Quatrième de couverture
Les trente dernières années sont, pour la société corse, celle d’un bouleversement économique, social, politique et institutionnel, sans précédent pour elle-même et sans équivalent au niveau national.
Paradoxalement assez éloignée de nombre de régions françaises — périphérique, montagneuse et insulaire, démographiquement insignifiante, porteuse d’une communauté et d’une culture plus proche de l’Italie qu’aucune autre, économiquement sous perfusion depuis de longues décennies et politiquement peu encline au changement —, la Corse a eu à relever un certain nombre de défis qui ont profondément changé la courbe de sa destinée et qui lui ont souvent valu d’être qualifiée de « laboratoire ».
Or ces trente dernières années sont aussi pour Wanda Dressler celles d’un long travail de recherche et d’études sociopolitiques sur l’île, entamé dès 1977 par la soutenance d’une thèse (Développement économique et mouvement autonomiste). En réunissant les articles fondamentaux qui jalonnent pas à pas son parcours, en réactualisant certains d’entre eux puis en les organisant autour de thématiques majeures, c’est un large panorama inédit de cette évolution qui est offert ici au lecteur. Les questions des structures sociales, des dynamiques à l’œuvre au sein de la société corse, des identités sont abordées avec le regard de l’analyste, mais elles laissent aussi en conclusion la place à des réflexions prospectives relatives à la place nouvelle de l’île au sein de l’Europe.
Wanda Dressler est chercheur attachée au LADYSS (CNRS). Elle a notamment ouvert depuis les années 90, un vaste chantier de recherches sur les nationalismes de l’Europe de l’Est. Elle est l’auteur d’un premier ouvrage de référence La Corse en question(s) (Albiana, 2004), primé en 2005 au Salon international du livre insulaire d’Ouessant (catégorie « Essais ».)
Sommaire
Introduction
Première partie : Pérennité des structures sociales et politiques insulaires ?
1. Un moment d’histoire de la Corse (xe-xve) : société pastorale contre cité-État
2. Commune, communauté et nationalisme en Corse
3. Histoire d’une singularité, culture politique, clanisme et nationalisme en Corse
Deuxième partie : À quoi servent les mouvements sociaux ? ou Une tranformation des structures politiques insulaires est-elle possible ?
4. Le statut particulier de la Corse à l’épreuve de la réalité insulaire
5. La fin du national : Corse-Antilles ?
6. Le mouvement social corse, évolution des paradigmes
7. Mise en scène des mouvements sociaux et régionaux en France
8. Le clan entre État-providence et mouvements sociaux : vers de nouvelles pratiques politiques ?
Troisième partie : Identité et droit à la différence ?
9. Vers une société pluriculturelle en France ?
10. Être corse en diaspora
11. Le pays du migrant
Quatrième partie : Quel devenir pour l’île de Corse en Europe ?
12. L’identité comme ressource pour le développement en Corse ?
13. Construction d’une praxis écologique : entretien avec Claude Robertson-Forcioli
14. La politique européenne de coopération régionale transfrontalière et les modalités de son application dans le cadre français.
Conclusions
Extrait
« Chaque puissance étrangère a toujours tenté, en effet, de réduire l’hétérogénéité des structures corses, ne serait-ce que pour en extraire des taxes ou un surplus céréalier. Dans le domaine foncier, par exemple, les puissances tutélaires d’origine urbaine ont toujours favorisé le droit foncier privé notamment par l’introduction du fait urbain : Rome, Pise, Gênes, la France ensuite, ont favorisé l’urbanisation des côtes en encourageant le passage à la propriété privée par le biais de concessions domaniales à l’encontre du droit coutumier insulaire. Celui-ci, antérieur au droit romain, est fondé sur la superposition de deux droits : le droit de pâture ou d’errance libre du bétail sur toutes les terres ouvertes de l’île, droit commun à tous les insulaires, et le droit de culture réservé à un groupe plus restreint sur les terres à blé et les terres de coteaux, proches des villages. La coutume corse limitait la propriété au fruit du travail personnel, le troupeau au berger et la récolte au cultivateur, la terre étant le bien commun de tous les hommes. »