- LND 2022 - Avril
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Le poète cherche ses mots, il enquête sur leur source. La parole est son ivresse : urgence et réconfort. Elle est infiniment bonne, de lui à nous, un recueil d’Yves Goulm
LA PAROLE INFINIE
Ce jour, d’une nuit effacée, j’entre – à nouveau – dans la transe de la danse.
Pourquoi ? Comment ? D’où ?
Serait-ce pour leurrer l’ennui, ce sombre rat, ce fat de l’ombre ?
Surtout : pour qui ? (car, indéniablement, je ne me rends pas service…)
Ronde de questions sondant le monde d’une fronde d’interrogations.
Chorégraphie spatiale tirant des pointes d’équilibre le long de lignes imaginaires.
Les plans des comètes s’inouisent d’une perspective d’infini.
Mots lanceurs d’étoiles d’un lance-trait aux lanières stellaires.
Histoire(s) de projection(s)
æ résonance 1
L’espace est un ventre. Le centre d’une femme. Son sexe. Humide.
L’espace est un sexe de femme aux mots semence. Termes sperme. Mots gamètes. Ovules connecteurs.
Nymphes d’une nymphe d’eaux bénie.
L’espace est une matrice d’infini. Une tresse d’ADN serpentant sur l’ABC.
L’illimitation du cosmos. En longueur, largeur, épaisseur, profondeur.
L’illimite espace.
Le parcourir encore, encore et en corps. L’arpenter tous sens. L’explorer. L’implorer.
Une révélation s’ente, encore et en corps, prête à imploser, dans l’infini des mots féconds. Fœtus métaphores.
Suivre leur orbitale course folle s’imposer autour d’une planète tête. Étoiles idées. Pensées satellites. Mots cosmonautes. Âme soleil.
Se détacher de l’attraction de l’astre du désastre.
L’espace est un sexe féminin s’apprêtant à exploser à l’expression d’une fécondation.
æ résonance 2
Ce jour, d’une nuit évaporée, je pose, singulier haut recours, prétention sans nom, mes bizarreries d’esprit sur le marchepied du tram des âmes brinquebalantes.
En poche l’aller simple d’une destination d’inconnu.
Dans une autre, le révolver d’un suicide maquillé.
L’ébranlement est proche.
Attention au départ.
Un horizon frissonne.
æ résonance 3
Ce jour, j’accours.
Me rue, tête nue, dans les rues du quartier affamé.
Des noms, des dates, des lieux, sur des plaques émaillées bleues.
Jeter le plan du vil dans la première poubelle venue sur l’avenue Calliope.
L’occasion se présente enfin, si belle, de se perdre dans ce dédale.
Nous ouvre-t-on ?
Ou entrons-nous par effraction ?
Est-ce hospitalité ou violation ?
Tant est patente la polysémie d’hôte.
Certains toquent à finir toqué.
Des crétins tentent de délourder la porte.
D’autres, à la faveur d’un entrebâillement
S’immiscent en insérant leurs pieds.
Aux premiers pas entés à l’intérieur.
La plupart, horrifiés, ressortent en courant.
Certains, pris au piège, subissent leur sort.
Les impétrants le sont souvent à leur dépend.
Cueillis à froid par l’incandescence du lieu.
Ce feu sacré est un douloureux brasier.
L’immense majorité use d’artifices doucereux.
Les éprouvés s’y consument, torche vivante.
Les premiers s’y réchauffent plaid.
Les derniers s’y brûlent plaies.
Tant est patente la polysémie d’hôte.
Et légions les portes dérobées.
Mots élus ou s’imposant tels ?
Choisis par défaut ou vitaux ?
Où est le vrai ? Le faux ?
æ résonance 4
Démêler est le verbe essentiel.
Le verbe maître-mot en somme.
Puis (sur)vient l’heurt de l’arbitrage.
Lors, aux heures livides de la vie
Aussi vides qu’un amour mort
Quelles autres consolations
Qu’injurier la parole par ces mornes écrits ?
æ résonance 5
Le terme du terme.
Loyer de sang, de sueur, de fureur et de larmes (rage et bonheur).
Suceurs de sens à raison perdre.
La parole est logée dans les casemates du cœur.
Elle détermine les paysages du sang.
Elle pulse et impulse ses battements.
Voir dans l’émergence d’un vol en V la promesse d’une migration.
Nouvelle réalité, autre été, nouvelle terre ferme, inédite langue.
Déraison des saisons : fol été, bel hiver, vert printemps, ocre automne.
Le peintre à ses visions.
La sève sa mission.
Foyer poésie où les mots sont (al)loués.
La parole propriétaire.
Bail précaire (parfois mal rédigé).
Savoir dans l’iridescence des plumes la présence d’une lumière.
Nouvelle journée, autre clarté, nouveau regard clair, inédite perception.
La pérégrination invente des horizons inédits.
Aux transports du langage l’oiseau permet ses métaphores.
Saisir dans le flap flap des ailes l’ivresque plaisir de l’envolée.
Et, du voyage, le rhapsodique itinéraire.
Nouveau prétexte, autre texte, nouvelle dépendance, inédite addiction.
Reste à déterminer la (pré)destination.
Le poète son obsession.
æ résonance 6
LOGOSCOPIE
L’os avec le logos c’est son asynomie
Verbe le biblise
Parole le locutise
Langage le linguistise
Discours le réthorise
Grâce (à cause de ?) à Lui (sic)
Je suis sauvé (sic bis) de ces maux
N’étant ni philosophe ou logue
Et, bien qu’ardent lecteur des Écritures
Pas théologien pour trente sous
Je ne suis (sic ter) qu’un modeste trouve-vers
M’autorisant autant que faire je peux
À chanter comme bon me semble
Le logos, d’éros à fosse
Sic transit gloria mundi
J’entre, prends place et sur-le-champ
J’entreprends l’état des cieux
Il prévaudra le jour du délogement
L’huissier assurera la garde des mots capables de briser le sceau
Beau… Le chant… Au ravissement…
æ résonance 7
La parole est le lieu où loge le langage
Vaste demeure qu’ausculte le poète du stéthoscope de l’intime
Dans l’infime espoir d’une occulte révélation
Activité de demeuré
Les fous fouillent les tréfonds de l’esprit bien plus profondément que tous les léthargiques.
Une mission ?
Quelle volonté ? Quel choix ?
Ourdisseur de machinations, de machines infernales.
L’heure viendra.
Sera-ce trop tôt ? Trop tard ?
Le temps pose des questions aux réponses invasives.
D’où découle l’ordre ?
Émane-t-il de Mânes perverses ?
Ou, à l’inverse, d’anges louangeurs ?
Au plus intime de l’être s’instille l’injonction
Une rumeur, un murmure, un chuchotement
Un frisson s’insinue dans le corps
Sorte d’effluve prémonitoire
Écrire c’est établir la jonction entre une sensation et son mot
Un imperceptible s’offre au ressentir
Un indicible à s’énoncer
C’est une palpitation
Les cils de l’âme s’activent
C’est une vibration
Les fils de l’âme s’avivent
C’est l’amorce d’une révélation
Chaque poème l’exuvie d’une certitude
Chaque poème la mise à mort de la mort
Chaque poème un nouveau « Lorsque »
Chaque poème le miracle d’une reviviscence
Chaque poème, infiniment, une (re)naissance
L’acte : un pacte.
L’adjectif : énigmatique.
L’esprit d’escalier : déclic(s), déclenchement(s), enclenchement(s), pose(s), pause(s).
Le verbe : adouber (déplacer et armer). Adorer et abhorrer l’étaient. Aborder et saborder s’épousaient.
L’adverbe : désormais.
Le temps : le présent imparfait d’un compte à rebours.
Le résultat : un impact.
La conséquence : une onde de choc.
L’éventuelle perspective : le monde hors d’état.
Complot de l’être envers les lettres
À leur endroit
Les juges repartis à leur livre
S’érige une potence où s’énonça la sentence
La tradition l’appellera « Le lieu »
L’exécution est pour demain
Chacun s’en lavera les mains dans un bassin d’eaux abusées
Puis, l’âme du châtié vendue aux enchères
Sa chair sera livrée aux vautours incrédules
Jouer au pendu est défendu
Ceci n’est pas un je
C’est une équivalence
æ résonance 8
Les mots émotionnels s’empourprent au feu sacré.
Leur épiderme s’enrouge de vives effervescences.
Flammes ascendantes vers un ciel sans défense.
Elles s’avivent au contact d’un vent désinhibé.
L’ascence des mots aux sens incandescents.
La nature du feu est telle celle du lierre.
Pour qu’il s’élève s’allient jalons et courants d’air.
« Je brûle » psalmodie la sainte en pâmoison
« Je me consume » geint l’amante délaissée
Je m’embrase aux mots des flamboiements
æ résonance 9
Où joue l’enfance de l’art ?
Dans quel bac à fables ?
L’enfance de l’enfant plus.
La mise en joue de l’innocence par une caresse embusquée.
æ résonance 10
La baguette entraîne le cerceau
Il roule défiant les lois de l’équilibre
Tandis que les sombres démons de l’inertie
Trainent leur étrange immobilisme
Le long des lignes de failles du temps
Où affleurent, frangeantes, des fêlures d’âmes
S’affranchir des codes pour franchir les modes
Il n’est d’autres faillites que faillir
æ résonance 11
Tu es la dépositaire du mystère
Ô langue
Ce secret sans vérité d’une douce confidence
Que se disputent bestialement les voraces du dédain.
Le jour entre en exploration saisir l’ultime secret d’une nuit défunte.
Premier temps : l’autopsie des rêves.
Quelle sera la sentence et des délations laquelle deviendra vérité ?
Ne rien savoir. Ne rien devoir. Ne rien promettre mais permettre.
Surtout, ne rien regretter d’autre que l’absence de regret.
Puis, à force de patience, la possibilité d’un salaire de lumière.
Un avoir de clarté.
Même infime, même de misère
Même ne tenant qu’à un fil
Cette précieuse prime
Cette récompense subtile
Est une telle fortune du pauvre
Qu’on l’encoffre rime fort en strophe
Ne rien (s)avoir d’autre qu’une certitude de l’impossible
æ résonance 12
Rien
quoique tout
prendre
au pied de la lettre
En l’aléa se dispute la collision des événements
Entre entente des concordances et d’imparables évidences
Se glissent des collusions d’imprévus ourler la réalité d’un rebord d’incertitude
C’est sur cet étroit liseré que se livre le dessous des cartes d’un tarot secret
Le harcèlement du hasard
Ce bâtard bavard
Blesse au sang
L’innocence d’un pressentiment
L’aigle blessé à l’aile cassée défie le ciel d’un glatissement crâneur
æ résonance 13
L’endroit désiré d’une vision
L’écran blanc accueille la projection
Séance de cinéma âme
L’envers supposé d’une diversion
L’avers de la pièce révèle l’effigie
Un film muet à l’affiche
Il faut qu’un mot se pose pour qu’un monde se fasse jour.
Qu’il jaillisse au grand jour.
Un mot relève le défi des fins premières.
L’esprit enclin à l’immersion.
Fusion est un mot de changement.
Et la matière s’avive.
D’un mot un monde s’annonce.
D’un mot le monde s’énonce.
Effusion est un mot d’épanchement
æ résonance 14
Je rends compte
Je raconte
Je mobilise les mots
Les motorise
J’autorise ma voix
J’alterne les termes
Et les voies d’approche
Je crie / J’écris / Je décris / Je prédis
J’arrime les rimes / Je trime / Je trie / Je pétris
J’imprime / J’exprime
Je bâillonne et délie
Parfois je déprime
Parfois je rayonne
Je crayonne
Suppose un mot.
Sitôt un monde surgit.
Un infime d’infini s’inscrit d’un sanskrit universel.
Le cri dégorgé d’un espéranto d’âmes babelées.
Libérer les condamnés à tors.
À qui les torts ? L’infirme indéfini infiniment coupable.
Les mots sont toute innocence.
Sens, sentiment, encensement, serment.
Ils sont la parole nue de l’enfantement de l’image.
La mine sera pince coupante pour sectionner les barbelés.
Avant de les mêler il faut les libérer.
La raison leur est prison où ils croupissent dépoétisés.
Même les mots de la mort sont la douceur incarnée.
Leur faute n’est que la nôtre d’accroire encore pouvoir jouir sans ouïr le oui.
Le pardon est la part du don qu’on détache sans aucune précaution de la corolle de l’esprit.
Qu’on arrache et recrache dans la soupe.
Où cacherons-nous ces victimes expiatoires ?
Un poème y suffit-il quand les prières saignent ?
La harde des cris d’horreur entonnera l’hymne des bêtes féroces.
Un poème suffira-t-il à travestir les affranchis d’un costume d’acceptation ?
Allons, conseille le fou au sage, poursuivons notre collecte de faux-semblant.
Car, nous ne sommes capables de rien d’autre que ces piteux camouflages du pauvre ;
Et forts coupables de vilains jeux de mains.
æ résonance 15
Je superpose les mots
Edification / Mortification
Fortification / Expiation
Construction / Palais des soupirs
Et le meilleur si les planètes s’alignent
æ résonance 16
- C’est tout de même très sérieux.
- Tu n’aimes pas ?
- Si, oui. Mais on ne souffle jamais.
- Ça manque de souffle ?
- Non !
- Ouf.
- Mais, comment dire ?
- Tout est là.
- C’est bigrement solennel et un poil austère.
- Faudrait de l’humour ?
- J’ignore ce qu’il faudrait. Toujours est-il que c’est un peu oppressant.
- Oppressant ? Ouh la. Le but étant l’exact contraire, j’ai du souci à me faire.
- D’une, c’est corsé à lire. De deux, on oscille entre grave et sombre.
- L’ambition d’être profond n’empêche pourtant pas des soupapes me semble-t-il.
- Où sont-elles ?
- De ci de là. Tu ne voudrais tout de même pas que je les balise. C’est au lecteur qu’appartient le texte.
- Que te dire ? Quel est ton propos ?
- Je pensais que c’était évident.
- Ben non.
- Quand même… Le langage, les mots, la parole. Donnée. Reçue. L’espace entre les deux. Nos compréhensions, nos incompréhensions, nos interprétations… La magie de la poésie qui délasse l’âme et délace l’esprit.
- Jolie formule. Tu l’as écrite dans ce texte ?
- À l’instant.
- Il était temps car jusqu’ici ça manquait de poésie.
- Pardon ?
- Enfin tu me comprends.
- Euh non. Pas du tout.
- Un peu de plaisir et de sucré.
- Ce n’est pas un salon de thé ni une fête foraine. C’est une méditation sur la parole qui s’étire, sur les mots qui attirent et les répulsifs. Selon le cadre, l’humeur, selon la disposition (la leur, celle dont se sert l’auteur pour les agencer, les faire sonner, résonner ; et celle du lecteur), selon les forces et les faiblesses.
- Laisse tomber. C’est peut-être moi qui suis imperméable.
- L’expression détourant l’indicible pour…
- Pour ?
- Susciter le chant.
- Laisse tomber.
- L’art précède la vérité. L’art oracle. L’art miracle.
- C’est tout bon. Allez viens on va s’en jeter un.
- L’art l’ardente ardeur.
- C’est O.K. pour moi je te dis. J’ai compris à présent.
- L’art c’est un appel en P.C.V. Tu acceptes ou tu refuses la communication.
- Wouah. Sacrée métaphore ami.
- Si tu acceptes, peut-être entreverras-tu d’infinitésimaux copeaux d’une révélation, d’une élévation. De minuscules chutes de matière, ambres du mystère en lesquels quelques signes, spermatozoïdes dévolus, s’apprêtent à permettre la fécondation d’un indice. Si tu refuses, tu te coupes d’une connaissance d’au-delà le savoir. Sourd au murmure.
- On va boire un coup ?
- En plus c’est gratuit. C’est là, à portée de mains, à portée de sens. Y’a plus qu’à.
- Il est très bien ton nouveau recueil. Continue ! Allez z’ou. J’t’emmène en bordée.
- La cordée des alpinistes de la cime. Les neiges éternelles. Tout est éternité puisque tout est mortel. Seule la parole demeure.
- Sacré loustic. Taxi, hep taxi.
- Le transport de l’être. La course folle des impatiences. Le conteur.
- Allez mon rhapsode chéri, grimpe dans le tacot. Nous tournerons grands ducs.
- À l’assaut de la nuit ami. À l’assaut des ténèbres. Nulle ivresse ne se néglige. Allons sur les quais boire avec nos frères marins. Aristote, sacré coquin. Non pas trois sortes d’hommes : vivants, morts et ceux qui vont sur la mer, mais quatre avec les franchiseurs d’obstacles.
- Allons !
- Allons !
J’écoute, du temps, les suppliques de futur.
J’y entends, mêlées, une douce appréhension et de têtues certitudes.
Redoutable mélange aux fluctuantes proportions.
J’écoute à l’œil du rythme d’entraperçus dissociés.
J’écoute, aux conques vides, les vents concrétés.
J’écoute, des mots, l’insubstantiel concret de la vie.
J’écoute, poésie, le déploiement de la parole.
J’écoute, aux portes, la vie intime d’un secret.
æ résonance 17
Tracer une droite ________________________________________________________________
Segment ici fini auquel quiconque peut tenter de conférer l’infini.
Délire-vérité d’établi de poète.
Géométrie du pauvre.
Une ligne parmi tant d’autres…
Signe admis !
Mots stries. Mots cris.
Garder le sens de l’amour.
Regarder par-dessus l’épaule d’un humoriste le premier jeu de mots de son prochain gag.
Les mots. À en devenir gaga.
Les lignes s’alignent
Ronds dans l’eau
Vie rectiligne, vie curviligne
Vie concentrique, vie excentrique
Un point de départ, une arrivée
Point d’autre entrée, point d’autre issue
Quelqu’un jette un mot en l’air
Un autre un caillou dans l’étang
L’un volera-t-il ? L’autre coulera en créant son mouvement
Ô Virginia, non, pas dans tes poches
Les lignes s’aèrent d’interlignes
Bulles d’air dans l’air
Vie de signes. Vie de vols
Vers de terre et d’un ciel
Il suffit d’une surface d’amorce
Un espace de déplacement
Le goût de l’essor à l’envol
Battre des ailes
Lettres élytres
Ô ange, non, la chute, pas la fatale
Jusqu’où les mécréances et les créances de sens ?
Pauvres gamins innocents
D’aucun sang sur les mains
Encore préservés
Avant que l’affligeant ne mannequinise la pensée
Pauvres enfants blancs
Non encore souillés
Avant qu’au plus navrant on brade l’innocence
Victimes de cérémonies votives
Les mots corrompus se masquent la vue de leurs doigts condamnés
L’homme nomme
Un à un les éléments du monde
Drôle de rôle incontournable
L’homme, l’un après l’autre, dénomme les éléments du monde
Les vents, les variations du temps, les saisons passantes, les oiseaux migrateurs
Il nomme aussi le minéral, le végétal, la faune et ses fauves tachetés
Chaque pluie, chaque pierre, chaque plante, les près, les clos, les champs
Pas en reste pour les rus, ruisseaux, les plans d’eau, les mares et les effets des reflets
Parfois, reliés, les mots de l’homme disent : « La flamme est l’âme du feu. »
Il baptise aussi les montagnes, les planètes, les gestes de l’amour, le sucre des raisins
Et tous les papillons
L’homme nomme
Ses mots réunis forment une parole
Un monde se donne
Je vous donne ma parole
æ résonance 18
L’amont, l’aval, la source
Au fil de l’Ô le mot nage
Le courant l’emporte
L’eau le porte
Son corps de lettres flotte
Il se laisse (em)mener
Vers la route de l’à soi
Au fil de l’Ô
Ô mot dans l’eau
L’immersion de la parole
La parole cherche l’empreinte du doigt de l’ange apposé sur la bouche des mots sitôt leur naissance
En ce sillon réside l’origine d’une connaissance essentielle
D’une bouche à peine entrouverte un chuchot attend son heure
C’est l’interstice par lequel une lumière se fraye une voie du ciel
La voix des mots tendant vers l’inaccessible langue des secrets révélés
Sous la lèvre un sillon fruit d’un chut d’avant la chute
Aux mots l’épouvantable et délectable mission de réécrire l’initial motus
L’attente des veines d’un sang immémorial
Radeau de la parole
Derrière le rideau du silence l’attente patiente.
Les mots voilés d’émotion se gonfleront du souffle neuf des espoirs réoxygénés
L’écart des lèvres, bouche, sexe, blessure
Par ces fentes premières passent nos vies
La parole, le corps, la guérison
Mots mystiques de la quête
Mots au-delà d’ici cartographiés
Mots d’indécelables géographies
Mots s’élongeant au plus qu’un impossible
Le doigt de l’ange sur les lèvres du nouveau-né
Le silence de Dieu
La parole des hommes
L’infini de la parole quêtant le premier mot
La parole éternelle
J’entends le premier poème (pré)dire son premier vers au dernier d’entre-nous
En l’infini de la parole
Langue hors les âges
Là la parodie s’avoue d’à vœux vaincue
Coupable convaincue de collusions avec les illusions fourbes
Après la collision elle échoue sur des récifs d’harmonie
Sur l’écueil d’un recueil
Sur l’accueil d’un récit
L’infini fini ici sur ce i
La parole infinie
Résonances
æ résonance 1
Des mots équilibristes ? Libres ?
Qui l’est ? Vraiment ?
Qui ne se ment pas derrière ses rides ?
Le vrai ? Qui sait ? Le beau ? Qui l’est ?
Les mots livrés à eux-mêmes ?
Qu’est-ce que la liberté ?
Je pose la question puis je m’en lace les reins.
Mots en grappe courant sur des cordons soumis.
Raisins de la raison. Fruits défendus de la fascination.
Grain-signe s’entortillant au rameau.
Serment-sarment.
L’ivresse en bout de vigne.
Un final point à la ligne.
æ résonance 2
La vulve est un antre.
Entrejambe de la fascination des sens.
Là la naissance / la jouissance / la concupiscence
Sans mot encore. Les corps d’abord
L’un en l’autre s’abordent au lit bâbord et tribord.
Les mots ensuite.
Après les cris et les soupirs.
La démence en embuscade.
Les amours se sabordent d’amants iconophages.
Femme numide.
Poésie Sophonisbe.
Le poison pour contrer l’infamie.
La mort soliste.
æ résonance 3
À chaque transport ses correspondances.
Un quai de gare est toujours singulier.
Des mains s’agitent, des cœurs se serrent.
Des lettres s’écrivent d’exil.
æ résonance 4
Poésie prêcheuse de faux pour l’ivraie ?
Le poète a un grain qui, parfois, le conduit aux pieds d’une idole.
æ résonance 5
Verbes du Ciel
Herbe d’Eden
Être – Paître
Poésie nourricière
Les déments ourdissent le guet-apens
Versent du fiel
Herse de la géhenne
Naître – Paraître
Poésie souricière
Nul autre piège que soi
æ résonance 6
Au poète d’évoquer la parole prolongée.
Et, invoquant le délai accordé,
Invoquer les divinités spoliées.
Le temps s’égare en nos pensées surévaluées
Elles baguenaudaient sur une terre lunaire
Les pieds posés sur des chemins sans destination
Il s’adonne à flotter dans le tiède d’une mer colonnaire
Ô rêveries, fées offrant le libre d’une impesanteur évasée
Je vous chéris, filles sacrées de ma salvatrice imagination
Fer je veux chanter
J’en forme le vœu
Et toucher toutes les autres matières
Surtout les chairs (ina)vouées
æ résonance 7
Sur le bail, préciser : « La poésie est l’antonyme de grégaire. »
D’autre part, quel mon temps exige la caution ?
æ résonance 8
L’heure des comploteurs
Un compteur sur le comptoir tictaque une audacieuse tactique
S’agirait, ce faisant, de tromper le temps
Belle ambition de leurrer une spéculation
Tandis qu’une à une nos vies se dévident
æ résonance 9
Lignes ignées
æ résonance 10
Carabine à bouchon
æ résonance 11
Poésie funambule. Poète fil-de-fériste
La page est un gouffre. Le vertige un but
La chute une tentation
Sitôt la traversée achevée un autre abîme s’invente
Nouveau défi à relever en marchant sur la corde tendue
Pas à pas sans regarder en bas
Ou pas…
æ résonance 12
Poésie coffre-fort
Combinaison sacrée
æ résonance 13
Là, l’énigmatique !
æ résonance 14
D’un mot le monde se fonde
Et d’un mot s’effondrera
æ résonance 15
La pointe sera prince charmant des énoncés
Les mots sélectionnés (pré)disent d’hypocondriaques imprévisions
æ résonance 16
Mots matériaux
Poésie cimenterie
Mots moellons
æ résonance 17
L’ouïe de l’âme
Tendre l’oreille aux ultrasons
Entendre les scansions minérales
Les confidences d’une créature permise
Puis, mission, assembler ces modulations
De façon à les permettre communes
æ résonance 18
Me fera-t-elle défaut ?
Des faux en écriture en guise d’épitaphe ?
Avis aux lecteurs
Un texte vous a plu, il a suscité chez vous de la joie, de l'empathie, de l'intérêt, de la curiosité et vous désirez le dire à l'auteur.e ?
Entamez un dialogue : écrivez-lui à notre adresse nouveaudecameron@albiana.fr, nous lui transmettrons votre message !