Tous les cailloux n’habitent pas nos mondes personnels de la même façon... Une excursion vagabonde parmi les souvenirs de Jocelyne Normand.
Fétiche
C'est une lourde pierre essentiellement noire, bien que veinée d'un vert très clair presque blanc en surface... une lourde pierre plate, trop plate pour être utilisée comme serre-livres.
Dans mon bureau, je la pose sur des documents lorsqu'ils menacent de s'envoler sous l'effet d'un courant d'air, les années ventées comme celles que nous connaissons désormais...
Elle est tout à fait lisse et j'aime la caresser de la main.
On dirait du basalte. Elle me vient de mes nombreuses randonnées en Corse. Je rentrais souvent avec des cailloux dans mon sac à dos.
Au fur et à mesure de mes déménagements (nombreux en une vingtaine d'années), il fallut bien les laisser dans les jardins des maisons. Ils sont en bonne compagnie, parmi les agrumes, les eucalyptus, les agaves, dans leur univers...
Pourquoi avoir gardé cette pierre-ci ? À cause du Cap Corse, la micro-région que j'ai préférée je crois, où j'ai vécu avec bonheur pendant plus de sept ans.
Elle me rappelle les affleurements ophiolitiques, dont les géologues prétendent que cette partie du Cap Corse (partie Est) en est le plus bel exemple en Europe et le deuxième site mondial après l'Oman en Arabie.
J'aime la poésie de cette expression géologique « affleurements ophiolitiques » qui évoque les veines que l'on découvre dans la roche en marchant.
Lors d'un atelier d'écriture que j'ai animé, un participant m'avait demandé : « Qu'est-ce que les affleurements ophiolitiques ? ». Évidemment, j'avais consulté le dictionnaire qui disait : « Il s'agit de serpentinite ou serpentine, roche métamorphique dont la masse vert sombre est traversée de petits filons fibreux, du vert et du noir ».
Voilà pourquoi je suis attachée à cette pierre, à ce vert très particulier que j'y décèle. C'est évidemment beaucoup mieux que ces boules rapportées de lieux touristiques et que l'on secoue à l'envi...
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