Spermatozoïde : confidences sur canopée - Dr Jean-Pierre Simoni

Le Dr Jean-Pierre Simoni, nous invite à un périple de plusieurs milliards d’années en arrière, aux origines de la vie, avec un spermatozoïde humoriste pour guide…

  

  

Spermatozoïde : confidences sur canopée

 

À la fin du siècle dernier je n’aurais pas pu m’adresser à vous aussi directement. Si je prends la liberté de le faire aujourd’hui c’est parce que la révolution numérique, par sa dématérialisation partielle, a bouleversé en Ga (*) l’ordre établi des mammifères terrestres et marins. Pour m’identifier en toute simplicité, partons à la découverte de mon anatomie et de ma physiologie, sur l’écran d’un microscope électronique (**). J’ai une allure à la « tintin » riche de 23 chromosomes dont un « X » féminin et d’un clone nanti, lui, d’un « Y » masculin.

Ma tête, dénommée acrosome, est surmontée d’une houppette. Mon corps gracile, corseté de mitochondries, se prolonge par un appareil locomoteur constitué d’un flagelle fibreux. Soyez vigilants car je suis un TGV : une sorte de Têtard à Grande Vitesse. Avec la rapidité d’une torpille je me distingue des spermatozoïdes des micro-algues et végétaux plus souvent biflagellés.

Nous provenons donc, vous et moi, en droite ligne de l’infiniment petit. En effet, je ne mesure que cinq microns de long. Avant de poursuivre je vous prie d’oublier, dans notre genèse, la survenue par miracle d’Adam et Eve mordillant dans une pomme certifiée cent pour cent bio et gratuite. De même, ne croyez plus aux théories de l’atterrissage d’extra-terrestres en soucoupe volante relookée « Soupe aux choux ». Ne rajoutez pas, inutilement, d’improbables hypothèses car les panspermies et autres fadaises débordent des dépotoirs de la science. À l’origine de toutes les espèces animales il fallait une cellule fertilisante, autonome, coriace et mobile. D’ores et déjà sachez que je suis un des rares microorganismes capable de nager, et sprinter, une fois éjaculé au fond d’un vagin quel qu’il soit. Je suis formé à courir éperdument à la rencontre de l’ovocyte. Celui-ci, fort heureusement, est statique et bien emmitouflé dans la chair protectrice des ovaires.

Au tout début je n’étais pas le seul car j’ai compté jusqu’à une dizaine de concurrents. Les algues proliféraient grâce aux Plytrichum et Lycopodium à deux flagelles. Diatomées et Liminaires se contentaient, comme moi, d’un seul propulseur qui nous permettait d’ensemencer de vastes étendues d’autres espèces. Il n’y a pas si longtemps nos savants pensaient que l’unité de la vie était la cellule ; ils avaient mille fois raison. Puis, en allant plus avant, ils ont découvert l’Acide DésoxyriboNucléique (ADN). C’est alors que les généticiens ont affirmé que l’ADN devait être certifié conforme à l’identité de tout organisme vivant. Cette notion, comme les précédentes, est incontestable. Ceci posé, si nous persistons à rechercher nos origines dans l’infiniment petit nous risquons de procrastiner à n’en plus finir. Je prends donc sur moi d’affirmer que l’unité de la vie est l’ensemble des mécanismes qui animent une cellule. Celle-ci doit-être capable de se diviser et, mieux encore, d’engendrer. Dans ces deux cas, la vie se poursuit soit par bipartition, comme les paramécies, soit par reproduction sexuée de nouveaux sujets porteurs de patrimoines héréditaires également transmissibles. La vie c’est ce qui change ; le temps ne mesure que ce qui passe. De milliards d’années à millions d’années, de millénaires à siècles, de siècles en mois, de mois en heures, le temps n’a fait qu’amputer ses prétentions chronométriques. Son accélération constante, de conserve avec les permutations climatiques, est essentielle pour comprendre l’adaptation de certaines espèces dont la nôtre. Cela explique la disparition de bien d’autres variétés animales ou végétales.

 

Au diable la pudeur ; je vais me mettre à nu comme un chippendale. Je vous autorise à investir l’intérieur de mon entité charnelle de spermatozoïde. Autant savoir, dès à présent, à qui vous avez affaire puisqu’il s’agit d’une authentique autobiographie. Pour cette concession à la transparence, je vous convie à un périple touristique au plus profond de mon acrosome. Vous êtes autorisés à photographier, selfies compris, tout ce qui vous semblera opportun. Vous pourrez filmer, liker et partager sur Facebook autant de fois que vous le jugerez nécessaire. Mais dans ce périple endoscopique vous devrez impérativement vous plier aux stricts règlements intérieurs qui vous seront dictés.

Dès l’approche de mon corps ne vous découragez pas si vous butez sur une membrane translucide. Attention ! les anticorps veillent. Ils sont habilités à me défendre contre toutes sortes d’agents intrusifs. Ici il règne une discipline intangible. La moindre erreur peut entraîner des conséquences dramatiques pour la vie cellulaire. Toute immixtion risque de contaminer l’ordonnancement des procréations à venir. D’emblée vous allez constater que je suis gonflé par un cytoplasme ; sorte de liquide grouillant de vie. Dans ce milieu préservé de l’extérieur, les réactions chimiques y sont permanentes. C’est une véritable usine dans laquelle chaque ouvrier s’exécute, sans broncher, dans un trois/huit universellement et syndicalement reconnu. Il existe des couloirs d’entrée, mais d’une extrême exiguïté.

Vous devez patienter jusqu’à l’arrivée d’un Acide RiboNucléique (ARN) cousin germain de l’ADN. Ce « douanier » de 500 angströms d’épaisseur est chargé de vérifier si votre identité est compatible avec mon concept originel. Sa mission consiste à traverser le cytoplasme jusqu’aux parois centrales. Après avoir fait la description de votre génome à la Direction du noyau central, il revient vous informer. Notre « attestation de dérogation obligatoire » atteste que nous sommes éligibles au droit de visite. L’autorisation d’entrer vous est accordée. Néanmoins la procédure est loin d’être finie ; il vous faut attendre un deuxième douanier gradé ARN transfert. Ce capitaine transfert est chargé de l’acheminement des informations pour ultimes vérifications.

Nous voilà embarqués sur une navette agréée par la gouvernance administrative. La traversée du lac cytoplasmique est, à proprement parler, féérique. Des multitudes de réactions chimiques s’illuminent comme des feux d’artifice. Vous noterez autant de synthèses que de dislocations moléculaires. Dans ce bac à électrolyse les pelotons groupés de glucides, protides et lipides polyinsaturés, sont en recherche de performances. Les molécules d’eau, par exemple, n’échappent pas à cette frénésie. Leur formule H20 se dissocie par moitié en molécules d’hydrogène et d’oxygène. Ces atomes vont servir de combustible à de multiples combinaisons avant de se renouveler en eau. Sans cette chimie circulaire, je crois que la vie n’existerait pas, tout au moins telle que nous la percevons dans mon intimité.

Nous voici parvenus au pied du noyau. La paroi translucide nous offre le spectacle ininterrompu d’une foule immense de supporters surexcités. Des galeries hyper protégées, autant dire des tunnels de métro, nous guident vers l’intérieur. Il y a autant d’activité dans le liquide nucléique que dans le cytoplasme. Le hasard fait que nous sommes dans un spermatozoïde masculin 23XY ; le féminin 23XX qui nous côtoie est de même architecture. À regarder ces chromosomes onduler comme des algues, nous sommes loin d’imaginer que c’est dans leur structure que se dissimulent les composants de l’immortalité génétique. Oui, j’insiste sur cette notion d’immortalité et j’y reviendrai à plusieurs reprises dans mes confessions.

L’anatomie des ADN contenus dans les chromosomes évoque des assemblages de tire-bouchons entassés, à l’infini, les uns sur les autres. Ces zébrures de couleurs complémentaires, en bandes claires superposées sur de plus sombres, se révèlent être des gènes. Parmi eux, ceux qui donneront des yeux bleus ou marron, responsables ou pas de l’hémophilie retransmises par le X féminin. Une simple hélice de « tire-bouchon » possède un pas de vis de 34 angströms.

Dès à présent sachez que dans l’espèce humaine on compte 44 autosomes auxquels on adjoint deux chromosomes sexuels. Chez la femme ce sont les XX et chez l’homme un X et un Y. La formule chromosomique officielle de la femme est donc 46XX et celle de l’homme 46XY. Les caryotypes sont caractéristiques pour chaque espèce animale ou végétale. Pour exemple le ver solitaire est nanti de deux chromosomes tandis que les différentes espèces de fougères en comptent entre 1000 et 1500 !

Dès l’entame, et pour ne pas nuire à la compréhension de mes propos, je reporte à plus tard dans mon autobiographie, les non-conformismes qui pullulent dans la nature. Je vous prie de bien vouloir vous rapprocher de mon noyau. D’autres structures attendent votre visite. Les bandes claires et sombres sont des spires constituées d’empilages de molécules d’ADN constituants les gènes. Cette architecture en marches d’escaliers est une invite à monter le plus haut possible ; ne vous en privez pas, allez-y ! L’explication du mystère de l’apparition de la vie se cache, peut-être, en haut de la dernière marche. Saisissez-vous de la main courante ; n’ayez crainte car cette rampe comporte une série de fragments égaux, mortaisés les uns aux autres. Ce sont des successions à l’infini de désoxyribose et de phosphates également répartis. Vos pieds reposent sur des marches bicolores soudées. Ce sont des molécules d’adénine accouplées à la thymine. Puis, sur la suivante, c’est de la cytosine jointée à la guanine. Il vous semble grimper à l’assaut d’un Everest mais ce n’est qu’un gène. Ne ressentez-vous pas, comme moi, la navrante hantise d’un horizon qui s’enfonce dans le temps au fur et à mesure qu’on s’en approche ?

Vous comprenez immédiatement que cette escalade mystérieuse n’est qu’une succession de marches analogues. Pourtant l’adénine/thymine et la cytosine/guanine se succèdent en renfermant des millions d’années de mémorisations. Ces éternelles répétitions de répliques de l’identique nous renvoient aux balbutiements de la vie apparue, selon moi, il y a XIII Ga, soit treize milliards d’années. Ne vous étonnez pas si, parvenus au centre du colimaçon, l’escalier ne se divise pas en deux parties strictement égales avec les risques de chute que cela implique. Ce phénomène ne pourra se produire que lorsque je féconderai l’ovocyte. Je m’expliquerai avec force et détails, plus tard, sur ce phénomène que les spécialistes en génétique nomment « la mitose ». Je peux quand même vous informer du fait que chacune et chacun d’entre vous possède une dotation héréditaire qui commande le nombre de divisions cellulaires. Une fois ce capital mitotique épuisé les cellules ne se renouvelleront plus et la mort interviendra dans un navrant ralentissement. Je mesure l’étendue de votre déception. Je reconnais vous avoir conviés dans cet escalier ADN pour suggérer l’idée d’immortalité, et voilà que je vous assène l’irréversibilité de la fin de vie.

À votre sortie de mon acrosome je vois poindre l’angoissante question : « Qui de l’œuf ou de la poule apparut en premier ? » Je réponds, sans aucune ambiguïté, ni l’une ni l’autre. Revenons-en à nos origines. L’exactitude historique impose, en avant-première à toute forme de vie, que l’apparition de la cellule souche est antérieure à ma propre identité spermatozoïdienne. Parfaitement c’est la cellule souche qui a perpétué un mode de renouvellement ininterrompu des espèces vivantes jusqu’à nos jours. Il était nécessaire qu’il y eût, depuis les sacro-saints XIII Ga entérinés par les astrophysiciens, non pas une compétition mais une stricte complémentarité entre cellules germinatives végétales puis animales. Ce sont les végétaux qui se sont d’abord implantés, sous forme de posidonies foisonnantes dans les étendues maritimes. Sans l’apport de la mer, véritable sérum physiologique, aucune espèce végétale n’aurait pu se développer.

Affublé de rondeurs coquines, l’ovule, présentait aussi toutes les garanties quant au nombre et à la compatibilité de ses chromosomes avec les miens. Statique de nature, enrubanné de phéromones délatrices, gonflé de toutes sortes d’aguichantes substances nutritives, il m’implorait de venir le rejoindre. Je vous raconterai plus tard, comment, après de multiples confrontations physicochimiques, nous finîmes par fusionner. Pour ce faire, je pris d’innombrables rendez-vous au croisement d’un oviducte et du tiers supérieur de l’utérus. Bien qu’il n’y ait aucun panneau indicateur, à ce niveau existent deux ronds-points. L’un à droite, l’autre à gauche. Chacun donne la priorité aux spermatozoïdes zélés, et endurants, ayant franchi en tête le célébrissime col de l’utérus. Après ce Tourmalet, et pour avoir une chance de procréer, encore faudrait-il s’introduire dans le bon tunnel de l’oviducte conduisant jusqu’à l’affriolant ovocyte.

C’est dans un « pile ou face » de l’intimité féminine que s’opère la sélection. Qui du 23X ou du 23Y va être admis à l’épreuve de la fécondation naturelle non-assistée ? Preuve en est que tout ceci ne s’est pas fait à la suite d’un coup de foudre mais grâce à des accointances électromagnétiques, chimiques et génétiques. Par conséquent, c’est bien à moi du haut de mes cinq microns, et à un ovocyte dix fois plus volumineux en nutriments, que vous devez votre présence dans ce monde. Ceci étant avancé, libre à vous de croire, ou pas, à un être providentiel, fut-il Dieu.

J’ai échappé aux tempêtes volcaniques, aux typhons, tornades et tsunamis. Une éternité de pièges a jalonné ma route de cellule autonome jusqu’à quatorze millions d’années avant le vingt et unième siècle. Il me faut également ajouter les infinitésimales tentatives vieilles, elles, depuis plus de XIII Ga. Comment me suis-je formé ? Comment ai-je pu fuir les canicules ? Pourquoi les glaciations ont été garantes de la survie de cellules sexuelles végétales puis animales dont les nôtres ? Grâce à ma microscopique taille, parfaitement, j’ai pu survivre, comme nombre d’autres gamètes sexuels, à tous les chambardements terrestres et maritimes.

Pour parfaire l’environnement de mon arrivée, la terre venait d’être percutée par des astéroïdes chargés de glace sans la moindre indication d’assemblage ; en ces temps-là les notices modèle Ikea n’existaient pas. Je ne peux pas faire autrement que d’utiliser le vocabulaire du XXIe siècle pour mes confessions. Cela m’angoisse. Tant pis pour les puristes. Peu importe la manière de s’exprimer ; l’essentiel est d’être compréhensible du plus grand nombre. Le monde des vivants est né dans une extrême lenteur. Au stade initial des calendriers compartimentés en Ga, les règles grammaticales étaient seulement programmées en attente de leur édiction. Ceci dit j’irai à l’essentiel aussi loin que les souvenirs de nos ADN communs puissent remonter. Je dois m’expliquer, aussi, sur l’excessif ajournement de l’apparition de la vie. Cela me fait tout drôle de parler de temps puisque lorsque l’on est plongé dans un coma naturel, justement, le temps ne compte plus.

N’importe quel neurologue vous le confirmera ; durant le sommeil la mémoire ne vieillit pas, elle se régénère. Ne doutez pas de mes propos car j’ai gardé la preuve de tout ce que j’avance dans les organigrammes de mes gènes. J’affirme haut et fort que je ne suis pas le fruit du hasard mais de logiques et dérives intergalactiques incessantes. Retenez dès à présent que mes chromosomes se sont progressivement constitués à partir d’adénine et de thymine, de cytosine et de guanine. Cette ébauche d’échafaudages s’est vue renforcée par l’apport de sucres accolés aux phosphates contenus dans les glaces importées par les percussions d’astéroïdes. Ces sucres et ces phosphates se sont associés, par soudures, en deux rampes d’escalier que vous avez empruntées pendant la visite guidée dans mon acrosome.

En effet, notre planète, essentiellement minérale jusqu’à plus de 45 milliards d’années, soit 45 Ga, était semblable à un gigantesque Sahara tourmenté de reliefs rocheux typés martiens et lunaires. Elle a été criblée par les bombardements incessants en provenance de la stratosphère. Une myriade de comètes chargées d’une roche dénommée glace « à moins 196 degrés », et eau « à partir de deux degrés », vint sans discontinuer perfuser nos caillasses, cratères et sables. Ce furent des intrusions permanentes. L’élément « eau » découlant de la fonte de ces congélations, remplit, draina et dilua tout sur son passage. Minutieusement et avec atermoiements elle s’immisça dans les vallées, abysses et grottes phréatiques, jusque-là déshydratées. Cette évidence lacustre confirme, même en remontant au plus loin, que nous préexistions déjà, comme un jeu Meccano-Erector ou Lego-Technic, en pièces détachées. Ainsi donc, avant même de naître, nous n’étions pas tout à fait morts.

Notre planète, dénuée de la moindre trace d’humidité était essentiellement caillouteuse et jalonnée de granit, de schiste, de marbre, d’or, d’argent, de sulfate de cuivre, de fer, de chrome, de lithium, d’aluminium, de sélénium et d’une myriade d’autres variétés bien classifiées de nos jours. C’était du temps où notre sol, seulement vieux de 45 Ga, s’est métamorphosé en bébé nourri à l’eau premier âge. Les éléments précurseurs de la vie n’existaient donc qu’à l’état moléculaire dans les astéroïdes et les éclats de comètes avant leurs percussions terrestres. Ces projectiles interstellaires étaient eux-mêmes exfiltrés d’un cosmos éruptif et hostile. Lors des pilonnages, ces particules hyper radioactives contaminaient, aimantaient, dissociaient et révolutionnaient l’ordre établi de nos reliefs jusque-là stériles. Seul les acides aminés, phosphates, sucres et sélénium, indispensables à la conservation des matières organiques, résistaient dans cette ambiance hautement létale. Ces corpuscules n’étaient pas les seuls. Parmi des milliers d’autres, l’iode radioactif s’inscrivait dans la normalité ambiante dont subsistent quelques röntgens de nos jours.

Je me répète ; méfiez-vous de certaines fake news tentant de faire croire à une théorie, dite de panspermie, selon laquelle des cellules souche expédiées depuis d’autres systèmes solaires, seraient arrivées directement opérationnelles dans les 48 heures par colissimo. Croyez-moi, les éléments constitutifs de la molécule d’ADN qui nous sont parvenus d’exo-planètes en pièces détachées n’auraient jamais survécu dans la stricte minéralité. Il leur fallait un véritable sérum physiologique pour ne point dépérir. Notre planète enfin hydratée reçut ces kits type Leroy Merlin, mais sans aucune notice de montage jointe à l’envoi. Du coup, la réalisation ordonnée de ce bric-à-brac demanda d’infinies tentatives plus infructueuses les unes que les autres. Nos gènes ont conservé le souvenir d’une certaine adaptabilité qui a rendu enfin possible l’édification de cette problématique structurelle. Cela fait déjà XIII Ga que, pour ce faire, des phénomènes inédits mettent du cœur à l’ouvrage…

À l’époque où nous n’étions que fragmentaires, nombre de comètes nous sont tombées sur la tête, selon les dires d’historiens gaulois pintés à l’hydromel. J’ai déjà dit, et je confirme, que ces bonbonnes célestes comportaient 90/100 d’eau sous forme givrée. L’apparition de la formule H2O, faite de deux atomes d’hydrogène accouplés à un atome d’oxygène, était une première dans ces paysages rocheux constellés de cratères. Ce triptyque prémonitoire ; glace, eau et vapeur ; cette miraculeuse mouillure tombée du ciel, et que nous polluons journellement, se purifie en repassant constamment par l’état de vapeur. Elle ne cesse de nous revenir sous forme de pluie. De nos jours, c’est exactement la même eau, en qualité et quantité, que celle parachutée et vieille de 45 Ga. On peut dire qu’elle est immortelle. Oui mais jusqu’à quand ? Si par malheur elle venait à s’échapper par un trou supplémentaire dans la couche d’ozone, notre compte à rebours de la fin serait irrémédiablement engagé. Oui, l’eau est indispensable à toutes les espèces vivantes, végétales ou animales, dont l’homme. Oui, l’eau nous hydrate à 85 pour100. Un sumo de 150 kg incinéré ne pèse plus qu’1 kg 764 grammes et des poussières ! Si nous ne sommes plus capables de sauvegarder cet indispensable et véritable patrimoine de l’humanité qu’est l’eau, nos jours seront comptés.

Suivant des périodes d’hyper congélation ou de canicule nous assistons à la transformation de cette indispensable molécule H2O. Elle passe de solide à liquide dès les deux degrés atteints. La survenue de la phase gazeuse, sous forme de vapeur, se manifestait jadis à l’ébullition dans les gigantesques chaudières volcaniques. Lorsque la terre reçut ces molécules compactées extraite des congélateurs de la voie lactée, les étangs, lacs et océans, se sont formés en provoquant la fonte des roches de sel gemme. D’autres nappes à l’état pur ont résisté en s’immisçant dans des failles phréatiques abyssales.

Pour la première fois, des cumulus nimbus stratosphériques sont venus coloniser un ciel constamment empoussiéré par les éruptions volcaniques. Des tonnages incroyables de minéraux sortis du ventre en fusion de notre planète ont ensemencé talweg, plaines, lacs, étangs et mers. Ces couches superposées de poussières, lavées par des pluies incessantes, ont fini par laisser passer les rayonnements solaires. Elles ont formé un gigantesque thermos hermétique au sein duquel est emprisonné un noyau résiduel toujours en fusion. Je me demande si cette gigantosité portée à 1400 degrés au centre de la terre, ne va pas finir par exploser un jour ou l’autre. Ça suffit ! Arrêtons-donc d’exciter le réchauffement climatique ; cette abomination finira par allumer la mèche menant au détonateur de la bombe finale.

Quitte à me répéter, ces souvenirs inaltérables ne proviennent pas d’un imaginaire onirique mais sont enregistrés dans mon Acide Désoxyribose Nucléique plus connu sous le célébrissime patronyme d’ADN. Comme vous, je suis donc gonflé à l’eau et riche, dès l’origine, de multiples éléments chapardés lors d’incalculables pérégrinations antérieures. Pour toutes ces raisons des bases azotées telles l’adénine et la thymine, la cytosine et la guanine, se sont réparties en surface comme autant de feuilles mortes recouvrant les sols d’automne. Dans ce bouillon de culture se sont dilués du sucre sous forme de ribose et des phosphates. C’est bien l’adjonction électromagnétique de sucre et de phosphate qui a donné naissance aux premiers nucléotides. Pour ce faire, l’énergie produite par le « combustible » sucre a été déterminante.

De l’attractivité des éléments qui composent l’ADN, ainsi que de leur connectivité, vont naître à partir d’électrolyses naturelles de multiples combinaisons. De ce fait l’oxygène atmosphérique, en se dissociant de l’hydrogène de la molécule H2O, se répartit en avant-première dans le ciel empoussiéré. Le courant électrique cent pour cent bio provenait, comme de nos jours, de gigantesques éclairs ininterrompus. Les frottements de cumulus nimbus précédaient des orages imprévisibles. Il s’ensuivit l’apparition de cations, c’est à dire d’atomes chargés positivement, et d’anions négatifs. C’est pour cette raison que la bipolarité entre l’adénine (+ ?) et la thymine (- ?) va sceller leur complémentarité ad vitam aeternam. De même la guanine (- ?) et la cytosine (+ ?). Et voici que le ribose (+ ?), devenu jaloux, se combine au phosphate (- ?) !

Les milliards d’années ont succédé aux milliards d’années ; seul le temps est immuable. Je ne peux plus résister à l’envie de vous représenter la naissance de la vie sous une forme schématique, modèle puzzle, en vous priant de bien vouloir me pardonner ces dessins antédiluviens et enfantins. Lorsqu’on ne mesure que cinq microns, les crayons charbonneux font riquiqui en comparaison des « marqueurs baveux» dématérialisés équipant vos ordinateurs. L’arrivée d’une forme inédite nommée nucléotide n’a été que le début d’un véritable soulèvement révolutionnaire ininterrompu. La toute nouvelle mécanique des fluides en trois dimensions s’autorisa de multiples alchimies novatrices. Comme dirait César dans « Marius » : 1/3 de pièces mécano, plus 1/3 de puzzle en 2D, plus un gros tiers de lego en 3D, allaient combiner un élément inédit : le nucléotide. Il s’agit d’une base incontournable de l’ADN dont les végétaux, les animaux marins ou terrestres, vous et moi sommes porteurs. Afin d’être plus clair voyons donc les différents éléments constitutifs des chromosomes. Rassurez-vous, ce n’est pas plus compliqué que la réussite d’une tarte Tatin selon la recette de votre grand-mère.

            En ces temps-là, notre planète rocailleuse absolument dénuée d’humus, élément précurseur à l’apparition de terre féconde, alterne froid et chaud comme nuits et jours. Dans ces périodes d’infinies et exténuantes transmutations, l’eau, passant sans arrêt de l’état liquide à l’état solide, va révolutionner l’environnement. En hyper congelant de moins 75 degrés à moins 196 degrés la minéralité ambiante, garante de la survie des acides aminés, va être totalement bouleversée. Les périodes chaudes dégèlent les glaces en provoquant de nouveaux remplissages d’étangs, de lacs, de mer et d’océans. Des tonnages incalculables de roches sel gemme se dissolvent, encore et encore, dans ces gigantesques étendues fluidifiées. La combinaison de molécules jusque-là séparées finit par composer un sérum physiologique inédit et indispensable, comme de nos jours, à l’apparition de la vie. Ce n’est pas Uranus, muse de l’astrologie, qui me contredira.

            Les frottements de vastes cumulus génèrent des orages aux éclairs ininterrompus. Ainsi, la production d’énergie électrique naturelle, en continu, bat son plein. Le comblement liquide de colossaux bacs à électrolyses fait naître des allégeances inédites. De ces forces aimantées, responsables de polarités nouvelles, vont provoquer des attractions ou des répulsions.

 

Ci-dessus je viens de vous offrir, en pièces détachées, les éléments fondateurs de vos origines. Il n’existe pas de notice de montage. Jointez donc ces molécules en vis-à-vis afin d’obtenir un nucléoside. Ce dernier accolé à l’infini à d’autres nucléosides constituera l’empilement de milliards de gènes caractéristiques de vos ADN. Profitez du confinement imposé par ce misérable dictateur de vingt millièmes de microns, universellement baptisé Covid-19 et qui a la prétention d’abroger nos libertés. Allez, mettez-vous au travail, ce n’est pas le temps qui fait défaut. Suivez scrupuleusement les conseils de Nicolas Boileau (1636, 1711) :

 

 Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage,

 Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage,

 Polissez-le sans cesse, et le repolissez,

 Ajoutez quelquefois et souvent effacez.

 

__________

(*) Ga symbole de un milliard d’années. C’est l’unité de temps utilisée par les scientifiques.

(**) 23 autosomes + Y soit la formule 23 Y chromosomes. Ou 23 autosomes + X, soit la formule 23 X chromosomes. La fécondation avec 23 Y donnera un garçon ; et une fille avec le 23

  

  

    

Avis aux lecteurs
Un texte vous a plu, il a suscité chez vous de la joie, de l'empathie, de l'intérêt, de la curiosité et vous désirez le dire à l'auteur.e ?
Entamez un dialogue : écrivez-lui à notre adresse decameron2020@albiana.fr, nous lui transmettrons votre message !
  
  
Nouveautés
Decameron 2020 - Le livre
Article ajouté à la liste de souhaits