Nicolas Lopes - Une prison à ciel ouvert

     

Le secret du viol de l’enfant est long à émerger. Un jour pourtant, un jour viendra… Un poème de Nicolas Lopes.

 

 

Une prison à ciel ouvert

 

Enfermé dans la psyché

D'un souvenir violent,

Où le silence a pris la place des paroles.

  

 

Le regard fixé sur une psyché brisée,

Reflétant dans sa brisure un visage morcelé, année après année 

Cherchant l'angle pour se voir,

Cherchant l'angle sans fêlure.    

  

 

Un corps démembré,

N'appartenant pas à son propriétaire,

N'appartenant pas à celui qui regarde. 

La nuit tombée, surgit la détresse devant l'affliction 

La mâchoire serrée à se briser les dents.

Les années glissent, aucun mot ne sort. Le silence sera son socle. 

  

Dans le lit à l’heure du coucher,

La solitude a pris la place du doudou. 

« Je suis sali, nul, je ne vaux rien », ses mots cheminent dans son esprit. 

Emmuré, enseveli sous les strates, 

Aux parois des pensées tranchantes, il se blesse, se dénigre, culpabilise, seul. 

Il sent l'odeur de ses plaies béantes. 

L’enfant, harassé par le poids de l’enfermement, ploie  

  

 

Devenant le seul lien au vivant,

Le lierre de la Douleur enserre l’enfant. 

Qui, face au tréfonds insondable, sculpte avec force la matière de son corps.

Perdu dans les contours indécis de son être  

  

 

Dans l’obscurité close,

Ce fardeau entrave la lumière.  

Il fait jour, il ne voit qu'une nuit ; des larmes coulent, ses yeux sont secs.

Il imagine un lever de soleil,

Il attend son lever de soleil.

   

 

D'un corps violenté 

Enfant puis adolescent, au temps des rencontres. 

Des courants de peur le traînent. 

Pris dans ce tourbillon,

Il se débat pour survivre !

Il pleut sur la maison de son âme.

La douleur, elle, devient lui.

   

 

Les maux l’envahissent, alors que les mots ne voyagent plus. Ne s'entendent plus.

Sa voie est morte. 

La voix de ses pensées l’oblige à mourir. 

Il porte le Secret.

Il imagine sa mort. Seule solution…

 

Colère, haine, rage, culpabilité

Se sont emparées de lui, et rongent chair et os.

Ses larmes muettes, comme la pluie.

 

 

Majeur

Au corps effacé, marqué par la violence,

Il a besoin d’hurler, serait-il réduit à ce secret ? 

  

Il veut se libérer des chaînes, alors il tire, tire à se rompre les os. 

Les maux deviennent des mots.

Le secret se transforme, prend forme, il est au bout des lèvres.

Il est transi d’effroi, au fond de sa caverne.

  

 

À l'âge adulte, par la bouche de l'adulte, l'enfant parle :

« J’ai été violé » 

Le secret s’écroule avec fracas, le fait existe.

Je ne suis plus seul.

  

 

Les fêlures de la psyché s’estompent,

Dans le reflet apparaissent doucement de nouveaux traits, un visage.

  

Mon visage !

  

Je reconnais celui que je vois, l'enfant perdu, 

Il sourit. Je souris.

 

Liberté retrouvée, par la porte des paroles. 

Liberté retrouvée après 25 années.

  

Et demain ?

Et maintenant ?

  

Le jour se lève comme une première fois.

Les couleurs d'un lever de soleil caressent ma rétine, d’une lumière oubliée.

Je n’ai plus peur de la nuit.

 

"La vie est une poésie"

 

  

22 février 2021

 

  

 

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