait pas qu’il traçait la voie des découvertes à venir), mais nom de Dieu  il désignait le coupable de tout, le facteur bloquant de la compréhension de l’infini, que ses adeptes nommaient l’au-delà), retrouvez-nous la lune !! (il eut envie d’ajouter par pitié, mais il y renonça, le moral des populations et des chercheurs risquait d’osciller et de sombrer comme la lune, un humour déplacé lui venait de façon involontaire chaque fois qu’un stress trop grand lui tombait dessus) »

 

Station spatiale internationale, en orbite à 852 kilomètres autour de la terre

 

« Commandant, murmura l’ingénieur russe, quelque chose ne va pas, un truc incompréhensible.

- Ah bon ! dit en baillant le commandant Bill Vesay, et c’est quoi ? »

Il n’était pas de quart, il somnolait. Pour tout dire, Yvan l’emmerdait…

« Pendant que vous dormiez, une trajectoire lumineuse est partie de la terre vers la lune…

- Et alors ? Des débris quelconques de satellites désaffectés qui tombent sur les basses couches de l’atmosphère, s’enflamment et rebondissent… C’est ça, rebondissent…

- Oui, commandant mais la lune a disparue. Nous avons eu l’impression de rouler sur des cailloux pendant quelques secondes et puis plus rien… Enfin, pas exactement, nous sommes depuis dans l’obscurité et j’ai allumé les projecteurs pour rassurer l’équipage….

- Mais il y a les étoiles… Et puis dès que nous passerons de l’autre côté de la terre, le soleil nous éclairera….

- Juste après, commandant, j’ai reçu un message du sol, un drôle de message, comme une farce. »

"Quel emmerdeur, vraiment, pensa encore Bill, pas d’humour, ce Russe…"

« Il dit quoi votre message ?

- Il dit : priorité absolue, arrêtez immédiatement les expériences en cours, ordre de rechercher la lune dans l’intégralité du ciel. Explication : elle est devenue brusquement invisible de la terre, quelques soient les télescopes utilisés. Ce phénomène inexplicable est en principe inconcevable, impossible… »

 

Manufactures des armes et cycles, Saint Etienne, France,

 

« Ce fusil serait donc le responsable ?

- Je le crois, monsieur le Président. Nous avons vérifié sa portée, c’est phénoménal, nous avons pu atteindre la planète mars. Dieu merci, nous avions pris la précaution d’utiliser une puissance réduite, mais malgré cela l’impact sur le sol a formé un nouveau cratère…

- Ahurissant, proprement fantastique ; il ne faut plus utiliser cette arme, vous la déchargerez immédiatement et vous mettrez toutes les munitions à l’abri. Dites-moi, c’est donc l’accélérateur de particules qui lui donne cette portée ?

- Nous pensons que oui…

- Il faut absolument taire tout cela, sinon nous aurons le monde entier sur le dos pour s’emparer de ce fusil.

- Comment va-t-on expliquer l’absence de la lune ?

- Une occultation passagère des télescopes et des gens…

- Et due à quoi ?

- Mystère… Ne me regardez pas comme ça, il y en a déjà eu des mystères : des résurrections, des réincarnations, des apparitions, que sais-je encore….

- Et alors ?

- Et alors, il faudra vivre sans lune… »

 

 

Intervention télévisée du président de la République

 

 

« Mes chers concitoyens, treize mois se sont écoulés depuis ma dernière intervention. Treize mois au cours desquels tous les moyens dont dispose l’humanité ont été mis en œuvre pour rechercher la lune, comprendre ce qu’il s’est passé dans le ciel. Il faut l’admettre aujourd’hui, la lune a disparu, la lune ne reviendra pas… Et nous ne pouvons expliquer pourquoi… Quoi qu’il en soit, il faut faire avec et c’est ce que nous avons fait… Toutes les anomalies constatées sur les mers, les terres, les animaux, les hommes, le climat ont été analysées et des remèdes ont été apportés… Les calottes glaciaires ont pratiquement disparu. Il reste au pôle sud quelques morceaux de banquise où nous avons transportés les Inuit du pôle nord. Bien sûr, ils rêvaient d’autre chose, mais que voulez-vous, ils s’y feront… La conséquence de cette fonte, c’est le niveau des mers qui est monté de deux mètres. Je peux vous dire aujourd’hui qu’il en restera là. Les contours du monde ont changé : les pays riches ont pu dresser des digues et rejeter à la mer la mer qui avait pénétré chez eux, l’occident est devenu un immense polder, aux côtes dentelées de digues qui ma foi ont un aspect poétique, les pays pauvres ou trop plat ont pour la plupart vu leur surface se réduire dans de grandes proportions. Certains pays ont disparu, ils sont les Atlantides de demain. Pour les autres, la population a pu être évacuée sur les parties émergées de leur territoire, mais vous comprenez que se pose un problème de surpopulation et de nourriture, les terres cultivables ne suffisent plus. Ce que je vous vais vous dire est difficile à formuler : des millions de gens meurent ou vont mourir… Que faire ? Prier… Donc la population de la terre va s’habituer à son nouvel habitat. Et la démographie, direz-vous ? Que faire pour limiter les naissances ? Eh ! bien, c’est fait, les femmes n’ovulent plus, les bêtes n’ont plus de chaleurs… Malheureusement le règne végétal fait pareil et nous risquons de mourir de faim, plus de lait, plus de viande, plus de pain… Mais n’ayez crainte, mes chers concitoyens toutes les réponses à ces questions fondamentales ont été apportées. Un facteur de croissance produit en grande quantité a été déposé au pied des arbres dont nous avons besoin, nous l'avons pulvérisé sur leurs feuillages, les grains de blé, de mil, de sorgho et de riz baignent dedans. Ainsi les productions suffisent. La désalinisation des terres se poursuit, des centrales de désalinisation de l’eau de mer tournent à plein régime partout dans le monde… L’eau ne manque pas… Et pour ce qui est de la démographie, le problème du renouvellement des populations humaines et animales aussi a été résolu : au lieu de la pilule contraceptive des temps passés, une pilule conceptive est en vente, permettant aux femmes des grossesse désirées, un dérivé de ce produit est utilisé pour les animaux….Nous remplaçons la lune, mes chers concitoyens… Que vous dire d’autre ? Nous vivons un nouveau monde que nous n’avons pas voulu, mais le génie de l’homme nous permet de le faire… Vive la République, vive la France… »

 

Du haut de la Tour Eiffel où il aimait aller, le Président Méliès regardait le paysage qui s’étendait à ses pieds. Paris restait Paris… Par précaution, il avait fait relever d’un mètre les berges de la Seine et une immense balustrade longeait le fleuve. Il en était sûr, depuis la construction de la muraille de Chine, l’homme n’avait plus érigé pareil monument. Il trouvait à cet alignement de milliers de balustres de pierre un côté élégant, raffiné, harmonieux… La balustrade Méliès, voilà comment on appellerait plus tard cette œuvre d’art intemporelle. Au loin, à perte de vue autour de la ville, sur les immenses lacs de décharge qu’il avait fait creuser pour recueillir l’eau qui n’arrivait plus à la mer, glissaient des voiliers, comme de grands oiseaux……. 

  

 

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