Études corses n° 66
Études corses n° 66

Études corses n° 66

Juin 2008

16,5 x 24 cm - 260 pages

9782846982740
15,00 €
TTC Livraison sous 1-2 semaines

Revue de l’Association des chercheurs en sciences humaines (domaine corse) Rousseau et la Corse Colloque de Bastia, 5 et 6 octobre 2007

Fermer

Description


Sommaire

Rousseau et la Corse

« Le contrat politique avant le Contrat social : le cas de la Corse, approche comparative. » Francis Pomponi
« Le maintien de l’ordre public et le bonheur des particuliers. Rousseau et la Cité. » Bernard et Monique Cottret
« La Corse dans la correspondance de Rousseau. » Jean-Luc Guichet
« Témoignages et commentaires britanniques sur Rousseau, l’invitation de Buttafoco et le gouvernement de Paoli (1764-1768). » Francis Beretti

La Corse de Rousseau

« La réception du Projet de constitution pour la Corse. » Tanguy L’Aminot
« Rousseau, l’Isle de Corse et la question des relations externes. » Antoine Hatzenberger
« Comment Rousseau inventa la Corse. » par Yves Vargas
« Le législateur piégé : la Corse, la Pologne et leurs fêtes. » Paule-Monique Vernes

La Corse après Rousseau

« Le rousseauisme contre les révolutions de Corse. » Ange Rovere
« Corse, révolution, instruction : Rousseau ou Condorcet ? » Josiane Boulad-Ayoub
« Napoléon, la « grande nation » et les autres. » René Lacroix
« Un adolescent corse et Jean-Jacques Rousseau : Napoléon Bonaparte dans les années 1780. » Antoine Casanova


Extrait

Tout commence par une rumeur. C’est là la première réception du Projet de constitution pour la Corse. Avant même qu’il soit écrit, il suscite des réactions et attire les commentaires. Bachaumont dans ses Mémoires secrets, Grimm dans sa Correspondance littéraire se font les complices de Voltaire encourage ses amis à répandre la nouvelle pour affoler davantage Rousseau. Rappelons en effet quelques dates. Buttafoco a écrit à Rousseau en exil à Môtiers, le 31 août 1764, pour lui proposer de donner une constitution aux Corses. Le philosophe est alors occupé à publier ses Lettres de la Montagne dans lesquelles il répond aux Genevois et il songe à trouver un meilleur refuge à l’île de Saint-Pierre.

À la mi-novembre, Grimm écrit dans sa Correspondance littéraire : « On dit que Pascal Paoli, chef des Corses, vient d’écrire à J.-J. Rousseau pour lui demander des lois pour sa nation. Voilà une démarche qui flattera singulièrement le ci-devant soi-disant Citoyen de Genève, et qui, si elle ne procure pas aux Corses les lois qu’ils désirent, nous vaudra un ouvrage de Jean-Jacques d’un caractère neuf et piquant. On prétend que d’autres Corses se sont aussi adressés à d’autres personnes pour le même objet. Ce serait bien le mieux, que de prendre l’avis des hommes les plus éclairés de l’Europe, de les comparer et de choisir ou d’en composer le meilleur. La belle tâche que Paoli propose aux philosophes à remplir ! »

Les historiens ont en effet montré depuis que Voltaire avait lancé le bruit selon lequel Paoli avait contacté d’autres philosophes. Rousseau était bien le seul auteur auquel Buttafoco et non pas Paoli, avait écrit — j’y reviendrai, mais lui faire croire qu’il était le jouet des Corses entrait bien dans la stratégie haineuse de Voltaire qui allait publier en décembre son pamphlet le plus violent contre Jean-Jacques, Le Sentiment des citoyens. Le Mondain réglait ses comptes avec le Sauvage à qui il ne pardonnait pas de faire sa mauvaise tête et de ne pas participer à ces jeux de pouvoir et de convivialité qu’apprécient tant aujourd’hui des auteurs comme Elisabeth Badinter, Philippe Sollers et bien d’autres discoureurs des Lumières telles que les imaginent les chantres du libéralisme avancé. La rumeur va prendre appui sur quelques écrits avec le temps. En 1779, soit un an après la mort de Rousseau, F.-R.-J. de Pommereul rappelle dans son Histoire de l’Isle de Corse la démarche de Buttafoco auprès de Rousseau. Il déclare que certains Corses considèrent l’officier du Royal-Italien comme « un traître à la patrie, qui a cherché à s’élever sur les ruines du gouvernement national » et il ajoute que « c’est cet officier qui possède une suite de lettres de J.-J. Rousseau, relatives au projet de législation de la Corse ». Rousseau avait en fait remis à Paul Moultou l’année précédente, en mars, le manuscrit de son Projet, en même temps que ceux des Confessions, des Dialogues et d’Émile, mais Pommereul ne pouvait le savoir. Ce sont ces « quatre lettres à M. Buttafoco sur la législation de la Corse » qui paraissent dans les éditions des Œuvres de Rousseau comme celle de Naigeon, Fayol et Baucarel en 1801 ou celle de Villenave et Depping en 1817. Ce sont aussi des « lettres sur la législation des Corses », et non pas du Projet, dont parle Musset-Pathay dans la quatrième partie de son Histoire de la vie et des ouvrages de J.-J. Rousseau qui paraît en 1821. Il rappelle les propos célèbres de Rousseau sur la Corse à la fin du chapitre 10 du livre II du Contrat social en évoquant Napoléon : « Si ce n’est l’île, c’est quelqu’un de l’île, et l’Europe a été plus qu’étonnée » et il expose en deux pages la manière dont Buttafoco contacta Rousseau et les raisons qui le conduisirent à abandonner son projet. Musset-Pathay revient de manière un peu plus détaillée sur cette histoire en 1825, en publiant dans les Œuvres inédites de J.-J. Rousseau, suivies d’un supplément à l’histoire de sa vie et de ses ouvrages, sous le titre « Affaires de Corse » quelques lignes où il mentionne pour la première fois le Projet lui-même, ainsi que sa genèse. Rousseau n’est jamais perçu de manière neutre et Giuseppe Maria Jacobi, avocat de son état, qui publie en 1835 une Histoire générale de la Corse, depuis les premiers temps jusqu’à nos jours, donne sans doute pour la première fois une appréciation de l’affaire Rousseau-Corse que l’on va retrouver encore aujourd’hui. Il écrit : « Le général Paoli qui, à vrai dire, savait mieux que Jean-Jacques ce qui convenait à ses compatriotes, mais qui était sûr qu’un semblable travail ne pourrait que servir à la consolidation et au développement de son propre ouvrage, approuva la démarche de Buttafoco et joignit ses instances à celle de cet officier pour décider l’auteur du Contrat social à consacrer quelques-unes de ses veilles à la Corse »

Dans ce livre, l’auteur cite aussi un passage de Rousseau où celui-ci s’indigne de l’invasion de l’île par les Français, et il en profite pour faire servir Rousseau à la cause anti-Bourbon, telle qu’elle existait sous la monarchie de Juillet : « Pour donner aux paroles du citoyen genevois un sens plus vrai et le caractère d’un jugement historique, il n’est besoin que de substituer Bourbons et roi aux mots peuple français. En effet cette race royale n’a travaillé au dehors qu’à détruire la liberté. » Des travaux d’érudition comme la publication en Italie de la correspondance de Paoli en 1846 apportèrent les éléments qui serviront quelques années plus tard à d’autres historiens pour éclaircir cette question du rapport de Rousseau et des nationalistes corses.

C’est en 1861 que la première édition du Projet de constitution pour la Corse a lieu. Elle paraît dans les Œuvres et correspondance inédites de J.-J. Rousseau publiées par M.G. Streckeisen-Moultou, ouvrage qui comprend également l’Essai sur l’origine des langues, les Amours de Claire et Marcellin, le Traité élémentaire de sphère et d’autres écrits du philosophe conservés à Neuchâtel. Le Projet est précédé d’un avertissement de l’éditeur de deux pages et de la notice que Musset-Pathay avait éditée, dans laquelle il rappelait les faits historiques qui avaient conduit le philosophe à entreprendre cet ouvrage. Le Projet est peu remarqué. Saint-René Tallandier, chroniqueur à la Revue des deux mondes, le cite mais s’attache davantage à la Fiction ou morceau allégorique sur la révélation, qu’il qualifie de « la plus intéressante de ces feuillets retrouvés ».

Détails du produit

Parution
Albiana 2008
Format
16,5 x 24 cm
Nombre de pages
260
Nouveau

Avis (0)

Aucun avis
Article ajouté à la liste de souhaits