Paule Tomi - Napoléon et moi

    

La mémoire de Paule Tomi vagabonde place du Casone sur les traces de l’enfant joyeuse qu’elle fut.

  

  

Napoléon et moi

 

Napoléon fait inévitablement partie de mes souvenirs d’enfance d’Ajaccienne. Ce sont quatre syllabes qui résonnent comme un battement de tambour, battant le rappel des réminiscences. 

Me revient l’image ancienne d’un gros livre à la couverture de carton que l’on m’avait donné, après qu’il soit passé entre les mains de cousins plus grands. Sans doute rebutée par l’épaisseur et le style du livre, peu adapté à mon jeune âge, il ne me semble pas avoir lu au-delà du titre : Les batailles de Napoléon, mais de l’avoir plutôt contemplé comme un objet.

Plus tard, à la fin de l’école primaire, une institutrice fraichement nommée en Corse, s’était mise en tête de nous impliquer dans les enseignements d’histoire et de géographie, en partant de notre environnement local. Napoléon a donc fait partie du programme. Je me souviens notamment de cette anecdote qu’elle nous avait racontée, autour de la statue qui surplombe la place du Casone. Elle nous expliquait que cet emplacement n’avait pas été choisi par hasard, mais avait fait l’objet d’une étude attentive, englobant l’environnement.  En effet, le relief des crêtes, en arrière-fond de la statue, formait un V. De plus, la position du soleil le 15 Août, date d’anniversaire de l’empereur, impliquait le reflet, à une certaine heure, sur le cours Grandval, de l’ombre majestueuse de Napoléon, dans le V de la victoire. J’étais ébahie par tant d’ingéniosité et je dois avouer que j’ai par la suite essayé de retrouver le fondement de cette histoire, sans pouvoir en retrouver la source. 

Je revoyais ainsi d’un autre œil ce jardin du Casone qui avait fait les joies de mon enfance. Mon grand-père m’y emmenait petite fille et le plaisir promis, assez rare pour être précieux, était de faire un tour dans une petite carriole à pédales, tirée par un cheval de bois coloré que l’on dirigeait avec des rênes. 

De grands ifs bordaient la place, où un enfant pouvait imaginer se cacher pour se perdre. J’y voyais les prémices d’un labyrinthe. Cette place paraissait encore plus grande de ces parcours dissimulés entre les arbres, de part et d’autre.

On grimpait vers la statue imposante, par de petits escaliers serrés, le long d’une pente dont nous faisions un toboggan improvisé, pour de folles glissades. Derrière, de petits chemins se glissaient dans un jardin plus dense, où les arbres semblaient s’enchevêtrer, comme pour garder le mystère de la grotte de Napoléon.

On m’avait raconté que petit, il venait se glisser là pour lire tranquille sur un rocher. Fervente lectrice, je m’essayais à cet exercice, mais pour moi, cet endroit était plus propice aux jeux qu’à la lecture. 

Napoléon, quatre syllabes qui résonnent comme quelque chose de familier. J’ai mis un temps à réaliser que la syllabe de mon prénom, Paule s’y faisait entendre, au milieu, comme un point d’orgue, m’enracinant ainsi dans une histoire commune, celle d’une terre îlienne, scellant pour toujours une lisière entre l’intérieur et l’extérieur, entre partir et revenir. 

 

 

Ce texte fait partie du compagnonnage mis en place entre Le Nouveau Décaméron 2021  et l’atelier d’écriture Racines de Ciel, animé par l’écrivaine Isabelle Miller, dans le cadre des activités littéraires du festival Racines de Ciel.  

Le thème choisi cette année était « Commémorations publiques, souvenirs privés » articulé autour de plusieurs propositions successives.

La première proposition à laquelle le présent texte souscrit était : « Napoléon et moi » : écrire une page à partir des idées, souvenirs, images qu’évoquent en moi le personnage de Napoléon.

 

   

 

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