Après la séparation des corps au cours de l’accouchement, la première goulée de lait est le moment de leur réunion… une re-naissance racontée par Séverine Gillet
Re-naissance
À peine posée sur mon ventre, ta bouche goulue se colle à mon sein étonné. Il est encore vide de lait, mais happé par ta voracité, il se gonfle. Hommage inattendu à une gorge encore flétrie de ses précédents échecs nourriciers. Réveil d’une source que je croyais trop faible, tarie. Tu en aspires les premières gouttes sucrées et la vague déferlante de mon amour naissant.
Mon téton durci par ta langue impatiente, collé à ton palais avide, se tend, s’allonge, et fait le pont entre nos deux vies. Un rythme sourd s’y installe, battements de cœur, roulement de sang, halètement régulier de nos deux souffles mêlés, qui ensemble appellent le lait.
Sous tes lèvres instinctivement expertes et insatiables mon corps entier devient mamelon, mes veines, mes nerfs, tout converge vers cet unique endroit où tu me bois.
Mille aiguilles fourmillent sur mon sein et l’électrisent.
Sensation de plaisir extrême, à la limite du tolérable, évanouissement de l’être, enfouissement du soi, être mangée par toi, me donner à toi, fondre en toi pour te nourrir, te faire vivre, toi qui me ramène au bonheur d’être mère.
Sensuelle communion de nos êtres assemblés de nouveau, encore endoloris de la naissance, fusion retrouvée de nos chairs, intense émotion partagée et sans cesse renouvelée dans ce corps à corps gourmand. Jouissance mystérieuse et complice.
Ta bouche m’exige et j’y consens.
