Quatrième de couverture
Dans la veine et le prolongement de son premier recueil Prighjuneri/Prisonnier l’auteur, Marcu Biancarelli, propose sept nouvelles inédites, en corse et dans leur traduction française. Même esprit de révolte face à la mesquinerie, la cruauté et la violence qui accompagnent invariablement l’homme dans sa destinée. Qu’il soit conquistador humiliant les peuples indiens, prisonnier des geôles algériennes contemporaines, écrivain juif allemand face à la barbarie, républicain espagnol, légionnaire romain, résistant corse ou promeneur bucolique de l’arrière-pays insulaire, chacun des personnages est confronté à ces univers — réels ou fantasmés — où les limites de l’humanité se révèlent : révélation de l’inquiétante universalité de la noirceur de celle-ci et de l’inéluctabilité de son rapport de violence au monde. Seul vient tempérer le propos l’amour secret que porte l’auteur à certains de ses personnages tourmentés, victimes expiatoires d’une destinée humaine qu’ils illuminent de leur propre faiblesse, de ce fil ténu qui leur permet de résister, de continuer à vivre.
Prenant prétexte de lieux et d’époques qui ont marqué l’Histoire, c’est à une introspection sur les fondements même de l’âme humaine qu’invite l’auteur, dans une langue travaillée au corps, dépouillée et puissamment évocatrice, qui diminue la distance entre narrateur, personnages et… lecteurs. Une écriture qui ne rechigne pas à l’humour (souvent noir) et à l’exploration poétique.
Opus n°2 d’une œuvre qui se construit en s’ouvrant au monde, San Ghjuvanni in Patmos/Saint Jean à Patmos garde de l’écriture du premier recueil ce parfum d’insularité qui signe aujourd’hui les vraies œuvres littéraires publiées dans l’île de Corse, que l’on aborde celui-ci comme le précédent par la langue corse ou par sa traduction française.
Extrait
« Vitachuco se mit les mains derrière la nuque, faisant bouger ses coudes comme les ailes d’un oiseau. Les Espagnols riaient. Les pieds de Vitachuco cherchaient maintenant à ne plus toucher terre. Ses bras battaient l’air. Le prêtre expliqua qu’il prenait son envol pour s’approcher au plus près du Grand Esprit. Le jeune roi semblait maintenant voler, ses muscles étaient tendus presque jusqu’à se rompre, ses yeux étaient vides, comme enfiévrés, on n’y lisait plus la peur. Il volait, il était un oiseau, au plus près du Grand Esprit. Il volait et se plantait devant De Soto, indifférent et saoul, et tout autour les autres conquistadores souriaient ou se moquaient franchement, proférant des insultes abominables. De Soto enfin jeta un regard et remarqua les coudes qui battaient étrangement l’ait tout près de lui. Les poings serrés derrière la nuque de Vitachuco s’abattirent d’un coup et frappèrent avec une rage extraordinaire le visage du Fils du Soleil, et la figure de l’Espagnol sembla éclater en mille morceaux. »
(« Vitachuco et le Fils du Soleil »)
Revue de presse